Croissance en France et dans la zone euro : Tell me I’m not dreaming !

En attendant que le vent tourne, il faut reconnaître que les derniers indicateurs de la croissance en France et dans la zone euro ont surpris par leur dynamisme. Ainsi, après avoir déjà augmenté de 0,6 % au premier trimestre 2017, puis de 0,7 % au suivant, le PIB eurolandais a encore progressé de 0,6 % au troisième trimestre.

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La croissance eurolandaise atteint 2,5 % !

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Sources : Eurostat, BEA, ACDEFI

Son glissement annuel atteint désormais 2,5 %, un plus haut depuis le premier trimestre 2011 et 0,2 de plus que son homologue américain.

La croissance américaine reste à la peine.

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Sources : BEA, ACDEFI

Il faut dire qu’en dépit d’une progression de 0,7 % du PIB au troisième trimestre, l’économie américaine ne parvient plus à retrouver sa vigueur légendaire. Au troisième trimestre, le glissement annuel de la consommation a encore reculé, atteignant 2,6 %, contre 2,7 % au trimestre précédent et 2,9 % au premier trimestre 2017. Parallèlement, le glissement annuel de l’investissement des entreprises a quasiment stagné à 4,4 %.

Des résultats qui restent évidemment très appréciables, mais toujours très loin de ceux qui prévalaient encore en 2014, en l’occurrence 4 % pour la consommation et 9,1 % pour l’investissement des entreprises.

Certes, les derniers indicateurs avancés de la conjoncture américaine demeurent très bons. Les indicateurs des directeurs d’achat sont très élevés tant dans l’industrie que dans les services, et l’indice du Conference Board de confiance des ménages a flambé de 5,3 points en octobre, atteignant un plus haut depuis décembre 2000.

La confiance des ménages américains au plus haut depuis décembre 2000, mais la consommation ne suit toujours pas.

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Sources : BEA, Conference Board, ACDEFI

Seulement voilà, en dépit de cette euphorie psychologique, les ménages américains n’ont toujours pas retrouvé leur « fièvre acheteuse » habituelle.

Plus globalement, qu’on le veuille ou non, il faut savoir que le cycle américain de croissance est proche de sa fin et qu’en dépit des soutiens de l’Administration Trump, la croissance de l’Oncle Sam aura beaucoup de mal à retrouver les 3 %, condition pourtant sine qua non pour financer le programme du Président élu il y a tout juste un an.

On comprend dès lors pourquoi, la croissance eurolandaise parvient à dépasser celle des Etats-Unis. Le problème est que si la première tarde à suivre la seconde dans les phases de reprise économique, elle la suit très rapidement dans les périodes d’atterrissage.

Autre difficulté, même si le taux de chômage de la zone euro a continué de baisser en octobre, atteignant 8,9 %, un plus bas depuis janvier 2009, il reste encore largement supérieur à son homologue américain, en l’occurrence 4,2 %.

 

Taux de chômage : 8,9 % dans la zone euro, 4,2 % aux Etats-Unis.

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Sources : Eurostat, BLS, ACDEFI

Mais, ne boudons pas notre plaisir, la croissance annuelle eurolandaise est supérieure ou égale à celle des Etats-Unis depuis huit trimestres consécutifs, un record depuis la période 2006-2008.

La croissance eurolandaise dépasse celle des Etats-Unis depuis huit trimestres consécutifs.

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Sources : BEA, Eurostat, ACDEFI

Depuis 1995, c’est seulement la cinquième fois que la croissance de la zone euro dépasse celle de l’Oncle Sam. Pour autant, il faut noter que, depuis 1995, l’écart de croissance cumulé Zone euro / Etats-Unis atteint 75,2 points à l’avantage des seconds…

Il n’y a donc pas de quoi pavoiser, mais tout bonne nouvelle, même temporaire, est bonne à prendre.

Autre bonne nouvelle, la France continue de défier l’entendement. En effet, après avoir frôlé la catastrophe en 2015 et 2016, la croissance hexagonale a non seulement repris de belles couleurs, mais ne veut toujours pas ralentir.

La croissance française au sommet depuis le deuxième trimestre 2011.

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Sources : INSEE, ACDEFI

Les chiffres de variation du PIB parlent d’eux-mêmes : + 0,6 % au quatrième trimestre 2016, + 0,5 % au premier trimestre 2017, + 0,6 % au deuxième et + 0,5 % au troisième.

Conséquence logique de cette « série magique », le glissement annuel du PIB français atteint désormais 2,2 %, un sommet depuis le deuxième trimestre 2011. Nous avons été ainsi contraints de réviser à la hausse notre prévision de croissance pour 2017 à 1,8 %.

Mieux, les deux principaux moteurs de la croissance que sont la consommation des ménages et l’investissement des entreprises sont au beau fixe.

Au troisième trimestre, la consommation a ainsi progressé de 0,5 % et de 1,6 % sur un an, contre respectivement 0,3 % et 0,9 % au trimestre précédent.

Quant à l’investissement des entreprises, après avoir déjà progressé de 1,4 %, 1,6 % et 1,4 % au cours des trois derniers trimestres, il a encore augmenté de 1,1 % au troisième trimestre. De la sorte, son glissement annuel a pu se stabiliser à 5,5 %, un sommet depuis le quatrième trimestre 2010.

Comme souvent, il y a cependant deux grands bémols à la performance de croissance française.

D’une part, la contribution de la formation de stocks à cette dernière demeure anormalement élevée. En effet, comme le montre le graphique ci-dessous, la croissance dépasse nettement la croissance hors stocks depuis 2010. Depuis lors, l’écart cumulé entre ces deux agrégats atteint 2,5 points. Du jamais vu dans l’histoire contemporaine !

Une croissance hors stocks étonnamment faible…

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Sources : INSEE, ACDEFI

Sur la seule année 2017, cet écart sera d’au moins 0,6 point. Quelle que soit l’explication que l’on souhaite donner à ces écarts étonnants, une chose est sûre : une correction baissière sur la croissance globale finira forcément par s’opérer et ce dès 2018.

Deuxième bémol : le chômage. En effet, si ce dernier continue de baisser dans la zone euro, il reste beaucoup trop élevé en France.

Ecart de taux de chômage France – Zone euro : du jamais vu depuis juin 1999.

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Sources : Eurostat, ACDEFI

En septembre, selon les chiffres harmonisés d’Eurostat, le taux de chômage a baissé de 0,1 point dans la zone euro à 8,9 %, mais a stagné à 9,7 % en France. Un tel écart de 0,8 point « à l’avantage » de la France n’a jamais été enregistré depuis juin 1999, avec, à l’époque, des taux de chômage de respectivement 9,8 % et 10,8 %.

Et que dire alors des écarts actuels avec les taux de chômage en Allemagne bien sûr (3,6 %), mais aussi au Portugal ! Dans ce dernier pays, le taux de chômage n’est plus « que » de 8,6 %, alors qu’il atteignait un sommet de 17,5 % en janvier 2013.

Taux de chômage français : des écarts de 1,1 point avec le Portugal et 6,1 points avec l’Allemagne.

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Sources : Eurostat, ACDEFI

De quoi rappeler que si l’économie française va mieux, elle est encore loin de pouvoir se targuer d’avoir réformer en profondeur ses structures, condition indispensable pour enfin retrouver le chemin de la baisse véritable et durable du chômage.

C’est là le principal problème avec les beaux rêves : le réveil est douloureux…

 

Marc Touati