Pétrole et matières premières : des bulles dans tous les sens… (Suite et fin).

Comme nous l’avons expliqué dans notre « Humeur » de la semaine dernière, les prix du pétrole et des matières premières sont et resteront volatils. Il serait donc vain de vouloir les contrôler. En revanche, il est possible de « calmer » leurs excès et de réduire leur volatilité. Pour ce faire, il serait illusoire d’imposer une taxe sur les transactions financières. Cela serait contre-productif.

Selon moi, la limitation de l’inflation des matières premières doit passer par deux axes principaux. Le premier consiste à agir directement sur les marchés, en interdisant les ventes à découvert et en limitant l’accès de ces marchés à ses seuls acteurs physiques. En d’autres termes, les fonds d’investissement traditionnels et les hedge funds n’ont rien à y faire et devraient plutôt revenir sur leur « habitat préféré », à savoir les marchés actions et le financement de l’économie.

Mais au-delà de cet ajustement technique, le véritable moyen de freiner la progression des cours des matières premières est ailleurs. Il réside dans la capacité à innover et à engager le monde dans une double révolution technologique : celle des NTE (Nouvelles technologies de l’énergie) et celle des NTA (Nouvelles technologies de l’agroalimentaire).

Cette double mutation permettra tout d’abord d’optimiser les ressources naturelles et d’accompagner le développement de la planète en réduisant les risques de pénuries. Ensuite, elle assurera une période durable de croissance forte, créatrice d’emplois et de revenus. Enfin, elle se traduira par une réduction des tensions sociales et par un monde moins belliqueux.

Cette réussite à venir est liée à deux conditions. D’une part, il faudra de plus grands moyens de recherche-développement dont les applications auront des effets concrets dans la vie quotidienne. Car, comme le disait déjà le général de Gaulle : « des chercheurs qui cherchent, on en trouve, des chercheurs qui trouvent on en cherche… »

D’autre part, elle doit également s’accompagner d’une forte mobilité sectorielle de la main-d’œuvre, à même d’impulser une « destruction créatrice » destinée à compenser les destructions d’emplois dans les anciens secteurs d’activité par des créations massives de postes dans les nouveaux.

À l’heure où la planète s’inquiète des tensions géopolitiques et de l’explosion des dettes publiques ici et là, il serait temps de créer enfin un monde de croissance forte, avec une moindre dépendance au pétrole et sans flambée excessive des denrées alimentaires. Il ne s’agit pas d’un songe, mais d’une nécessité.

Enfin, après avoir fait tant rêver certains, qui croyaient à une flambée inextinguible des cours des matières premières, ces derniers peuvent aussi fortement baisser, comme cela s’est observé en 2015-2016. A commencer par ceux de « l’or noir ».

En fait, il s’agissait d’une bulle à l’envers. Mais, là aussi, de la même façon que les investisseurs ont compris en 2008 que le baril à 150 dollars n’avait aucun sens, ils ont également réalisé qu’à moins de 60 dollars, il était trop bas.

Et ce d’autant que la croissance mondiale demeure appréciable, alimentant par là même la demande de pétrole et de matières premières.

Soyons clairs : le niveau d’équilibre du prix du baril se situe autour des 70 dollars.

Les principaux vecteurs de transmission des variations des prix de l’or noir sur l’économie mondiale sont au nombre de trois. Primo, lorsque ces derniers baissent, le pouvoir d’achat des ménages est amélioré, permettant à ces derniers de consommer davantage. Secundo, les coûts de production des entreprises sont réduits, assurant à ces dernières une meilleure rentabilité, les incitant par là même à investir et à embaucher davantage. Tertio, compte tenu de ces deux premiers avantages, l’horizon global s’améliore, alimentant un cercle vertueux revenu-consommation-investissement-emploi.

A ces trois points économiques positifs, il est possible d’en ajouter un quatrième, en l’occurrence la diminution des ressources financières de certains pays ennemis de la démocratie, qui n’hésitent pas à utiliser leurs recettes pétrolières pour financer le terrorisme et/ou tenter de nuire à la stabilité économico-politique mondiale.

En fait, il n’existe qu’un seul effet pervers à la baisse des cours pétroliers. A savoir, la moindre appétence pour développer des énergies alternatives aux hydrocarbures. Car ces dernières étant plus onéreuses, elles ne sont rentables que si le prix du pétrole dépasse les 60 dollars. Ce qui est justement le cas depuis deux ans. Il ne faudrait seulement pas qu’une flambée durable au-delà des 85 dollars ne se produise.

Au total, nous anticipons une stabilisation des cours pétroliers entre 70 et 80 dollars jusqu’à la fin 2018. Ensuite, le nouveau ralentissement de la croissance mondiale pourrait engendrer un recul temporaire vers les 65 dollars. Enfin, à partir du second semestre 2019, en vertu d’une reprise technique de l’économie internationale, le baril de brent devrait revenir vers son niveau d’équilibre, c’est-à-dire autour des 70 dollars.

Il s’agira donc d’un niveau favorable pour tous, qui permettra d’éviter un dérapage inflationniste, tout en permettant à la croissance mondiale de se maintenir autour des 3 %.

Marc Touati