Immobilier : les arbres ne montent pas au ciel !

Même si on l’oublie souvent, en particulier sur les marchés financiers et dans le secteur immobilier, il existe une règle immuable qui régule l’économie, pour ne pas dire la vie au sens large, depuis toujours : les arbres ne montent pas au ciel !

L’économie chinoise et son secteur immobilier sont en train de le prouver une nouvelle fois. Il faut dire que de 1980 à 2020, le PIB chinois réel (c’est-à-dire hors inflation) a progressé de 3 340 %. Sur la même période, l’augmentation du PIB réel a atteint 898 % en Inde, 275 % pour la planète, 173 % aux Etats-Unis et 84 % en France. C’est dire l’ampleur du « miracle » chinois.

Conséquence logique de ce rattrapage détonant, la part de la Chine dans le PIB mondial (mesuré en parités de pouvoir d’achat) est passée de 2,3 % en 1980 à 18,7 % aujourd’hui. Celle de l’Inde de 2,8 % à 7,0 %, celle des Etats-Unis de 21,4 % à 15,9 % et celle de la France de 4,3 % à 2,2 %.

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PIB chinois : + 3 340 % de 1980 à 2020.

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Sources : FMI, ACDEFI

 

Seulement voilà, même si l’arbre chinois de la croissance est un sequoia, il a aussi ses limites. D’ailleurs, depuis une dizaine d’années, les Chinois savent qu’une crise financière et une crise de croissance sont inévitables. Après un premier coup de semonce lié à la pandémie du « Coronavirus de Wuhan », l’économie chinoise se heurte désormais à des pénuries de matières premières qui freinent l’activité économique, mais aussi à une flambée excessive des prix immobiliers, qui interdisent à de plus en plus de Chinois, déjà affaiblis par le ralentissement économique, d’accéder à la propriété.

C’est du moins ce qu’indiquent les derniers indicateurs avancés de l’économie, en particulier les indices Caixin des directeurs d’achat. Celui relatif aux services a certes rebondi au-dessus de la barre des 50 en septembre, mais celui décrivant l’activité dans l’industrie est resté en zone de stagnation économique Au total, l’indice Caixin « composite » demeure faiblard avec un niveau de 51,4, confirmant que la croissance chinoise continuera de ralentir sur l’ensemble du second semestre 2021, mais également en 2022.

Après être passée de 2,2 % en 2020 à 8,6 % en 2021, la croissance du PIB chinois pourrait même retomber vers les 6,5 % en 2022. De quoi prolonger les difficultés du secteur de la construction et la baisse des prix immobiliers par la même occasion.

 

L’économie chinoise marque une pause.

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Sources : NBSC, Caixin, ACDEFI

 

Face à ce ralentissement, les promoteurs immobiliers de l’Empire du milieu qui avaient massivement construit « limitless », c’est-à-dire en imaginant que les arbres pouvaient dépasser le ciel, sont désormais en danger.

Ainsi, tout juste quelques semaines après les déboires du premier promoteur immobilier chinois, Evergrande, c’est au tour de deux autres promoteurs chinois, Fantasia et Sinic, de mordre la poussière, puisqu’ils sont également dans l’incapacité de payer les échéances de leurs dettes. Ces nouvelles difficultés confirment donc que la bulle immobilière chinoise est en train de se dégonfler.

Si la situation est évidemment très différente en France, la bulle immobilière y est également de mise. En effet, en dépit de la pandémie et de la faiblesse des revenus, les prix de l’ancien et du neuf continuent de flamber dans l’Hexagone.

 

Prix de l’immobilier neuf : toujours plus haut, toujours plus fou !

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Sources : Se Loger, ACDEFI

 

Selon le baromètre « Se Loger », le prix du m2 dans le neuf a ainsi atteint 13 425 euros à Paris mi-2021, 12 229 euros à Boulogne-Billancourt et 6 677 à Lyon.

En moyenne nationale, il se situe à 4 310 euros et 3 605 euros pour l’ancien. Dans tous les cas, il s’agit de sommets historiques, qui font état de hausses annuelles de par exemple 9 % à Paris et de 11 % à Lyon.

Des niveaux et des flambées qui tranchent avec la faiblesse du PIB en valeur de la France et celle des revenus de l’ensemble des Français. Ainsi, du premier trimestre 1998 au deuxième trimestre 2021, les prix des logements anciens ont explosé de quasiment 300 %, tandis que le PIB français en valeur (c’est-à-dire augmenté de l’inflation) a progressé de seulement 81 %.

 

En dépit des corrections de 2008 et 2015, la bulle immobilière française reste conséquente.

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Sources : INSEE, ACDEFI

 

De même, l’indice qui rapporte l’évolution des prix des logements à celle du revenu des ménages en France, dont la valeur moyenne de 1960 à 2019 est de 1,1, a continué d’augmenter, atteignant un nouveau sommet historique de 1,79 au deuxième trimestre 2021.

 

Les prix des logements sont beaucoup trop élevés par rapport aux revenus des ménages.

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Sources : INSEE, ACDEFI

 

Il est d’ailleurs instructif de noter que cet indice continue étonnamment de flamber à Lyon (pour dépasser les 3,1), mais commence à baisser à Paris vers les 2,64, grâce à une amélioration des revenus des Parisiens. Soulignons néanmoins que ce niveau demeure toujours trop élevé pour évoquer un dégonflement de bulle.

 

Paris se calme, mais Lyon continue de flamber.

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Sources : CGEDD, ACDEFI

 

Cette bulle est évidemment alimentée par la faiblesse des taux d’intérêt qui permet aux ménages de s’endetter presque sans limite. A tel point que l’encours de leur dette représente désormais 102 % de leur revenu disponible, du jamais vu dans l’Histoire de France.

 

La dette des ménages français de plus en plus élevée.

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Sources : INSEE, ACDEFI

 

A partir du moment où les taux d’intérêt des obligations d’Etat et des crédits immobiliers vont augmenter, ce qui a d’ailleurs déjà commencé depuis quelques semaines, le château de cartes va s’écrouler.

 

La bulle ne résistera pas à l’augmentation des taux d’intérêt.

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Sources : INSEE, ACDEFI

 

D’autant que la demande de logements devrait baisser, tandis que l’offre devrait augmenter au cours des prochaines années, pour les raisons suivantes :

 

Quelles données structurelles pour l’immobilier de demain ?

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Source : ACDEFI

 

La question n’est donc pas de savoir si les prix de l’immobilier vont baisser, mais quand ? Tout dépendra de la poursuite ou non de la « planche à billets » de la BCE, qui pourrait d’ailleurs très vite pâtir de la flambée de l’inflation dans la zone euro.

Autrement dit, la prudence doit rester de mise.

 

Marc Touati