Conjoncture économique : tout va bien, du moins en apparence.

On se croirait presque dans un rêve : depuis quelques jours, toutes les publications statistiques occidentales sont au beau fixe.

A commencer par celles de l’Allemagne et de la zone euro. Ainsi, après un petit à-coup en septembre, l’indice IFO du climat des affaires est reparti en forte hausse en octobre.

En augmentant de 1,4 point sur ce dernier mois, il atteint même un nouveau sommet historique de 116,7, dépassant de 0,7 point le précédent pic de juillet 2017.

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Nouveau sommet historique pour l’indice IFO du climat des affaires en Allemagne.

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Sources : Destatis, IFO, ACDEFI

La corrélation graphique de cet indicateur avancé avec la croissance laisse imaginer que cette dernière pourrait prochainement atteindre les 5 %. Reste à savoir si, comme cela ne s’est pas observé depuis un an, le glissement annuel va enfin suivre la flambée de l’indice IFO…

Car, avec un niveau de 2,1 %, la croissance allemande est pour le moment loin du compte.

Ce décalage est également visible sur le front de l’indice des perspectives d’activité de la même enquête IFO. En effet, sur le seul mois d’octobre, ce dernier a gagné 1,6 point. Avec un niveau de 109,1, il se situe sur un plafond depuis février 2011 et à seulement 1,7 point du sommet historique de décembre 2010. Rappelons qu’à l’époque la croissance allemande oscillait entre 4,5 % et 5,6 %.

Les niveaux récents atteints par l’indice IFO des perspectives d’activité aurait donc dû permettre à la croissance allemande d’atteindre au moins les 4 %. Mais là aussi, depuis le début 2016, un décalage inédit s’observe entre ces deux grandeurs.

Les chefs d’entreprise allemands se veulent également très optimistes sur les perspectives d’activité, mais…

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Sources : Destatis, IFO, ACDEFI

Et ce n’est pas tout, puisque, comme le montre le graphique ci-dessous, une décorrélation identique existe avec les indices Markit PMI des directeurs d’achat.

Les directeurs d’achat allemands sont également euphoriques, mais la croissance ne suit pas non plus.

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Sources : Destatis, Markit, ACDEFI

Autrement dit, oui les enquêtes de conjoncture paraissent bonnes, mais leur valeur prédictive de la croissance semble s’être fortement émoussée depuis le début 2017.

Et lorsque la corrélation entre indicateurs avancés et croissance est meilleure, comme par exemple dans le cas de la zone euro, les premiers ne sont pas flamboyants.

Zone euro : l’industrie flambe, mais les services flanchent légèrement.

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Sources : Eurostat, Markit, ACDEFI

Ainsi, en octobre, les indices Markit des directeurs d’achat de la zone euro ont été mi-figue mi-raisin : + 0,5 point dans l’industrie à 58,6 un plus haut depuis février 2011, mais dans les services – 0,9 point, à 54,9.

Une croissance stabilisée entre 2 % et 2,3 %.

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Sources : Eurostat, Markit, ACDEFI

Conséquence logique, l’indice PMI « composite » a perdu 0,8 point, à 55,9, ce qui semble indiquer que la croissance eurolandaise devrait bien se stabiliser entre 2 % et 2,3 % jusqu’à la fin de l’année.

Même analyse du côté français, mais encore un peu plus bas sur l’échelle de la croissance. Ainsi, même si les indices Markit des directeurs d’achat se sont bien comportés en octobre, tant dans l’industrie que dans les services, ils indiquent que la croissance française aura bien du mal à dépasser significativement et durablement les 1,5 %.

La croissance française ne pourra pas dépasser significativement et durablement les 1,5 %.

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Sources : INSEE, Markit, ACDEFI

Une prévision également corroboré par la dernière enquête INSEE auprès des chefs d’entreprise, dont l’indice du climat des affaires a perdu 1 point en octobre.

Le climat des affaires reste fragile selon l’INSEE.

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Sources : INSEE, ACDEFI

Certes, le chômage français a enfin repris le chemin de la baisse : – 1,8 % sur le seul mois de septembre, soit 64 800 chômeurs de moins, un record historique en nombre de personnes et depuis janvier 2001 en pourcentage.

Le chômage français baisse enfin, mais reste beaucoup trop élevé.

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Sources : Dares, ACDEFI

Pour autant, dans la mesure où le nombre de sans-emploi a augmenté de 1,6 % en juillet-août, il n’y a pas de quoi s’extasier. Et ce, d’autant qu’avec un niveau de 3 475 600, le nombre de chômeurs de catégorie A en Métropole est toujours en hausse de 11 200 personnes depuis février dernier et de 2 955 400 depuis février 2008.

Que dire alors du nombre de chômeurs toutes catégories dans la France entière ?! Il a certes baissé de 69 500 personnes en septembre, mais affiche encore une progression de 67 500 sur un an et un niveau toujours dramatique de 6 635 500 personnes.

La confiance des ménages continue de baisser.

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Sources : INSEE, ACDEFI

Confirmant ce malaise, l’indice INSEE de confiance des ménages a encore baissé en octobre, passant légèrement sous sa moyenne de long terme à 99,9, contre 108 en juin dernier. Pour retrouver une baisse aussi forte en si peu de temps, il faut remonter à 2007. Quelle coïncidence !

De plus, l’indice INSEE de l’opportunité de faire des achats importants a fortement baissé en octobre, atteignant un plus bas depuis mai 2017, indiquant par là même que la consommation des ménages français va rester molle pendant encore de nombreux trimestres.

Au total, nous sommes donc confortés dans notre prévision d’une croissance française de 1,5 % en 2017, soit 0,6 point de moins qu’en Allemagne et dans la zone euro, et un niveau identique à celui du Royaume-Uni.

Car, comme nous l’annoncions il y a plus d’un an et bien loin des funestes prévisions consensuelles de son effondrement, la croissance britannique a continué de résister en 2017.

L’économie britannique n’a pas dit son dernier mot.

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Sources : ONS, ACDEFI

Au troisième trimestre, elle a même légèrement augmenté, atteignant 0,4 % contre 0,3 % au cours du trimestre précédent, permettant au glissement annuel du PIB britannique de se stabiliser à 1,5 %.

Cette résilience, qui est certes très loin de l’euphorie, s’explique notamment par le soutien de la livre sterling, la poursuite de la « planche à billets » de la Banque d’Angleterre et bien sûr le maintien du plein-emploi, avec un taux de chômage de 4,3 %, très loin au-dessous de son homologue français, qui culminait encore à 9,8 % en août selon Eurostat.

En conclusion, que ce soit en Allemagne, dans la zone euro au Royaume-Uni et surtout en France, tout semble allait pour le mieux en apparence, mais la prudence doit rester de mise.

Marc Touati