L’été serait-il devenu structurellement fatal pour les marchés boursiers ? Au regard de leur évolution au cours des onze dernières années, la question mérite d’être posée. En effet, de 2007 à 2017, seuls deux étés ont consacré une augmentation des marchés boursiers occidentaux, en l’occurrence ceux de 2012 et 2013. Toutes les autres périodes estivales (soit 9 sur 11) ont été pluvieuses, voire orageuses.
Comme dirait Georges Perec, « Je me souviens ». Eté 2007, éclatement de la crise des « subprimes » : entre la mi-juillet et la fin août, le Dow Jones perd près de 7 % et le Cac 40 presque 11 %. Un an plus tard, la flambée du pétrole à 150 dollars le baril, puis la faillite de Lehman Brothers font mordre la poussière aux marchés boursiers qui chutent de plus de 30 % en trois mois.
Eté 2009, les craintes d’un « double dip » (une rechute de l’activité économique), notamment aux Etats-Unis et en Europe, suscitent une baisse d’environ 7 % des grands indices en juin-juillet. Lors des étés 2010 et 2011, c’est au tour de la crise grecque et des inquiétudes sur la viabilité de la zone euro de faire plonger les marchés.
Fort heureusement, les deux années suivantes ont mis fin à cette malédiction estivale. En 2012, grâce au sauvetage de la zone euro par la BCE, les indices occidentaux progressent d’environ 8 % entre juin et septembre. Quant à 2013, grâce à une croissance mondiale soutenue et à une action toujours très accommodante des principales banques centrales de la planète, la performance estivale avoisine les 7 %.
Pour autant, le dicton « jamais deux sans trois » ne fonctionnera pas. En effet, en 2014, la fin annoncée du « quantitative easing » de la Réserve fédérale américaine, le nouveau défaut de l’Argentine, les risques géopolitiques internationaux et la faiblesse de la croissance dans la zone euro réactivent la machine baissière de l’été. Entre leurs plus hauts de juin et leurs plus bas d’août, le Dow Jones et le Cac 40 baissent de respectivement 4,5 % et 9,7 %.
Mais ce n’est rien par rapport aux plongeons des deux étés suivants. Lors de celui de 2015, les risques de faillite de la Grèce et les craintes (évidemment excessives) de « hard landing » de l’économie chinoise vont susciter une chute estivale conséquente sur l’ensemble des places boursières internationales : – 15,6 % pour le Cac 40 et – 13,7 % pour le Dow Jones.
En 2016, la tempête va venir du Royaume-Uni avec le vote en faveur du Brexit le 23 juin. En deux jours, le Dow Jones perd 4,8 %, mais retrouvera son niveau d’avant Brexit dès la deuxième semaine de juillet. Quant au Cac 40, il s’effondre de 10,8 % en deux jours et mettra quasiment tout l’été à s’en remettre.
Dans cette succession de tourmentes estivales, une accalmie très relative s’est produite lors de l’été 2017. En fait, principalement pour le Dow Jones, qui a progressé de 4,6 % entre le 21 juin et le 23 septembre. En revanche, après avoir flambé de 8,9 % entre le 18 avril et le 5 mai, c’est-à-dire entre la crainte d’un second tour des présidentielles Le Pen – Mélenchon et la victoire d’Emmanuel Macron, le Cac 40 a rapidement déchanté, reculant de 7,4 % du 6 mai au 29 août.
Au total, et avant même l’été 2018 qui s’annonce particulièrement délicat, les périodes estivales demeurent incontestablement des moments difficiles pour les marchés boursiers. Il faut néanmoins noter que depuis 2010, elles ont constitué des phases de respiration, entre deux mouvements haussiers, si bien qu’en dépit de six « étés meurtriers », les indices boursiers occidentaux sont restés bien orientés. Entre leurs points bas de mars 2009 et leurs sommets de 2018, le Dow Jones et le Cac 40 ont ainsi progressé de respectivement 307 % et 124 %. Même par rapport à son précédent pic d’octobre 2007, le Dow Jones a réalisé une progression de 89 %.
Seulement voilà, toutes les bonnes choses ont une fin. Et si, jusqu’à présent, les tempêtes estivales n’ont été que des parenthèses au sein d’une bulle de plus en plus extravagante, celle de l’été 2018, qui ne fait que prolonger le mini-krach de février dernier, pourrait bien constituer le véritable dégonflement de cette bulle.
Tous les ingrédients sont effectivement là pour « siffler la fin de la récré » : ralentissement de plus en plus marqué de la croissance mondiale, nette décélération de l’activité en Chine et en Inde, menaces d’augmentation du protectionnisme à travers la planète, crise économico-financière en Turquie, mais aussi dans de nombreux pays « émergents » (Afrique du Sud, Russie, Corée du Sud, Malaisie, voire Argentine et Brésil), forte baisse de la croissance dans la zone euro, en Allemagne et en France, risque de bras de fer tendu entre l’Italie et l’Union européenne dès septembre, ce qui pourrait susciter une nouvelle crise politique et existentielle au sein de la zone euro…
Bref, sans parler des dangers géopolitiques et terroristes internationaux qui sont malheureusement pléthore, la planète économico-financière apparaît fortement menacée. Voilà pourquoi les marchés boursiers sont en train de vivre leur dixième été meurtrier sur douze ans et s’apprêtent à connaître un automne très difficile.
Dans ce cadre, nous confirmons nos prévisions de baisse d’environ 15 % des grands indices boursiers occidentaux pour les six prochains mois, accompagnée d’une forte volatilité.
Nos « objectifs » semestriels sont ainsi de 21 000 pour le Dow Jones, 4 500 pour le Cac 40 et 3 000 pour l’Eurostoxx.
Il sera donc indispensable de rester très prudent, de naviguer à vue, voire, pour les plus aventureux, de faire des allers retours réguliers. Bonne fin de vacances quand même et bonnes montagnes russes à toutes et à tous….
Marc Touati