Face à la crise du COVID-19 et à la récession qui s’est installée, l’or a retrouvé la faveur des investisseurs et des épargnants.
Ainsi, comme lors des deux chocs pétroliers de 1973 et 1980, mais aussi comme lors de la crise de 2009, les cours de l’or ont flambé.
Ayant désormais dépassé la barre des 1 800 dollars l’once, plusieurs questions s’imposent néanmoins : l’or est-il devenu trop cher ? Reste-t-il une valeur refuge ? De quoi peut-il nous protéger ? Faut-il encore en acheter ? Quelle part de notre épargne lui consacrer ?
Voici nos réponses pédagogiques et engagées, graphiques explicites à l’appui…
Pour commencer, et même si on l’oublie souvent, la fascination pour l’or est millénaire. Elle est née il y a environ 5 000 ans. A l’époque, les Égyptiens ont été les premiers à tirer l’or du Nil et à exploiter des gisements à ciel ouvert. Ensuite, il y a eu la Bible : l’or y est mentionné à plus de 400 reprises. Et depuis, cette fascination pour l’or ne s’est jamais estompée. Pourquoi ? Tout simplement, parce que l’or est un métal précieux et rare. Il incarne donc une image de confiance et de solidité.
Avec les siècles et pour simplifier à l’extrême, l’or est même devenu l’une des principales contreparties de la création monétaire. Ainsi, jusqu’en août 1971, chaque pièce et billet en dollar avait une correspondance en or. En gros, pour avoir le droit de créer des pièces et des billets, il fallait disposer au préalable de réserves d’or. Autrement dit, l’or est devenu une sorte de garantie. Ce que l’on appelle une valeur refuge.
Et ce, en particulier en période de crise, de guerre, bref d’instabilité. Pendant ces périodes difficiles, le cours de l’or a même tendance à augmenter fortement.
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L’or revient sur ses plus hauts…
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Source : ACDEFI
Souvenons-nous : En 1971, quelques trimestres avant le premier choc pétrolier, l’once d’or, (petit rappel : l’once équivaut à 31,1 grammes d’or) valait 37 dollars. En 1974, donc juste après le premier choc pétrolier de 1973, cette même once d’or est montée à 200 dollars. Ensuite, en 1980, juste après le second choc pétrolier, elle a flambé à plus de 800 dollars (850 dollars au plus haut), soit une explosion de 2 000 % en neuf ans ! Cette flambée a évidemment alimenté la légende de l’or « valeur refuge », à tel point qu’il est devenu synonyme de sécurité et aussi de rendement élevé.
Et ce, en particulier pour les Français, qui sont parmi les plus grands fans d’or à travers la planète. Selon un sondage réalisé par OpinionWay en 2019, 73 % des épargnants français estiment aujourd’hui que le métal jaune constitue une solution d’épargne pertinente pour protéger leurs économies. L’or serait ainsi la quatrième solution d’épargne privilégiée par les Français après la pierre, l’assurance-vie et le dépôt d’argent.
Encore plus fort : les Français détiennent le record mondial de la détention d’or, qui est ainsi devenue une véritable tradition nationale. 16 % des Français déclarent posséder ou avoir possédé de l’or sous forme de pièces et lingots et cela concerne toutes les catégories sociales.
Et ce n’est pas tout puisqu’on estime que les particuliers français détiennent actuellement 3 000 tonnes d’or. Ce bas de laine en or représente un potentiel de 120 milliards d’euros détenu par les particuliers, et dans toutes les couches de la population : les ouvriers (13 %), les employés (17 %), les cadres (20 %).
Seulement voilà, si l’or est bien une « valeur refuge », cela ne veut pas dire qu’il est gagnant à tous les coups. Pour la bonne et simple raison que, comme toute matière première, le cours de l’or varie à la hausse, mais aussi à la baisse. Ainsi, après avoir dépassé les 800 dollars, en 1980, l’once d’or est tombée à 300 dollars dès 1982, soit une chute de 65 %. Ensuite, l’or a stagné autour des 300 dollars jusqu’en 2004. Il n’a retrouvé les 800 dollars qu’en 2008, avec la crise des subprimes et la récession qui a suivi. Autrement dit, un épargnant qui aurait acheté de l’or en 1980, en pensant qu’il était sûr de gagner beaucoup, n’a retrouvé sa mise que 28 ans plus tard.
Bien entendu, avec la crise de 2009, qui selon certains auraient dû être pire que celle de 1929, l’or a retrouvé son rôle de valeur refuge. Il a donc logiquement flambé. L’once d’or est même montée à 1 900 dollars en septembre 2011. A l’époque, de nombreux « spécialistes » du métal jaune annonçaient une hausse imminente vers les 2 500 dollars. De notre côté, nous écrivions avec humilité qu’au-delà des 1 500 dollars l’once, l’or était entré en bulle et qu’il n’était plus possible de faire des prévisions sur la base des fondamentaux économiques.
D’ailleurs, depuis ce sommet, l’or est très vite reparti à la baisse pour tomber à 1 050 dollars en décembre 2015, avant de remonter progressivement pour atteindre actuellement environ 1 800 dollars, soit encore une baisse de 5,3 % par rapport au sommet de 2011.
De plus et surtout, si l’on raisonne à dollars constants, c’est-à-dire en tenant compte de l’inflation, il ne faut pas oublier que les 850 dollars de 1980 équivalent à environ 2 800 dollars d’aujourd’hui. Autrement dit, l’épargnant qui a acheté de l’or à 850 dollars en 1980, est toujours très loin d’avoir retrouvé sa mise. Cela veut donc bien dire que si l’or rassure, il peut aussi causer des blessures.
A prix constants, l’or n’a toujours pas retrouvé ses sommets de 1980…
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Source et calculs : ACDEFI
Pour simplifier, l’or n’est une « valeur refuge » que face à trois dangers majeurs : l’hyperinflation, une récession mondiale et un krach boursier et/ou obligataire international. Le début des années 1980 avait la particularité de cumuler ces trois catastrophes. Dès que ces dangers se sont estompés, puis ont disparu, l’or s’est logiquement écroulé.
A l’inverse, lorsqu’au moins un de ces trois dangers refait surface, l’or reprend du poil de la bête. Et c’est exactement ce qui se passe depuis 2019, du moins en ce qui concerne les deux derniers risques.
L’or valeur refuge contre la récession.
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Sources : FMI, prévisions ACDEFI
En effet, depuis un an et avant même la pandémie de Coronavirus, les risques de fort ralentissement de la croissance mondiale et de dégonflement des bulles boursières et obligataires ont nettement augmenté.
Avec la pandémie, puis le confinement, ce ralentissement s’est transformé en une récession historique. En effet, à date, c’est-à-dire en espérant que la situation sanitaire ne va pas de nouveau se dégrader (ce qui est malheureusement loin d’être évident), le PIB mondial devrait chuter d’environ 5,1 % sur l’ensemble de l’année 2020.
A titre de comparaison, lors du deuxième choc pétrolier et de la crise de 2008-2009, qui ont suscité une forte hausse des cours de l’or, l’évolution du PIB planétaire a été au plus bas de respectivement + 0,6 % (en 1982) et – 0,1 % (en 2009). C’est dire combien l’augmentation des cours de l’or apparaît justifiée au regard de l’ampleur de la récession actuelle.
De même, si, pour le moment, les marchés boursiers et obligataires continuent d’être soutenus artificiellement par la morphine des banques centrales, en l’occurrence leurs « planches à billets » sans limite, il est clair que la dépression économique de 2020 finira forcément par remettre les pendules à l’heure, en particulier sur les marchés actions.
Il est d’ailleurs intéressant de noter que pour la première fois dans l’histoire contemporaine, les cours de l’or et ceux des actions ont évolué dans le même sens depuis 2019. Tout se passe donc comme si les investisseurs voulaient à la fois profiter des largesses des banques centrales tout en conservant un matelas de sécurité aurifère.
Or versus Actions : une corrélation positive détonante.
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Sources : NYSE, ACDEFI
Cette sécurité sera d’ailleurs d’autant plus nécessaire si la bulle de la dette publique finit, elle aussi, par exploser et que, ce faisant, la zone euro entre dans une nouvelle crise existentielle. En d’autres termes, tout milite pour renforcer l’appétence pour l’or en tant que valeur refuge.
En fait, pour le moment, le seul risque qui apparaît contradictoire avec la flambée du métal jaune est celui de l’hyper-inflation.
L’or flambe normalement quand l’inflation dérape….
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Sources : Markit, ACDEFI
En effet, que ce soit aux Etats-Unis, dans la zone euro ou au Japon, l’inflation reste proche de zéro.
L’inflation reste très faible.
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Sources : BLS, Eurostat, BoJ, ACDEFI
En revanche, compte tenu des fortes incertitudes sanitaires, économiques et financières nationales et internationales qui prévalent actuellement et vont s’imposer au cours des prochains trimestres, les cours de l’or vont forcément encore augmenter. Il faut donc en mettre dans vos portefeuilles, mais pas trop non plus. Disons 15 %, voire 20 % pour les frileux. Ce sera une poire pour la soif.
Cependant, attention, dès qu’il dépassera les 2 000 dollars l’once, l’or commencera à devenir trop cher et entrera dans une bulle, il faudra donc éviter d’en acheter. Et oui, il ne faut pas rêver : l’or aussi a ses limites. Comme disait Yves Montand à Louis de Funès dans La folie des grandeurs « Monseignor, il est huit or, il est l’or de se réveiller… ».
Marc Touati