Et c’est reparti pour un tour ! Après avoir menti au monde entier de 2000 à 2010 sur l’état réel de ses finances publiques, après avoir failli faire exploser la zone euro à plusieurs reprises de 2010 à 2015, après avoir annulé 110 milliards d’euros de dettes et après avoir bénéficié d’une aide mondiale d’environ 250 milliards d’euros, la Grèce a fait son grand retour sur les marchés obligataires le 20 août 2018. Et pour fêter l’évènement, ces derniers n’ont pas hésité à consacrer une petite baisse du taux d’intérêt à dix ans de la dette grecque à 4,2 %.
Doit-on rappeler qu’en mars 2012, ce même taux d’intérêt à dix ans avoisinait les 40 % et que celui à deux ans montait à 377 % le 7 mars 2012 ? Non, surtout pas, il ne faut pas gâcher la fête et la victoire de l’oubli, voire de l’inconscience, sur le bon sens. Car, ne nous voilons pas la face : continuer de prêter son argent aujourd’hui à l’Etat grec c’est un peu comme confier des bonnes bouteilles de vin à un ivrogne invétéré.
Si le retour de la Grèce sur les marchés internationaux est évidemment une bonne nouvelle pour le peuple grec, il pose néanmoins une question : que s’est-il passé entre la période 2012-2015 et aujourd’hui pour justifier un tel engouement des investisseurs et surtout une telle baisse des taux d’intérêt ? La dette publique a-t-elle fortement baissé ? La croissance forte est-elle revenue ? Des mesures crédibles de récupération de l’impôt ont-elles été prises ? Non, non et non !
En effet, le ratio dette publique/PIB est passé de 160 % en 2012 à 179 % fin 2017 et ce en dépit des multiples cadeaux consentis par l’Eurogroupe et le FMI. De même, l’économie grecque reste toujours proche de la récession. Le niveau actuel de son PIB est encore 25 % inférieur à celui d’avant-crise, c’est-à-dire du deuxième trimestre 2007. Pour retrouver ce dernier et en supposant que la croissance grecque atteigne durablement 2 % par an (hypothèse très optimiste), il faudra attendre le premier trimestre 2033.
De plus, avec un euro toujours fort pour la Grèce (n’oublions effectivement pas que le niveau d’équilibre de l’euro/dollar en Grèce est de 0,70 dollar pour un euro), il est clair que l’économie hellène reste fragile. Or, si la croissance n’est pas au rendez-vous, les recettes fiscales s’affaiblissent davantage, le chômage repart à la hausse, les déficits publics augmentent et la dette flambe de nouveau.
Enfin, pour couronner le tout, les « réformes » Tsipras devant permettre de recouvrir l’impôt restent hautement insuffisantes, empêchant de facto une vraie réduction des déficits. De plus, tant que l’extrême-gauche dirigera le pays, les 300 milliards d’euros de patrimoine des Grecs qui ont quitté la Grèce depuis le début de la crise ne sont pas près de revenir.
Autrement dit, rien ne justifie des achats massifs de la dette d’un Etat toujours en faillite et dirigé par Tsipras et ses acolytes. Certes, la BCE continue de fournir de la « morphine » à l’envi. Mais plus pour très longtemps.
Dès lors, le réveil risque d’être douloureux, ce qui suscitera une augmentation des taux d’intérêt grecs et des moins-values notables pour les détenteurs d’obligations de l’Etat grec, en espérant que ce dernier ne décide pas une nouvelle fois d’annuler une partie de sa dette…
De quoi confirmer que, oui, 20 ans après son commencement, la bulle grecque est toujours là !
Les dirigeants européens ont beau essayer d’édulcorer la situation politico-économico-financière de la Grèce depuis la victoire historique de Syriza, il faut appeler un chat un chat : la patrie d’Aristote est dirigée par un parti d’extrême-gauche, avec un Premier ministre eurosceptique qui ne cesse de mentir et de balader ses créanciers, annonçant des réformes fantômes pour obtenir quelques milliards supplémentaires de la part des Européens.
Bien entendu, le peuple grec souffre et ne peut être laissé pour compte. De quoi rappeler que l’austérité « bête et méchante » n’a évidemment aucun sens.
Mais la réalité est là : la dette publique devrait atteindre un nouveau sommet historique de 185 % du PIB en 2018. Que peut-on faire de plus ? Étaler la dette sur cent ans (contre déjà 60 ans actuellement) ? Supprimer 200 milliards d’euros de dette, comme l’avaient laissé entendre les actuels dirigeants grecs pendant la campagne des législatives de 2015 ? Soyons sérieux. La Grèce a déjà été énormément aidée. Consentir un nouveau cadeau créerait une injustice vis-à-vis des autres pays qui ont pratiqué des politiques courageuses depuis 2009.
Il est clair que si l’extrême-gauche reste au pouvoir en Grèce en refusant d’engager une modernisation économique réelle (par exemple en matière de collecte d’impôts, de cadastre, de marché du travail, de transparence financière…) et que les Eurolandais acceptent encore de lui faire de nouveaux cadeaux, ces derniers ouvriront la porte à d’autres Syriza à travers la zone euro, comme cela s’est d’ailleurs déjà observé en Italie.
Dans ce cadre, si les tensions s’exacerbent et si les divergences économiques, financières et politiques se creusent, la zone euro finira forcément par exploser. Une nouvelle fois, l’Europe redeviendra le théâtre d’affrontements, d’abord économiques, puis très vite géopolitiques.
De quoi souligner que les bulles de la dette publique sont certainement les plus dangereuses. Comme le confirme d’ailleurs la nouvelle crise italienne, qui pourrait malheureusement « réussir » là où la Grèce a échoué.
Marc Touati