Depuis un an et le début de la pandémie de coronavirus, la France s’est malheureusement distinguée par ses erreurs et ses échecs : absence de masques, tests introuvables, retard sur la vaccination, mortalité dramatique et récession historique. A l’évidence, il aurait été difficile de faire pire.
Pourtant, au moment où une reprise semblait possible, un troisième confinement risque de s’imposer, ce qui aurait des conséquences désastreuses pour notre beau pays : aggravation de la récession, nouvelle flambée de la dette publique qui est déjà la plus importante de la zone euro et augmentation des risques de malaise social et de dérapages sociétaux. De tristes évolutions qui compromettraient encore davantage les chances de reprise pour 2021.
D’ores et déjà, il faut savoir que de par la limitation, voire l’arrêt ou plutôt l’interdiction de nombreuses activités (restaurants, tourisme, cinémas, spectacles, musées, évènementiel…), le manque à gagner pour l’économie française est d’environ 1 milliard d’euros par jour. En cas de nouveau confinement, la facture pourrait dépasser les 3 milliards d’euros par jour. A titre d’’exemple, n’oublions pas qu’au premier semestre 2020, c’est-à-dire lors du premier confinement, le PIB français hors inflation a chuté de 18,9 %. Au quatrième trimestre 2020, avec « seulement » un mois de reconfinement, sa baisse a été de 1,4 %.
Le drame est que pour essayer d’éponger toutes ces pertes et de limiter les dégâts économiques et sociaux, la France comptait sur un rebond significatif sur l’année 2021. Selon nos estimations, le PIB français aurait ainsi pu augmenter de 4,5 %. Malheureusement, avant même la décision d’un troisième confinement, les derniers indicateurs avancés de l’économie nationale ont montré que cette dernière était toujours engluée dans la récession.
Dans ce cadre, un nouveau confinement se traduirait par une nouvelle forte baisse du PIB au premier trimestre 2021, ce qui empêcherait toute reprise significative sur l’ensemble de cette année. Et ce d’autant que, selon toute vraisemblance, la population française ne sera pas majoritairement vaccinée avant septembre 2021. Autrement dit, si l’on attend l’automne prochain pour retrouver une activité économique relativement normale, le PIB français pourrait encore chuter de 5 % sur l’ensemble de l’année 2021.
Evidemment, pour essayer de limiter les dégâts ou plutôt de masquer la réalité, les dirigeants politiques et monétaires vont certainement encore « mettre le paquet » Le problème est qu’avant même le début de la pandémie, la « planche à billets » avait déjà été utilisée excessivement et les dettes publiques atteignaient déjà des niveaux stratosphériques (à part dans certains et rares pays tels que les Pays-Bas et l’Allemagne).
Dès lors, il ne faut pas se leurrer : cette débauche de moyens ne restera qu’une « fuite en avant », destinée à sauver les meubles, mais incapable d’engendrer une croissance forte et durable, principalement en France et dans les pays déjà anesthésiés depuis des années par une dette publique et un soutien monétaire autant pléthoriques qu’inefficaces.
Et ne l’oublions pas : au troisième trimestre 2020, la dette publique française a déjà atteint 116,5 % du PIB, soit le cinquième rang de la zone euro, derrière la Grèce (199,9 %), l’Italie (154,2 %), le Portugal (130,8 %) et Chypre (119,5 %), mais devant la Belgique (113,2 %). Signe des temps, c’est la première fois dans l’Histoire économique contemporaine que le ratio dette publique / PIB de la France dépasse celui de la Belgique…
Mais ce n’est pas tout, puisqu’au troisième trimestre 2020, la France a aussi été confortée dans son rôle de premier fournisseur de dette publique de la zone euro, avec un poids de 24,1 % contre 23,2 % pour le second, à savoir l’Italie. Là aussi, ayons le courage de regarder la réalité en face et cessons de mentir aux Français : notre « chère » dette publique va encore augmenter nettement au cours des prochains trimestres pour certainement dépasser la barre des 130 % du PIB.
De plus, au contraire de ce que veulent laisser croire des esprits bien mal intentionnés, cette dette ne disparaîtra pas comme par magie, y compris celle détenue par la BCE. Et ce pour la simple raison que les statuts de cette dernière interdisent évidemment une telle annulation. Or, il paraît très peu probable que l’on puisse changer rapidement cette règle de base, par ailleurs indispensable à l’indépendance de tous les instituts d’émission crédibles, comme doit l’être la BCE.
En outre, à compter que l’on puisse passer par miracle ce premier obstacle, il n’est pas certain que la zone euro, déjà particulièrement bancale, puisse survivre à l’annulation des dettes détenues par la BCE, surtout parce que cela créera une distorsion entre les Etats « sérieux » et les autres.
Enfin, cette stratégie est un fusil à un coup. Cela signifie qu’après avoir annulé les dettes d’un Etat ou d’une somme d’Etats, ceux-ci perdront durablement en crédibilité. Dès lors, une phase de remontée massive des taux d’intérêt des obligations d’Etat se produira, ce qui aggravera la récession, augmentera le chômage, suscitant une nouvelle flambée des déficits et des dettes, sans parler des risques financiers, sociaux et sociétaux qui en découleront.
Autrement dit, alors que nous mettrons dix ans avant de digérer les affres économiques de la pandémie, les maux encore plus douloureux de la dette publique pèseront sur notre santé économique et financière pendant plusieurs générations.
Il est donc grand temps de retrouver le bon sens : il ne faut pas se tromper d’ennemi. Ce n’est pas l’économie qu’il faut tuer, mais le coronavirus… Arrêtons donc de laisser croire que les « fuites en avant » des confinements et de la dette publique seront indolores pour notre économie et la vie des générations à venir. Il faut arrêter d’infantiliser les Français. Il est au contraire indispensable de les responsabiliser : si un nouveau confinement s’impose, non seulement la pandémie continuera mais en plus notre économie ne s’en remettra pas.
Marc Touati