Au lendemain de l’élection d’Emmanuel Macron à la Présidence de la République française, un consensus s’était imposé : Oui, après trente ans d’immobilisme, la France allait enfin entrer dans l’ère du changement, voire de la révolution, retrouvant rapidement le chemin de la croissance forte et du plein-emploi. Confirmant cet engouement quasi-généralisé, les indices de cote de popularité du nouveau Président, mais aussi ceux relatifs au climat des affaires et à la confiance des ménages ont très vite flambé, atteignant parfois des sommets quasiment historiques.
Seulement voilà, comme nous l’expliquions en cachette à l’époque et comme nous n’avons cessé de le répéter sous les Présidences Chirac, Sarkozy et Hollande, le marketing ne fait pas tout. En effet, si la méthode Coué peut fonctionner à court terme, elle est très vite rattrapée par la réalité. Ainsi, en dépit de n’avoir cessé de répéter que « la crise était finie », que « la reprise était là » et que tout devait « aller mieux », les trois derniers Présidents n’ont pas réussi à sortir la croissance française de sa mollesse endémique et encore moins à inverser significativement la courbe du chômage. Et pour cause : pour y parvenir, il aurait fallu engager de véritables réformes structurelles et non pas se contenter de réformettes agrémentées de marketing.
Dans le cas Macron, la situation pourrait malheureusement s’avérer encore plus périlleuse. Tout d’abord, parce que plus l’économie française s’engonce dans l’atonie, plus les réformes deviennent douloureuses et par là même difficiles à mettre en œuvre. En fait, la France ressemble de plus en plus à un toxicomane, devenu dépendant à tout type de drogue. Plus il en prend, plus il en veut, de plus en plus dures, et dans des proportions de plus en plus extravagantes. Et plus cette accoutumance est longue, plus sa cure de désintoxication sera difficile, en supposant que le drogué finira tout de même par prendre conscience de sa maladie et engagera des changements structurels pour sortir de son état léthargique. A l’inverse, s’il continue ses excès, il finira par mourir d’une overdose.
La drogue de la France s’appelle la dépense publique. Lorsque cette dernière ne représentait « que » 50 % du PIB, c’est-à-dire dans les années 1990, la guérison paraissait largement possible sans trop de difficultés. Aujourd’hui, avec un niveau proche de 57 %, et surtout après plus de trente ans d’accoutumance et au moins quinze ans de retard dans le début de la thérapie, le malade devient de plus en plus désespéré, mais aussi fragile. A tel point que la perspective du moindre médicament le rend hystérique. Et ce d’autant que tous les médecins qui se sont occupés de lui depuis des années n’ont cessé de le tromper par de vains espoirs.
C’est en cela que la tâche de M. Macron est encore plus difficile que celle de ses prédécesseurs et ce d’autant que son programme de candidat a toujours été très flou et qu’il n’a pas bénéficié d’une adhésion de masse. Le mouvement des « gilets jaunes » et les dérapages qui l’ont accompagné n’ont fait d’ailleurs que confirmer cette difficulté.
Hasard ou coïncidence, au moment où le « grand débat national » allait accoucher d’une souris, ce qui risquait par là même d’entraîner la France dans une nouvelle et grave crise sociétale, le drame de Notre Dame de Paris a peut-être donné une seconde chance au Président Macron. En effet, plutôt que de rester dans le saupoudrage et les réformettes, ce dernier a tout intérêt à cristalliser l’unité nationale récente (mais aussi très fragile) en engageant la France dans une vraie révolution structurelle.
Car, ne nous voilons pas la face : le seul moyen de sortir la France du marasme économique et social dans lequel elle s’est embourbée depuis une vingtaine d’années est d’engager une véritable « thérapie de choc bienveillante ». Celle-ci doit notamment se traduire par une réduction massive des prélèvements obligatoires qui pèsent sur les ménages et les entreprises. Le problème fiscal de la France est global : seul un « grand soir » fiscal pourra permettre de moderniser l’économie hexagonale et de la rendre plus féconde en emplois.
Celui-ci pourrait passer par six mesures principales :
- Réduire le niveau des prélèvements obligatoires au niveau de la moyenne de la zone euro, soit une baisse d’environ 100 milliards d’euros.
- Simplifier le code des impôts.
- Supprimer l’essentiel des niches fiscales et réduire les impôts auxquels elles se rapportent.
- Réduire l’impôt sur les sociétés à 20 %.
- Abaisser de 3 points le taux de CSG.
- Fusionner la CSG, la CRDS et l’IRPP.
Pour accompagner cette révolution, il sera également indispensable de faire preuve d’un effort de pédagogie sans précédent et d’une transparence exemplaire des dirigeants publics, notamment en matière de réduction des dépenses de fonctionnement.
De la sorte, un boom de confiance se produira, engendrant un rebond conséquent de la croissance et de l’emploi. En revanche, si, comme d’habitude, les mesurettes l’emportent, la crise sociétale reprendra alors de plus belle. Aussi, M. le Président, ne ratez pas cette nouvelle chance, car elle risque d’être la dernière. Autrement dit : c’est maintenant ou jamais !
Marc Touati