Les bourses du monde entier dégringolent : faut-il s’en inquiéter ? Réponse sur LCI

BOURSE – Un vent de panique souffle sur les marchés financiers. Après Wall Street ce lundi, les marchés asiatiques, puis dans une moindre mesure ceux européens se sont effondrés. Que se passe-t-il ? Nous avons posé la question à l’économiste Marc Touati, Président du cabinet ACDEFI et maître de conférences à Sciences Po Paris.

 

Au lendemain de la chute brutale du Dow Jones, la Bourse de Paris a terminé dans le rouge mardi soir, en baisse de 2,35%. Le marché financier français cède lui aussi à la panique, emboitant le pas aux places financières asiatiques (le Nikkei a notammant lâché 4,73% en clôture, lundi soir) et américaine (-4,60% pour le Dow Jones). Si tout est parti de Wall Street, pourquoi cette crise s’est propagée à toute la planète ? S’agit-il d’un krach boursier et est-il parti pour durer ? L’économiste Marc Touati nous livre ses réponses.

LCI : Pourquoi y a-t-il eu un vent de panique sur les marchés boursiers, de New-York à Tokyo en passant par Londres ?

Marc Touati : On a dernièrement changé de président de la Réserve fédérale aux Etats-Unis (l’équivalent de notre Banque Centrale, ndlr). C’est un novice dans le domaine et il indique qu’il va augmenter les taux d’intérêt de la Réserve Fédérale, donc ça, ça fait peur, parce que ça veut dire que peut-être, demain il y aura une croissance moins forte et que l’inflation va augmenter. Forcément, les marchés ont paniqué, mais en réalité c’était un petit peu une excuse parce que depuis plusieurs mois, on comprenait bien qu’on allait trop loin (sur les marchés financiers) par rapport à la réalité économique. Un simple exemple : le Dow Jones est monté à 26.000 points. Pour justifier économiquement un Dow Jones à 26.000 points, il faudrait une croissance mondiale de l’ordre de 9%, – or on a seulement 3 à 3,5% – ce qui est une bonne performance mais on est très loin des 9%. En clair, tout le monde sait, depuis déjà des mois, qu’on va trop loin mais on continue comme si ça n’existait pas et, là, il a eu cet effet déclencheur mais qui est simplement la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Il y a des risques d’inflation, on a également une dette publique élevée et parallèlement la Réserve Fédérale qui fait monter les taux d’intérêt. Cela fait peur et on se dit que c’est peut-être le bon moment (de procéder à un rééquilibrage). Après, il y a un mouvement de panique qui s’enchaîne. De la même façon qu’on a des bulles à la hausse, on peut avoir des bulles à la baisse entre guillemets, c’est-à-dire des marchés qui dérapent et qui paniquent parce qu’ils savent qu’ils ont été trop loin.

LCI : Ce rééquilibrage peut-il conduire à une crise boursière ?

Marc Touati : Malheureusement, le krach a déjà commencé. On a un triple krach en fait : d’abord les marchés boursiers baissent, puis, les marchés obligataires – c’est-à-dire les taux d’intérêt – augmentent, des obligations d’Etat par exemple donc ça, c’est dangereux également et enfin, même si c’est anecdotique, il y a aussi le bitcoin qui s’est effondré et donc beaucoup d’investisseurs vont perdre malheureusement pas mal de billes. À partir de là, ça peut créer un effet de contagion à l’économie parce que, si déjà quand tout va bien, on a une croissance relativement molle, alors quand les marchés financiers commencent à dévisser, immanquablement, on a une correction baissière sur l’économie. Cela ne veut pas forcément dire une récession mais une croissance plus molle et parallèlement davantage de chômage, donc évidemment qu’il y aura des conséquences économiques assez graves. Le vrai drame, c’est qu’à la différence de 2008 – lorsqu’on a eu la dernière grande crise -, les autorités internationales ont pu réagir. Elles ont baissé les taux d’intérêt qui étaient très élevés, fait de la relance budgétaire parce qu’on en avait les moyens. Le drame aujourd’hui c’est que si cette tempête boursière dure – ce qui est très probable -, on n’aura pas les moyens de relancer la machine. Les taux d’intérêt sont déjà à 0 ou quasiment, on a déjà fait fonctionné la planche à billet – ce qui n’a pas tellement bien marché -, on a des dettes publiques qui sont énormes donc on ne pourra pas faire de relance budgétaire et c’est ça qui est très dangereux.

LCI : Quelles peuvent être les conséquences pour les Français ?

Marc Touati : On a déjà une croissance qui est très faible, 1,9%. On présente ça comme quelque chose de formidable mais ça reste mou et, surtout, ça veut dire que 2018 sera moins bon que 2017, la croissance va ralentir. Alors, si déjà avec une croissance de 1,9% en 2017, on a un taux de chômage à 9,7%, le taux de chômage en 2018 va dans le meilleur des cas se stabiliser voire augmenter légèrement. Ça, c’est une conséquence directe malheureusement pour les Français, même ceux qui n’investissent pas en bourse : la croissance va ralentir et le chômage va rester élevé.