2013 : la reprise est là, mais pas en France… (E&S n°275)

Humeur :

2013 : à l’aise ou malaise ?

Comme chaque fin décembre, voici venu le temps du bilan économique et financier de l’année écoulée. Si 2012 a été l’année de la « loose », du moins pour la France et la zone euro qui sont retombés en récession, 2013 a-t-elle bien été celle de la braise, comme nous l’annoncions il y a un an ? La réponse est positive. En effet, comme prévu, la croissance mondiale a été forte, avec un niveau d’environ 3,6 %. A l’instar de ce qui s’observe depuis une décennie, la locomotive de l’économie planétaire a été chinoise, avec une contribution de l’Empire du milieu à la croissance mondiale de 1,2 point. Parallèlement, en dépit d’un ralentissement logique compte tenu d’une appréciation excessive de leur devise, la plupart des pays émergents ont résisté et n’ont pas sombré dans la récession.

Bon an mal an et malgré quelques sueurs froides sur le front budgétaire, les Etats-Unis ont également été au rendez-vous de la croissance, leur PIB progressant de l’ordre de 1,8 % cette année. Il faut dire que jusqu’au 18 décembre, la Réserve fédérale a maintenu une politique monétaire extrêmement accommodante, engendrant d’ailleurs des risques de bulle financière et de trappe à liquidités. La modeste réduction du « quantitative easing » décidé lors du dernier FOMC montre que la Fed est consciente de ces dangers mais qu’elle ne souhaite prendre aucun risque sur la croissance, qui reste d’ailleurs fragile.

Enfin, et sans surprise, la zone euro est restée la lanterne rouge de la marche des affaires mondiales, subissant une nouvelle baisse du PIB d’environ 0,5 %. Certes, c’est un peu moins pire qu’en 2012 (- 0,6 %), mais l’UEM reste la seule zone au monde à régresser. Pourtant, elle a pu bénéficier de soutiens massifs, avec notamment la double baisse du taux refi de la BCE (désormais à 0,25 %) et la résilience stupéfiante de l’économie allemande, qui, bien loin de l’atonie de ses voisins, a su croître d’environ 1 %. Une fois encore, « super Mario » Draghi et la « reine Angela » ont réussi à sauver les meubles d’une maison UEM qui a toujours les pieds dans l’eau…

Bien sûr, les pays du Sud de l’Union ont continué de souffrir. En 2013, les baisses annuelles du PIB se sont poursuivies : – 3,7 % pour la Grèce, – 2 % pour l’Italie, – 1,5 % en Espagne et au Portugal. Pour autant, ces pays ont poursuivi leurs efforts de modernisation économique et sortent progressivement de l’ornière. A l’instar de l’ensemble de l’UEM, Allemagne exceptée, ils restent néanmoins pénalisés par un euro trop fort. A 1,38 dollar, la devise européenne se maintient sur des niveaux grotesques et dangereux qui pourraient susciter une nouvelle rechute de l’économie eurolandaise.

La crise chypriote en mars 2013 a d’ailleurs rappelé que la crise de la dette publique était loin d’être terminée. Et si l’incendie a été temporairement circonscrit par l’une des plus grandes spoliations étatiques de l’Histoire récente, les braises sont toujours incandescentes que ce soit sur l’île chypriote ou dans la grande majorité des pays eurolandais. Et ce d’autant plus que la croissance y reste toujours insuffisante ne serait-ce que pour rembourser la charge annuelle des intérêts de la dette publique.

Mais, au-delà de ce ces difficultés pérennes et comme nous le craignions il y a un an, le véritable malaise de l’année 2013 vient de notre « douce » France. En effet, bien loin de suivre l’exemple de ses voisins, l’Hexagone a refusé de s’engager sur la voie des réformes structurelles et ainsi aggravé son cas. Bien entendu, les dirigeants politiques du pays ne cessent de dire le contraire, défendant que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. En juin-juillet, ils ont même claironné à tue-tête « la reprise est là », un tube de l’été pour le moins détonnant, mais qui n’a pas passé l’automne, puisqu’au troisième trimestre, le PIB français a reculé de 0,1 % et de 0,6 % hors stocks. Sur l’ensemble de l’année, la croissance hexagonale devrait ainsi avoisiner les 0 %, c’est-à-dire exactement son niveau annuel moyen depuis 2008. A ce sujet, il faut savoir que le PIB français n’a toujours pas retrouvé son niveau d’avant crise, affichant même un recul de 0,3 % par rapport au premier trimestre 2008.

Pis, pour arriver à de telles piètres performances, la dépense publique a atteint un nouveau record historique de 57,1 % du PIB. La dette publique s’est encore rapprochée de la barre des 100 % de la richesse, qu’elle finira d’ailleurs par atteindre en 2014. Les niveaux d’imposition atteignent des sommets, réduisant à néant les chances de reprise forte et durable. Dans ce cadre, le chômage a évidemment continué d’augmenter, ne devant son récent ralentissement qu’à des manipulations statistiques dignes de David Copperfield.

Seulement voilà, les plans de licenciement se multiplient, le climat des affaires demeure morose et les risques de crise sociale se développent. Seul réconfort, les taux d’intérêt obligataires restent bas, permettant à l’économie française de maintenir la tête hors de l’eau. Mais jusqu’à quand ? Si la dernière dégradation de la note de la dette publique par Standard & Poor’s n’a pas suscité trop de dégâts, notamment grâce à l’action préventive de la BCE, cette dernière n’a désormais plus de cartouche. Les futures dégradations pourraient donc s’avérer bien plus douloureuses.

Dès lors, si la France n’engage pas rapidement un virage à 180°, notamment en abaissant la pression fiscale et les dépenses publiques, l’année 2014 pourrait bien se révéler pire que 2013. Comme l’an passé, il ne nous reste donc plus qu’à espérer que les dirigeants politiques du pays feront enfin les bons choix.

En attendant, toute l’équipe d’ACDEFI et moi-même vous souhaitons d’excellentes fêtes de fin d’années. J’en profite également pour vous remercier de votre fidélité et de l’accueil que vous avez réservé au « dictionnaire terrifiant de la dette » qui a été l’un des best-sellers des essais économiques en 2013 et qui poursuit encore son beau parcours.

Marc Touati



Quid de l’économie et des marchés cette semaine :

La reprise est là… Oui mais au Royaume-Uni.


Mieux que le très populaire « Get Lucky » des Daft Punk et plus fort que le « Blurred Lines » de Robin Thicke, « La Reprise est là » a été le véritable tube de l’été 2013. N’avez-vous donc pas dansé sur les paroles optimistes de François Hollande ? Toutefois la rentrée arrivant, vous avez finalement déchanté en recevant votre avis d’imposition puis en constatant le recul du PIB au troisième trimestre. Et pourtant la reprise est bel et bien là. Vraiment ? Mais où exactement ? Au Royaume-Uni…

Après la pluie, le beau temps

La croissance britannique ! La croissance outragée ! La croissance brisée ! La croissance martyrisée ! Mais la croissance britannique libérée. C’est en quelque sorte ce que George Osborne, le ministre britannique des finances, aurait pu déclarer lors de son traditionnel discours d’automne du 5 décembre dernier. Car depuis cinq ans, le Royaume-Uni a alterné entre très faible croissance et contraction marquée de l’activité. Un manque de dynamisme terrifiant qui a engendré de nombreuses destructions d’emplois ; le taux de chômage s’élève ainsi actuellement à 7,6% contre 5,1% en janvier 2008.

Durement frappé par la crise financière et par la crise de la zone euro, le pays semble néanmoins se remettre sur le bon rail économique. Enfin ! Les bons chiffres du PIB au troisième trimestre (+0,8%) viennent en effet confirmer la reprise amorcée lors des deux trimestres précédents (+0,4% et +0,7%). Mieux encore, dans un enthousiasme inhabituel, George Osborne a relevé les prévisions de croissance de l’économie britannique à +1,4% en 2013 (contre une précédente estimation de +0,6%) et à +2,4% en 2014 (contre initialement +1,8%). De bonnes nouvelles synonymes d’un probable recul du taux de chômage à horizon 2015 sous la barre des 7%.

Quelle est donc la recette (miracle ?) du redémarrage de l’économie britannique ? Un début de réponse se trouve dans la politique économique menée depuis 2010 et l’arrivée au pouvoir de David Cameron. A la tête d’un gouvernement de coalition (une première depuis 1945), le successeur de Gordon Brown a en effet mis en place un réel projet de société intitulé Big Society. Il s’agit d’un ensemble de mesures permettant à l’Etat de se retirer de la vie économique et sociale au profit du secteur privé. Il s’agit ainsi de doter les citoyens, le secteur bénévole et les entreprises, des pouvoirs et des moyens nécessaires pour agir plus profondément au sein de leur communauté.

La Big Society participe ainsi à changer les mentalités de même qu’à responsabiliser l’ensemble des acteurs britanniques quant au bon fonctionnement de leur société. Une véritable décentralisation qui permet notamment de réduire le niveau de la dépense publique pour pouvoir converger vers une trajectoire budgétaire saine. Dépassant les 7% du PIB, les déficits de l’Etat ne sont en effet plus acceptables. Et bien que la situation soit compliquée pour de nombreux citoyens britanniques tant les sacrifices à faire sont élevés, force est de constater que le nouveau modèle prôné par David Cameron a le mérite d’être clair et lisible. Un élément qui participe évidemment à améliorer la visibilité à moyen-long terme de même qu’à restaurer un climat de confiance favorable au retour de la croissance au sein de l’archipel.

Il convient néanmoins de souligner que la cure d’austérité menée par le gouvernement britannique ne suffit pas à expliquer les perspectives de croissance de l’économie. La rigueur budgétaire a effectivement été en partie contrebalancée par une politique monétaire ultra accommodante. L’activisme de la Bank of England (BoE) et plus précisément de son gouverneur, Sir Mervyn King, s’est ainsi traduite par l’abaissement progressif du principal taux d’intérêt directeur à 0,5% et surtout par l’injection de 375 milliards de livres dans l’économie (soit environ 440 milliards d’euros). Et il y a fort à parier que Mark Carney, le nouveau gouverneur de la BoE, poursuive cet assouplissement monétaire tant que le taux de chômage ne s’inscrira pas durablement sous les 7%.

L’heure des choix a sonné.

La France peut-elle alors répliquer le modèle anglais afin de booster son taux de croissance et surtout amorcer l’inversion tant attendue de la courbe du chômage ? Tout est en fait une question de choix politique dans un univers sous contrainte. Car les deux pays ont en dénominateur commun des dérapages budgétaires passés dont il convient de se rétablir. Le choix du courage (qui se traduit par une coupe drastique dans les dépenses publiques) s’oppose alors au choix du populisme (synonyme d’une hausse généralisée de la fiscalité). Quasiment cornélien, ce choix d’avenir prédétermine alors la santé future d’un Etat, temporairement en panne de croissance.

Dans un article de 2009 intitulé Large changes in fiscal policy : taxes vs spending, les économistes Alberto Alesina et Silvia Ardagna ont en effet montré, qu’historiquement, les ajustements budgétaires axés sur une hausse de la fiscalité s’accompagnent de longues récessions ; à l’inverse, quand l’ajustement porte sur la diminution des dépenses, les périodes de récession sont limitées. Le Royaume-Uni a fait le choix du courage en coupant dans les dépenses publiques. Après une période d’atonie de l’activité, David Cameron et George Osborne pourraient aujourd’hui se vanter que « la reprise est là ». Il n’en est pourtant rien tant la consolidation des derniers indicateurs économiques pourrait s’avérer difficile.

La France a en revanche fait tout le contraire de son voisin d’outre-Manche. Le gouvernement a en effet procédé à des hausses d’impôts qui, rapidement, sont devenues insupportables pour beaucoup. Dans ce contexte, l’annonce hâtive faite en juillet dernier par François Hollande et consorts sur la fameuse « reprise » économique semblait bien évidemment prématurée et relevait clairement d’un élément de communication. Une sorte de méthode Coué (prophéties auto-réalisatrices pour les puristes) conjuguée à un soupçon d’arrogance qui malheureusement ne trompe plus personne comme en atteste le recul de l’investissement des entreprises depuis maintenant huit trimestres consécutifs.

Forte de son titre de championne d’Europe de la dépense publique, la France disposait pourtant de marges de manœuvre pour assainir ses finances publiques et restaurer la confiance au sein de l’économie. En outre le pays peut à l’instar du Royaume-Uni s’appuyer sur une politique monétaire accommodante menée par un Mario Draghi dont le style s’inscrit en nette rupture avec les méthodes souvent laxistes de son prédécesseur. Mais agir sur la dépense plutôt que sur les impôts impliquait une bonne dose de courage politique et faisait courir le risque de l’impopularité et de défaite aux prochaines élections. Bilan ; pas ou très peu de croissance, un taux de chômage à plus de 11%, une pente budgétaire très glissante, une fronde sociale qui ne s’affaiblit pas et surtout une défaite annoncée aux prochaines élections…

Vient alors le temps d’une dernière question. Si le Royaume-Uni renoue progressivement avec la croissance, les citoyens britanniques sont-ils pour autant plus heureux que les citoyens français ? Il se trouve que la notion de bonheur s’avère difficile à mesurer en sciences économiques. Le fait par exemple que les migrations se font quasi exclusivement de France vers le Royaume-Uni (et non le contraire) ne permet de tirer aucune conclusion sérieuse. En revanche, malgré de nombreux préjugés, les inégalités semblent moins marquées outre-Manche qu’en France ; ainsi, selon l’étude récente du CREDOC, la classe moyenne (souvent la plus touchée par la crise et les mesures fiscales) britannique dispose d’une redistribution fiscale et sociale plus avantageuse que la classe moyenne française. Une information tout bonnement incroyable au regard de la réputation du système social français qui tend à démontrer que celui-ci est en fait à bout de souffle.

Si l’économie britannique est sur la bonne voie, le chemin à parcourir reste néanmoins encore long. C’est d’ailleurs une des raisons qui justifient la poursuite de la politique d’austérité du gouvernement Cameron. En revanche, en ce qui concerne la France, il n’est pour le moment pas question de parler de longueur du chemin … mais tout simplement du chemin.

 

Anthony Benhamou

 



Les évènements à suivre du 23 au 27 décembre :


France : le chômage repart à la hausse.


 

Calendrier complet des statistiques et évènements de la semaine :


Nos prévisions économiques et financières pour 2014 :

Pour visualiser les tableaux et graphiques, merci de consulter le fichier pdf