Déficits publics : la France poursuit sa « fuite en avant » et creuse encore l’écart avec l’Allemagne.

L’information est bizarrement passée inaperçue, mais elle est pourtant lourde de conséquences : le gouvernement français a dernièrement annoncé puis confirmé que le déficit public de la France atteindrait au moins 9,4 % du PIB en 2021, soit 0,2 point de plus qu’en 2020.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, ce nouveau dérapage n’a ému personne. Et pourtant ! Car si la flambée du déficit public français de 3,1 % du PIB en 2019 à 9,2 % en 2020 était, à la rigueur, acceptable, compte tenu de la gravité de la pandémie et de la récession historique qui en a suivi, sa nouvelle augmentation en 2021 alors que la croissance rebondit fortement et devrait même atteindre 5,5 % (du jamais vu depuis la seconde guerre mondiale !) est tout simplement incompréhensible, voire inadmissible.

A ce sujet, et même si cela n’est pas politiquement correct au regard du déni structurel français en matière de finances publiques, il convient d’estimer le coût effectif de la pandémie et de sa gestion sur ces dernières. Comme souvent, quelques chiffres et quelques graphiques valent effectivement mieux que de longs discours.

A commencer par ceux des déficits et de la dette des administrations publiques françaises, qui rappelle notamment que de le dernier excédent des comptes publics français remonte à 1974.

Voici le fichier pdf :

EconomicWorld220621

Le déficit public français continue d’augmenter, malgré la reprise.

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Sources : INSEE, ACDEFI

 

Encore plus problématique, selon les annonces du gouvernement français, le déficit public va encore augmenter en 2021 à 9,4 %.

Et ce, malgré la reprise qui va se traduire par une hausse du PIB français d’environ 5,5 % et de l’ordre de 8 % en ajoutant l’inflation. Autrement dit, cela signifie que le déficit public va encore augmenter de plus de 8 % en 2021 !

Ces dérapages tranchent évidemment avec la situation de nombreux Etats et notamment de celui de l’Allemagne.

Outre-Rhin, le déficit public n’a effectivement été que de de 4,2 % en 2020 et devrait revenir vers les 4 % dès 2021.

Après avoir déjà atteint un sommet de 5 points de PIB en 2020, l’écart de déficit public « France-Allemagne » devrait donc atteindre un nouveau pic historique de 5,4 points de PIB en 2021.

Un record qui ne va évidemment pas arranger la crédibilité de l’Etat français en matière de sérieux budgétaire et d’efficacité économique.

 

L’écart de déficit publics France-Allemagne n’a jamais été aussi élevé.

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Sources : INSEE, Destatis, ACDEFI

 

L’écart de ratio dette publique / PIB sera encore plus élevé puisqu’il devrait avoisiner les 50 points de PIB en 2021, via un niveau d’environ 120 % en France, contre 70 % outre-Rhin. A l’évidence, cela ne fait pas très sérieux.

 

Ratio dette publique / PIB : 50 points d’écart entre la France et l’Allemagne.

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Sources : INSEE, Destatis, ACDEFI

 

En 2021, la France confirmera donc son rôle de premier fournisseur de dette publique de la zone euro. Première place qu’elle a ravie à l’Italie courant 2020. Au quatrième trimestre 2020, la part de la France dans la dette publique de la zone euro atteignait 23,9 %, contre 23,2 % pour l’Italie et 20,9 % pour l’Allemagne.

Dans ce cadre, il est clair que la crédibilité et le pouvoir de négociation de la France au sein de l’UEM s’affaibliront notablement.

 

La France conforte sa place de premier fournisseur de dette publique de la zone euro.

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Sources : Eurostat, ACDEFI

 

Certes, jusqu’à présent, l’explosion des dettes publiques a été masquée par la « planche à billets » pléthorique de la BCE, qui a notamment permis de maintenir les taux d’intérêt des obligations d’Etat sur des niveaux exceptionnellement bas. Dès lors, l’arrêt progressif des largesses de la BCE après les élections législatives allemandes de septembre prochain risque d’inverser la tendance et par là même de faire très mal. N’oublions pas qu’une augmentation d’1 point des taux d’intérêt des obligations de l’Etat français coûtera 165 milliards d’euros sur 10 ans, donc 16,5 milliards d’euros par an.

Face à cette perspective inévitable, il devient donc de plus en plus tentant d’augmenter les impôts.

 

Augmenter les impôts devient inévitable, mais n’est pas la solution.

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Sources : INSEE, ACDEFI

 

Petit problème : faire ce choix affaiblira la croissance, en particulier dans notre « douce France » qui est déjà numéro un mondial de la pression fiscale rapportée au PIB. Or, si la croissance recule, l’assiette fiscale se réduit, ce qui amenuise les recettes fiscales et accroît les déficits.

D’où « l’idée géniale » de taxer davantage les entreprises qui sont domiciliées dans les paradis fiscaux, avec un taux minimum de 15 %.

Mais là aussi, petit problème : même à 15 %, ce taux d’imposition des sociétés est encore très loin de ceux pratiquées dans de très nombreux pays et notamment en France où il dépasse les 28 %, juste derrière le numéro un, en l’occurrence l’Australie, avec un taux de 30 % (selon les calculs très officiels de l’OCDE).

 

La France, vice-championne des impôts sur les entreprises.

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Sources : OCDE, ACDEFI

 

Autrement dit, ne rêvons pas : si la proposition du G7 de Londres n’est pas forcément une mauvaise nouvelle, elle est loin de permettre de financer le déficit énorme de nombreux pays européens, en particulier celui de la France.

Et c’est bien là le drame, car en plus d’être peu efficace, cette mesure a ouvert la boîte de Pandore de l’augmentation des impôts. Si bien que désormais, cette « stratégie » risque malheureusement de se généraliser et d’affecter de plus en plus l’épargne et le patrimoine des Européens et notamment des Français.

 

Marc Touati