Comme chaque début d’été, nous venons d’affiner nos prévisions économiques pour l’année en cours Et, malheureusement, ces dernières sont à l’image des étiquettes des magasins hexagonaux depuis quelques semaines : en soldes.
Certes, la croissance mondiale devrait rester appréciable et avoisiner les 2,8 % en 2019. Néanmoins, si ce niveau semblait être un plancher peu probable il y a encore quelques semaines, il apparaît désormais comme un plafond. Un tel résultat serait donc notablement inférieur aux 3,8 % de 2017 et aux 3,5 % de 2018, ce dernier résultat constituant également le niveau annuel moyen enregistré entre 1980 et 2018. Il confirmerait donc qu’après le rebond de 2017, puis le ralentissement de 2018, la décélération est bien sur la voie de l’accentuation. Autre problème : à quelques rares exceptions près, cette phase de ralentissement marquée est en train de se généraliser, y compris au sein des pays émergents et même si de fortes amplitudes entre les différentes zones de la planète devraient rester d’actualité.
Certes, comme cela s’observe depuis 2008, le monde dit « émergent » devrait continuer de dominer la croissance mondiale, affichant des performances ralenties, mais toujours très appréciables. Comme d’habitude, la Chine donnera le « la ». En fait, elle pliera, mais ne rompra pas. En effet, grâce à un yuan contrôlé et à des marges de politique économique toujours conséquentes, la croissance chinoise devrait reculer autour des 6,0 % en 2019, contre 6,6 % en 2018, 6,9 % en 2017 et une moyenne annuelle de 8,7 % depuis 1995. Ce résultat constituerait un plus bas depuis 1990. Ce « soft landing » permettra notamment de contenir l’inflation chinoise et de réduire la demande de matières premières, limitant par là même les cours de ces dernières. Ces deux évolutions se traduiront par un apaisement des tensions inflationnistes à travers le monde, pérennisant ainsi une progression du PIB international autour des 2,8 % sans dérapage inflationniste.
Parallèlement, la croissance annuelle moyenne du PIB indien devrait avoisiner les 6,2 % en 2019, contre 7,3 % en 2018 et une moyenne de 7,8 % de 2015 à 2017. Rien de dramatique, mais la décélération prolongée de la deuxième locomotive de la croissance mondiale (après la Chine) aura forcément des conséquences notables sur l’activité de la région et de la planète. Une situation bien moins favorable s’observera au Brésil, puisque la croissance brésilienne sera d’environ 0,8 % en 2019, soit 0,3 point de moins qu’en 2017 et 2018. Que dire alors de l’Argentine, qui restera engoncée dans la récession pour la deuxième année consécutive.
Du côté des pays développés, les différences de performances seront également de taille, mais avec une constante : aucun pays ne devrait connaître une croissance 2019 supérieure à celle de 2018. Comme l’an passé, les Etats-Unis resteront la locomotive du monde développé, avec une croissance de 2,4 %, contre néanmoins 2,9 % en 2018.
Parallèlement, après être tombée de 1,9 % en 2017 à 0,8 % en 2018, la croissance japonaise devrait encore reculer à 0,7 % cette année. De même, après avoir rebondi à 2,5 % en 2017, puis fléchi à 1,8 % en 2018, la croissance de la zone euro devrait continuer de régresser en 2019, avec une « performance » d’au mieux 1,1 %. Et ce, d’autant qu’en dépit du déni de réalité ambiant, rendu possible grâce à l’opium diffusé par la BCE, de nombreux membres de l’UEM restent proches de la crise politique et sociétale, qui finira par engendrer une véritable crise de confiance quant à la capacité de la zone euro à se renforcer voire à perdurer en l’état.
De telles craintes ne manqueront évidemment pas de « titiller » les taux d’intérêt des obligations d’Etat à la hausse, notamment dans les pays du Sud, mais aussi en France. Dans ces conditions, après avoir atteint 2,4 % en 2017, puis 1,7 % en 2018, la croissance hexagonale se repliera encore vers 1,2 % en 2019.
A l’échelle de la zone euro, des résultats similaires seraient obtenus, mais avec aussi de nombreuses disparités. Comme en 2018, l’Italie devrait rester la lanterne rouge de l’UEM, avec une progression annuelle de son PIB de 0,3 %, contre 1,8 % en 2017 et 0,7 % en 2018.
Comme l’an passé également, l’Allemagne réalisera une croissance inférieure à celle de la France et de l’ensemble de la zone euro, en l’occurrence 0,9 %, après 2,5 % en 2017 et 1,5 % en 2018. Habitués à la forte croissance, les Pays-Bas, l’Autriche et l’Irlande ralentiront également nettement, avec des « performances » de respectivement 1,6 %, 1,4 % et 1,9 %, contre 2,5 %, 2,7 % et 7 % en 2018.
Quant à la croissance du PIB espagnol, elle continuera son ralentissement modéré, avec une croissance d’environ 2 % en 2019, après 2,6 % en 2018 et 3 % en 2017. Un résultat légèrement supérieur à celle du voisin portugais, dont la croissance devrait reculer à 1,6 %, contre 2,1 % l’an passé et 2,8 % en 2017. Quant à la Grèce, après avoir rebondi à 1,9 % en 2018, la progression de son PIB retombera vers 1,2 % cette année, consacrant un PIB réel encore inférieur de 23 % à celui qui prévalait en 2007.
En d’autres termes, comme en 2018, mais encore un degré en-dessous sur l’échelle du dynamisme, la zone euro restera coincée dans la langueur économique. Dans ce cadre, à l’instar des évolutions internationales des quinze dernières années (à l’exception notable de 2017), l’UEM et le Japon resteront les lanternes rouges de la croissance mondiale tant en 2019 qu’en 2020 d’ailleurs.
De quoi rappeler que les largesses monétaires et budgétaires ne sont absolument pas des gages de vigueur de la croissance et de l’emploi. Il serait bon que les dirigeants politiques et les banquiers centraux de la planète le comprennent enfin…
Marc Touati