Cela n’aura certainement échappé à personne : depuis une quinzaine d’années, la France n’a cessé de jouer de malchances. Et ce, sur quasiment tous les plans et en particulier sur le front économique. Ainsi, après une courte phase de croissance forte en 1998-2000, la France s’est enfoncée dans une mollesse économique historique, réalisant une croissance annuelle moyenne de seulement 1,1 % de 2002 à 2016.
A côté de la morne progression de son PIB, la France a aussi été affectée par un dérapage historique de ses comptes publics. De 1,5 % du PIB en 2000, son déficit public a atteint les 7 % en 2009 et 2010 et n’a toujours pas réussi à passer sous la barre des 3 %, tandis que les Allemands, par exemple, ont retrouvé le chemin des excédents publics depuis 2014. Conséquence logique de ce laxisme incontrôlé, la dette publique a flambé pour frôler les 100 % du PIB au troisième trimestre 2017.
A la rigueur, si cette gabegie de dépenses et de dettes publiques avait généré une croissance vigoureuse, une baisse massive du chômage, un recul des inégalités et de la pauvreté, elle aurait pu être acceptable. Malheureusement, il n’en a rien été. Certes, le chômage s’est stabilisé dernièrement autour des 9,7 %, soit environ un point de moins que de 1993 à 1999. Cependant, cette évolution a priori favorable est principalement due au papy-boom. Ce dernier se résume au départ à la retraite des nombreux enfants du baby-boom, alors que ceux-ci sont remplacés par les classes creuses des années 1980-90. Autrement dit, sans cet avantage « technique », doublé d’un traitement statistique exagérément avantageux, le taux de chômage français aurait largement dépassé son sommet des années 1990.
Mais, pour certains, il y a eu pire. N’oublions effectivement pas que, pour de nombreux Français, il y a bien plus important que l’économie, à savoir l’actualité sportive et particulièrement footballistique. Et là aussi, la déveine a été particulièrement forte. En effet, de ce point de vue, les quinze dernières années resteront avant tout marquée par les tristes défaites des Bleus en finale du Mondial de football de 2006 et de l’Euro 2016, et surtout par leur élimination honteuse dès le premier tour des Mondiaux de 2002 et de 2010. Que dire alors du Tennis masculin français, qui attend toujours son vainqueur à un tournoi du grand Chelem depuis la victoire de Yannick Noah en 1983 ! Sans oublier qu’en 2006, alors que Paris était donné plus que favori pour organiser les JO de 2012, elle s’est fait souffler la place par Londres.
Enfin, sur le front politico-sociétal, souvenons-nous qu’il y a environ huit mois, la France était menacée par un second tour « Le Pen – Mélenchon » aux élections présidentielles, ce qui, le cas échéant, aurait signifié une crise européenne et mondiale sans précédent.
Mais, arrêtons là la sinistrose. Car, après avoir été « comblée » de malchances et de pessimisme, la France pourrait enfin retrouver la « baraka » et par là même le sourire. Ainsi, depuis quelques mois, tout semble aller mieux dans notre « douce France » : les Bleus sont prêts à briller au Mondial de 2018, la France est en finale de la coupe Davis et Paris organisera les JO 2024. Quant à la Présidentielle, elle a finalement été gagnée par un « jeune homme, beau et dynamique » qui, a priori, est en train de mener plus de réformes en quelques mois qu’au cours des trente dernières années… Que demander de plus ?!
Eh bien, justement, à côté de ces bonnes nouvelles sportives et politiques, les indicateurs conjoncturels français ne cessent de s’améliorer depuis quelques mois. A tel point que 2017 pourrait bien constituer une année de renouveau pour l’Hexagone. En effet, après une décennie de désinvestissement massif, les entreprises françaises ont commencé à inverser la tendance, au moins pour remplacer les équipements existants devenus obsolètes. Parallèlement, la bonne tenue de la croissance mondiale, eurolandaise et allemande commence à se diffuser aux entreprises hexagonales, renforçant leurs besoins d’investissements. Dès lors, elles reprendront progressivement le chemin de l’emploi, ce qui permettra de soutenir le pouvoir d’achat des ménages. Ces derniers pourront alors retrouver le chemin d’une consommation dynamique. Dans ces conditions, la croissance devrait atteindre 1,8 % dès 2017. D’ores et déjà, le glissement annuel de son PIB a atteint 2,2 % au troisième trimestre 2017, un plus haut depuis le deuxième trimestre 2011. Magnifique !
Encore mieux, pour couronner ce succès économique, la France pourrait aussi se féliciter de réduire enfin son déficit public et de réussir à imposer sa voix dans le concert des Nations de la zone euro. C’est en cela que l’on pourra dire que la France aura véritablement retrouvé la « baraka ».
Mais attention : « chassez le naturel et il revient au galop ». Car le retour de la chance pourrait aussi être de très courte durée. Il suffirait par exemple que l’euro continue de s’apprécier fortement et/ou que les taux d’intérêt obligataires retrouvent des niveaux un peu plus normaux, donc plus élevés, pour que le potentiel de croissance promis pour 2018 rechute aussi vite qu’il était apparu. De même, au-delà des apparences, le budget 2018 demeure très fragile, avec notamment la poursuite de la hausse des dépenses publiques. Dès lors, la moindre contrariété pourrait susciter une forte augmentation du déficit, ce qui casserait le retour de la crédibilité française et alimenterait la hausse des taux des obligations d’Etat, avec nouveau recul de la croissance et de l’emploi à la clé.
Plus globalement, nous revoilà donc devant le grand mal français : c’est lorsque tout va bien que nous perdons nos moyens. Autrement dit, nous avons tout pour réussir, mais malheureusement, le dogmatisme et la démagogie risquent de tout casser. Et oui, le plus dur avec la « baraka », ce n’est pas de l’avoir, mais de la conserver…
Marc Touati