2018 pire que 2008 ? Episode III : 2018, vous n’avez encore rien vu…

Au lendemain de la crise de 2008, la planète économico-financière a donc été sauvée par une politique de relance budgétaire pharaonique pour un montant de 5 000 milliards de dollars à l’échelle de la planète. Grâce à cette débauche de moyens, la croissance mondiale a logiquement rebondi fortement. De plus, à la différence de celle de 1981 en France, cette relance a été internationale et n’a pas engendré une forte inflation pour la simple raison que les forces en présence à travers la planète étaient déflationnistes.

En outre, grâce à l’action des Banques centrales, qui ont inondé les marchés obligataires de liquidités, les taux d’intérêt à long terme n’ont pas augmenté, et ont même baissé pour atteindre parfois des niveaux nuls, voire négatifs. La relance keynésienne a donc bénéficié d’un contexte parfait : faible inflation, politiques monétaires ultra-accommodantes et taux d’intérêt des obligations d’Etat excessivement bas.

Pour autant, une carence demeure : que ce soit aux Etats-Unis, au Japon, en Europe et en France, l’augmentation des dépenses publiques n’est pas parvenue à relancer fortement la croissance. Une relation inversée semble même s’être imposée, puisque plus les premières ont progressé, plus la seconde a été molle.

C’est en cela que les relances budgétaires pléthoriques et les « planches à billets » démentielles des banques centrales à travers la planète (plus de 4 000 milliards de dollars aux Etats-Unis et de 3 000 milliards d’euros dans l’UEM) sont devenues dangereuses. En effet, ces gabegies n’ont pas réussi à instaurer une croissance forte, mais ont créé une multitude de nouvelles bulles financières à travers la planète.

Encore plus grave, par peur de susciter une rechute, les banques centrales et les Etats n’ont toujours pas eu le courage de siffler la fin de la récré et de provoquer un dégonflement en douceur de ces bulles. Ainsi, la Fed se refuse à augmenter trop fortement ses taux directeurs en dépit du plein-emploi et de l’augmentation de l’inflation. De même, la BCE a certes réduit l’ampleur de sa « planche à billets » mais refuse de la stopper. Parallèlement, à l’exception de l’Allemagne, des Pays-Bas et de quelques autres, la plupart des pays occidentaux continuent d’augmenter leur dette publique. A commencer par les Etats-Unis, qui, prochainement, atteindront de nouveau le plafond de dette autorisé par le Congrès.

La France va encore plus loin, puisqu’elle est l’un des rares pays de l’OCDE, pour ne pas dire le seul, a continué d’augmenter sa dépense publique, en dépit de l’inefficacité criante d’une grande partie de cette dernière. Dès lors, elle prend le risque d’un violent retour de bâton, lorsque les investisseurs reprendront leurs esprits

C’est d’ailleurs en cela que la reprise de l’économie française à partir de l’été 2017 ne pouvait être que temporaire. En effet, ce rebond de croissance n’était qu’un mouvement de correction de la faiblesse passée, associé à un alignement des planètes exceptionnel. Lorsque les planètes ont commencé à se désaligner (notamment via l’augmentation des cours des matières premières et de l’euro), la réalité structurelle a rapidement repris le dessus : trop de pression fiscale, trop de rigidités, un manque criant de modernisation du modèle économique et social hexagonal. Autant de handicaps qui ont déjà engendré un net ralentissement de la croissance française, qui ne fait d’ailleurs que commencer.

Mais si les stigmates d’une nouvelle crise sont présents depuis plusieurs mois, celle-ci n’a véritablement commencé que début février lors du mini-krach qui a suscité une baisse d’environ 10 % du Dow Jones et de la plupart des grands indices boursiers internationaux.

Pourtant, depuis lors, les marchés ont tenté une « renaissance ». Et ce, en dépit de la multiplication des dangers : engagement des Etats-Unis dans une vague protectionniste qui se répandra forcément à l’échelle mondiale, crise politique italienne qui finira par entacher le bon fonctionnement de la zone euro, baisse des indicateurs économiques avancés qui confirment que le ralentissement va s’intensifier au cours des prochains trimestres. Des évolutions qui tranchent avec les révisions haussières des prévisions de croissance du FMI, de l’OCDE, de la BCE et tutti quanti. Ce qui nous rapproche encore de la situation du début 2008 où le même aveuglement des institutions internationales sévissait.

Le problème est que si l’économie mondiale a été sauvée en 2009 grâce à une relance démentielle, elle ne pourra pas l’être lors de la nouvelle crise, puisque les autorités monétaires et budgétaires de la planète ont déjà utilisé toutes leurs cartouches. Il n’y a guère que la Chine avec ses 3 200 milliards de dollars de réserves de changes et l’Allemagne avec son excédent public qui pourront faire face à la tempête. Pour les autres, c’est-à-dire quasiment tout le monde, il ne sera pas possible de relancer la machine.

Et pour cause : les taux monétaires sont déjà à 0 % ou très faibles, les « planches billets » ont déjà été utilisées avec des résultats finalement assez moyens et les dettes publiques sont au-dessus des 100 % du PIB dans de très nombreux pays occidentaux.

Autrement dit, il est malheureusement clair que la crise de 2018 sera plus douloureuse que celle de 2008. Et ce non seulement car plusieurs bulles se dégonfleront en même temps, mais aussi parce que la sortie de crise sera plus chaotique et plus longue. La bonne nouvelle c’est qu’ensuite, nous pourrons repartir sur des bases plus saines… en 2022.

Marc Touati