« Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux ». Initialement écrite par Benjamin Franklin en 1755, cette phrase a été utilisée à de nombreuses reprises depuis et notamment par le président américain Franklin Roosevelt dans son « discours des Quatre libertés » du 6 janvier 1941. Même si la compréhension et l’utilisation contemporaines de cette citation sont souvent erronées et approximatives, son message correspond malheureusement en partie à la situation dans laquelle l’Humanité vit depuis plus d’un an.
En effet, à force de sacrifier l’amour de la vie sur l’autel de la peur de la mort, notre liberté a été bafouée. Fort heureusement, la France n’a pas adopté la politique totalitaire et gravement liberticide de certains pays qui n’ont pas hésité à multiplier les confinements stricts et à interdire la sortie et l’entrée de leur territoire à leurs propres citoyens, en les parquant dans des hôtels-prisons.
Pour autant, les atteintes à nos libertés restent pléthore, y compris en France, et risquent encore d’être bafouées au cours des prochaines semaines, à cause notamment des lourdeurs administratives hexagonales et du manque d’anticipation de nos dirigeants, en particulier sur les fronts de la vaccination et des traitements anti-Covid. Pour le pays de Pasteur, avouons que l’échec et la déception sont de taille.
Bien entendu, la vie et la bonne santé sont sacrées. La Covid19 a d’ailleurs emporté cinq de mes amis proches, à qui j’ai dédié mon dernier livre « RESET – Quel nouveau monde pour de demain ? ». Cependant, la mort fait partie de la vie et il serait vain de se laisser enfermer dans la dictature sanitaire. Aussi, il apparaît indispensable de prendre un maximum de recul par rapport à l’instant présent et de réfléchir sur des notions fondamentales telles que celle de la liberté. Liberté physique bien entendu, mais surtout liberté intellectuelle. Sans vouloir s’engager dans un débat philosophique ésotérique qui n’aurait d’ailleurs pas sa place dans cette publication, je souhaite simplement pointer du doigt les risques d’auto-aliénation qui menacent.
En effet, sommes-nous vraiment en liberté ? Sommes-nous vraiment libres de dire ce que nous pensons intrinsèquement en toute indépendance ? Ou alors, nos pensées et nos écrits ne sont-ils pas plutôt le produit d’un environnement et d’une mentalité que nous subissons ? Ou encore pire, ne faisons-nous pas simplement que vivre sous le diktat de nos dirigeants, de nos médecins, de nos médias bien-pensants, de nos clients, de nos collègues, de nos pairs, voire les six à la fois ?
Selon moi, tel est l’enjeu principal de la liberté et par là même de l’honnêteté intellectuelle. Bien entendu, il ne faut pas pour autant se voiler la face et refuser les évidences pour prouver sa liberté et son indépendance. Il est clair que cette stratégie jusqu’au-boutiste est structurellement vouée à l’échec. Parallèlement, la liberté ne permet pas d’éviter les erreurs. Mais là aussi, il faut avoir l’honnêteté de les reconnaître. Voilà pourquoi chaque année depuis plus de vingt ans, nous publions le bilan de nos prévisions, avec des réussites et aussi des erreurs.
Mais une chose est sûre, la véritable liberté de l’être humain réside dans l’indépendance intellectuelle. Pour l’économiste, cela se traduit par une véritable transparence de ses analyses et de ses prévisions qui doivent toujours se baser sur la réalité des fondamentaux économiques et ne surtout pas suivre bêtement le consensus. C’est la raison pour laquelle, en dépit du pessimisme ambiant, en dépit des évidences, mais qui ne sont qu’apparentes, en dépit enfin de la volonté généralisée de détruire le moindre souffle d’optimisme, nous continuons de garder l’espoir.
Certes, le PIB chutera encore au premier trimestre 2021 en France. Certes, le chômage augmentera encore dans les trois à six prochains mois. Certes, des ajustements massifs et souvent salutaires vont se produire sur le fonctionnement de nos économies. Pour autant, nous ne croyons aucunement à la théorie avancée par un peu tout le monde, non par conviction mais simplement par suivisme, selon laquelle le monde actuel s’écroulerait, ouvrant la voie à une révolution dévastatrice.
Evidemment, cette vision du monde est très pratique. Elle réveille en nous nos instincts primitifs selon lesquels il faut tuer les coupables et créer un nouveau monde dans lequel la puissance publique serait encore plus forte et dominatrice. Ce choix serait extrêmement dangereux. Primo, parce que la stratégie des boucs émissaires peut conduire l’Homme aux pires horreurs. Les années 1930 et la seconde guerre mondiale nous en ont donné des dramatiques exemples.
Secundo, parce qu’une révolution, on sait toujours lorsqu’elle commence, mais on ne sait jamais quand et comment elle se termine. Robespierre n’était-il pas l’un des plus modérés au début de la Révolution Française pour finalement instaurer la terreur qui finira d’ailleurs par le décapiter… Tertio, imaginer qu’un Etat et des dépenses publiques omnipotents réussiront à créer un monde meilleur est une erreur profonde. Non seulement parce que la gestion publique est loin d’être un modèle d’efficacité. Mais surtout parce que cela ne reviendrait qu’à transférer le problème d’une sphère privée en difficulté mais combative vers une sphère publique liberticide et inefficace. Cela a d’ailleurs déjà été tenté lors de la révolution soviétique de 1917 puis avec la création de l’URSS et l’on connaît les désastres qui en ont suivis…
Autrement dit, arrêtons de sombrer dans la démagogie et reprenons nos esprits. Oui, nous vivons une crise dramatique et historique, qui est certainement loin d’être terminée. Est-ce une raison pour arrêter de vivre et se confiner indéfiniment ? Bien au contraire. C’est parce que cette crise est grave qu’elle appelle de notre part une grande réactivité et une forte combativité. Il faut nous responsabiliser pour comprendre que notre avenir est entre nos mains. Nous devons retrouver notre liberté de penser et donc de choisir. A notre humble niveau, c’est ce que nous continuerons à faire coute que coute. Et tant pis pour les suiveurs qui, assurément, seront les grands perdants de cette crise.
Marc Touati