Le danger n’est pas l’inflation mais le « hard landing ».

Comme cela s’était déjà observé lors de la dernière grande crise en 2008, les institutions internationales, les marchés financiers et les observateurs économiques se trompent une nouvelle fois de danger.

En effet, comme au début 2008, ils craignent une forte résurgence de l’inflation. C’est d’ailleurs ce qui a fait dérailler les bourses mondiales début février dernier.

Or, comme il y a dix ans, le principal danger ne réside pas dans un fort dérapage inflationniste, mais dans un ralentissement trop brusque de la croissance mondiale.

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L’inflation américaine reste sous contrôle.

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Sources : BLS, ACDEFI

En effet, comme l’ont montré les dernières statistiques publiées des deux côtés de l’Atlantique, l’inflation reste largement sous contrôle.

Aux Etats-Unis, en dépit de la remontée des cours des matières premières, de la dépréciation du dollar et d’une consommation soutenue, le glissement annuel des prix à la consommation n’a été que de 2,2 % en février, soit seulement 0,1 point de plus qu’en janvier.

Selon nos projections, il pourrait atteindre 2,8 % au cours des prochains mois, ce qui serait certes élevé, mais toujours très loin de l’hyperinflation.

D’ailleurs, hors énergie et produits alimentaires, les prix augmentent encore plus modérément. En février, leur glissement annuel s’est même stabilisé à 1,8 %.

Dans le pire des cas, celui-ci pourrait remonter à 2,3 % d’ici l’été prochain.

Or, n’oublions pas que l’objectif de la Réserve fédérale américaine est une inflation hors énergie et produits alimentaires de 2,5 %.

Le resserrement monétaire de la Fed restera modéré.

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Sources : BLS, Federal Reserve, ACDEFI

Autrement dit, l’inflation américaine demeure et restera dans les clous.

En revanche, l’activité économique des Etats-Unis apparaît décevante.

Les ventes au détail restent faiblardes.

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Sources : BEA, Census Bureau, ACDEFI

En effet, malgré la baisse des impôts pour de nombreux ménages américains et en dépit d’un taux de chômage de plein-emploi, les ventes au détail ont enregistré leur deuxième mois consécutif de baisse.

Comme le montre le graphique précédent, après un second semestre 2017 déjà décevant, la consommation des ménages au sens des comptes nationaux ne devrait pas faire de miracle en 2018.

Parallèlement, le déficit extérieur américain s’est fortement creusé au cours des derniers mois.

En janvier, il a même atteint 56,6 milliards de dollars, un plus haut depuis octobre 2008.

Le déficit commercial se creuse dangereusement pour atteindre des plus haut depuis 2008-2009.

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Sources : Census Bureau, ACDEFI

Sur douze mois, il s’est hissé à 576,4 milliards de dollars, un sommet depuis avril 2009. Depuis septembre 2016, le déficit annuel américain s’est ainsi creusé de 82 milliards de dollars.

Et ce malgré la dépréciation du billet vert en 2017 qui n’a donc toujours pas produit les effets favorables escomptés.

En fait, le ralentissement de la croissance américaine est logique et inévitable. Et pour cause : l’économie de l’Oncle Sam est en fin de cycle. Depuis le début de la dernière récession, il s’est effectivement écoulé 40 trimestres.

Or, les cycles les plus longs de l’histoire contemporaine des Etats-Unis, en l’occurrence ceux de 1980 et 1990 ont atteint 42 trimestres.

Certes, en abaissant fortement la pression fiscale pour les entreprises et les ménages américains, Donald Trump a redonné du souffle au cycle. Seulement voilà, il ne pourra pas faire des miracles et prolonger éternellement le cycle de croissance des Etats-Unis.

D’autant plus que la réserve fédérale a commencé à remonter ses taux directeurs et continuera de la faire au cours des prochains trimestres.

L’économie américaine en 2018 : le cycle le plus long.

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Sources : BEA, Calculs ACDEFI

Même si l’économie eurolandaise est historiquement moins cyclique que celle des Etats-Unis, elle est néanmoins le théâtre de la même erreur d’appréciation : la principale menace ne réside pas dans l’excès d’inflation mais dans un trop fort ralentissement économique. En février, l’inflation de la zone euro a ainsi encore reculé à 1,1 %, un plus bas depuis décembre 2016. Parallèlement, après avoir augmenté de seulement 0,4 % en décembre 2018, la production industrielle eurolandaise a chuté de 1 % en janvier 2018.

Zone euro : la production industrielle chute fortement.

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Sources : Eurostat ACDEFI

Son glissement annuel tombe ainsi de 5,3 % en décembre dernier à désormais 2,7 %, un plus bas depuis avril 2017. Comme le montre le graphique ci-dessus, la corrélation avec le glissement annuel du PIB montre que ce dernier pourrait reculer vers 1,5 % dès le premier trimestre 2018.

La douche froide est encore plus douloureuse en France. Et pour cause : après avoir déjà baissé de 0,1 % en novembre, puis légèrement rebondi de 0,2 % en décembre, la production industrielle s’est effondrée de 2 % en janvier. Son glissement annuel est ainsi tombé à 1,15 %, un plancher depuis avril 2017.

Production industrielle française : attention danger.

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Sources : INSEE, ACDEFI

Tout aussi inquiétant et bien loin des craintes inflationnistes ambiantes, le glissement annuel des prix à la consommation est reparti à la baisse en février, retrouvant un niveau de 1,2 %. De même, l’inflation sous-jacente est retombée à 0,8 %.

L’inflation française recule également.

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Sources : INSEE, ACDEFI

Une fois encore, pour trouver des bonnes nouvelles, il faut traverser une bonne partie de la planète et se positionner en Chine. En effet, contre toute attente, et alors que le gouvernement chinois souhaite un ralentissement de la croissance, le dynamisme économique reste de mise. En janvier, le glissement annuel de la production industrielle a ainsi progressé d’1 point, atteignant 7,2 %, un plus haut seulement dépassé à trois reprises depuis trois ans : en janvier 2015, en février et en mars 2017.

La production industrielle et les ventes au détail accélèrent en Chine.

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Sources : NBSC, ACDEFI

Dans le même temps, les ventes au détail ont également repris quelques couleurs, affichant un glissement annuel en hausse de 0,3 point en janvier, à 9,7 %.

L’inflation chinoise rebondit temporairement.

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Sources : NBSC, ACDEFI

Certes, comme tous les mois de février, le glissement annuel des prix à la consommation a augmenté. En se hissant à 2,9 %, il atteint même un pic depuis octobre 2013. Néanmoins, comme le montre le ralentissement des prix à la production, l’inflation repartira à la baisse au cours des prochains mois et restera modérée.

Marc Touati