Peut-on encore sauver l’économie française ?

Nous ne le dirons jamais assez : de par ses paysages, son positionnement géographique, ses infrastructures routières, ferroviaires, maritimes et aéroportuaires, ses monuments, sa capitale et l’ensemble de ses villes et villages, la France est certainement l’un des plus beaux pays du monde. Elle est aussi l’un des plus généreux et bienveillant. Et pour cause : ses dépenses sociales représentent 32 % de son PIB, un record planétaire, à comparer aux 20,5 % pour la moyenne de l’OCDE. Une redistribution sans équivalent qui permet de faire baisser le taux de pauvreté de 22 % à 14,1 % (soit 5 millions de personnes sauvées de la pauvreté). La France dispose également de fleurons mondiaux dans de nombreux secteurs (aéronautique, automobile, énergie, chantiers navals, IAA, luxe, pharmacie, tourisme…)

Mais, malheureusement, ces atouts sont devenus des pièges. En effet, persuadés que grâce à ses avantages naturels, à son Histoire et à ses fleurons industriels, la France ne pourra jamais tomber de son piédestal, tous les gouvernants français ont refusé de voir la réalité en face et ont interdit la moindre réforme de fond.

Pour mieux faire avaler la pilule, la méthode Coué a été érigée en stratégie unique, espérant qu’à force d’annoncer que tout va bien, tout finira par aller bien. Ce déni de réalité a commencé en 1981. A l’époque, en pleine récession mondiale, les Mitterrand, Mauroy, Attali et consorts voulaient nous faire croire que tout irait mieux en augmentant massivement la dépense et la dette publiques. Quelle erreur stratégique ! Pire : en dépit du bon sens, tous les dirigeants suivants ont continué dans cette même voie catastrophique. Si bien que la dette publique est passée de 20 % du PIB en 1980 à environ 100 % de 2017 à 2019, 116 % en 2020 et certainement 125 % cette année. Dans le même temps, la France est devenue numéro un mondial en matière de poids des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques dans le PIB. La France s’est ainsi endormie sur ses lauriers et est entrée dans une phase de déclin particulièrement dangereuse. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : de 3,6 % en 1980, la croissance structurelle de l’économie française est désormais inférieure à 1 %. Dans le même temps, son poids dans le PIB mondial est passé de 4,5 % à 2,3 %. Encore plus triste : en matière de richesse par habitant, la France est passée de la douzième place mondiale en 1980 à la 24eme depuis quelques années.

La crise du coronavirus et la récession historique (l’une des plus forte du monde développé) qui en a suivi n’ont évidemment pas arranger les choses. Pire, en ce début 2021, la France est la lanterne rouge de l’Europe sur le chemin de la reprise.

Pour autant, rien n’est perdu : il est encore possible de sauver la France si ses dirigeants sont à la hauteur de la situation et ont le courage de prendre enfin les mesures de bon sens qui s’imposent. Le « bon plan » consisterait ainsi à mettre en place une « thérapie de choc bienveillante » autour des cinq piliers suivants :

  1. Baisser la pression fiscale pour tous, les entreprises et les ménages, de façon claire, notamment en réduisant le taux de l’impôt sur les sociétés (vers les 20 %) et la CSG, ce qui améliorera le pouvoir d’achat de tous les Français. Par la même occasion, cela créera un boom de confiance, qui pourra faire accepter plus facilement la baisse de la dépense publique, qui constitue notre deuxième mesure phare.
  2. Optimiser la dépense publique, en réduisant les dépenses de fonctionnement. Car attention, baisser les dépenses d’investissement et/ou de santé serait contre-productif. Il faut au contraire s’attaquer aux dépenses de fonctionnement (le fameux mille-feuilles administratif) qui ont augmenté de 120 milliards d’euros au cours des douze dernières années. Si un tel dérapage ne s’était pas produit, le poids des dépenses publiques serait ainsi de 50 % du PIB. Autrement dit, réduire le train de vie de l’Etat ne signifie pas rogner sur les missions de service public mais améliorer et optimiser ce dernier. La dépense publique deviendra alors plus féconde en création de richesses et en emplois.
  3. A côté de la réduction des impôts pour tous et de l’optimisation des dépenses publiques, il sera également indispensable de réduire le coût du travail, non pas évidemment en abaissant les salaires, mais en réduisant d’au moins 15 % les charges qui pèsent sur ces derniers. Cela permettra alors d’augmenter les salaires nets et donc d’améliorer le pouvoir d’achat des ménages. De quoi là aussi relancer la confiance des Français dans la politique économique nationale. Pour y parvenir, il sera possible de transférer une partie des charges qui pèsent sur les salaires vers la TVA, mais, attention, sans augmenter le taux de cette dernière. Car sinon cela viendrait grever le pouvoir d’achat et amoindrir la confiance.
  4. Pour parfaire ces trois évolutions indispensables, la France devra également moderniser son marché du travail. Cela passera notamment par les mesures suivantes : 1. Simplifier drastiquement le code du travail. 2. Réduire les contraintes à l’embauche et au licenciement. 3. Permettre à chaque salarié de choisir son type d’assurance chômage et les cotisations qui pèsent sur le salaire en conséquence. 4. Créer un contrat de travail unique.
  5. Enfin, dans cette France modernisée, il faudra également favoriser le financement des entreprises et de l’innovation, notamment en assouplissant les règles prudentielles qui pèsent sur les banques et en facilitant la création de fonds d’investissement.

Ces mesures ne sont pas ultra-libérales, ni destructrices, mais simplement de bon sens économique. Et si les Français ne les acceptent pas, alors il faudra se résoudre à un taux de chômage supérieur à 10 % pendant encore des décennies, un taux de chômage des moins de vingt-cinq ans qui dépassera durablement les 25 % et condamnera trop de jeunes à la précarité et in fine à l’instabilité sociétale. Est-ce là l’héritage que notre génération veut laisser ? Surtout pas. Alors, s’il vous plaît, Mesdames et Messieurs les dirigeants du pays, cessez de faire comme vos prédécesseurs, en vous contentant de colmater les brèches et de faire du marketing. Ayez enfin le courage d’engager la France sur le chemin des réformes structurelles et de la modernité économique.

Marc Touati