3 000 dollars en juin 2017, 7 895 le 8 novembre dernier, 5 420 quatre jours plus tard et enfin 7 600 le 16. Telle est l’évolution récente de la valeur du bitcoin… Jacques Chirac l’aurait certainement qualifiée d’abracadabrantesque. Mais soyons « in », employons plutôt le fameux « croquignolesque » de notre précieux Président Macron.
Quoiqu’il en soit, n’en déplaise à tous les afficionados du bitcoin (et ils sont de plus en plus nombreux), il va bien falloir un jour retrouver le chemin du bon sens. Oui, bien sûr, le bitcoin c’est moderne, basé sur la fameuse technologie du Blockchain, qui en fait a priori un produit impiratable. Oui, bien sûr, le bitcoin valait 0,001 dollar en octobre 2009, ce qui confère une plus-value colossale à ceux qui en disposent depuis sa création. Oui, bien sûr, la valeur cumulée de l’ensemble des bitcoins en circulation avoisinerait les 100 milliards de dollars. Oui, bien sûr, il faut vivre avec son temps et cesser de regarder les nouveautés comme des dangers.
Seulement voilà, à l’image de la Tulipe hollandaise au XVIIème siècle, des valeurs internet en 1999-2000, des placements défiants toute concurrence de Bernard Madoff pendant 17 ans ou encore des produits subprimes notés AAA par les agences de notation, le bitcoin est une bulle. Il va même plus loin que ses « illustres » prédécesseurs, puisqu’en plus d’une bulle, il est aussi une arnaque.
Pour le comprendre et sans vouloir jouer le rabat-joie, il suffit de se souvenir des trois fonctions de la monnaie. En l’occurrence, celle d’unité de compte, d’intermédiaire des échanges (ou encore de moyen de transaction) et enfin de réserve de valeurs.
Si, à la rigueur, le bitcoin remplit les deux premières, il est très loin de la troisième. Et pour cause : il n’est basé sur rien, c’est-à-dire sur aucune création de richesses. En effet, selon le processus normal de création monétaire, la monnaie ne peut être créée qu’en échange de ce que l’on appelle les contreparties de la masse monétaire, qui se trouvent à l’actif du bilan de la banque centrale. A savoir, de l’or, des devises et des titres. Certes, il arrive parfois, et notamment au lendemain de la crise de 2009 et encore jusqu’à présent dans certaines zones (notamment dans l’UEM et au Royaume-Uni) que la banque centrale actionne la « planche à billets », c’est-à-dire qu’elle crée de la monnaie ex-nihilo, qui est immédiatement investie dans des titres (publics mais aussi privés) de manière à ce que le bilan de la banque centrale reste équilibré.
C’est d’ailleurs là que les promoteurs du bitcoin sont très forts. Et pour cause : ils arguent justement de cette création monétaire excessive pour mettre en avant que les dollars, euros, yens et autres livres sterling en circulation ne valent pas grand-chose, et justifier par là même le développement du bitcoin, qui constituerait ainsi le sésame contre les dévaluations et l’alternative idéale aux monnaies traditionnelles, voire une valeur refuge.
A l’évidence, on nage en plein délire. En effet, si déjà une monnaie qui dispose de contreparties, qui se base sur l’autorité de pays ou de zones tels que les Etats-Unis, le Japon ou encore la zone euro, ne valent pas grand-chose, alors combien vaut une monnaie qui est basée sur le néant, qui n’est contrôlée par aucune autorité et qui ne dispose d’aucune assurance contre la faillite ? Car soyons clairs, si pour x raisons, le bitcoin s’effondre, personne ne remboursera ses détenteurs, ils ne perdront pas 20 % ou 50 %, comme cela s’observe régulièrement en quelques jours, mais ils perdront tout !
Qui plus est, n’oublions pas que le bitcoin reste avant tout un vecteur privilégié de blanchiment d’argent sale. On ne parle évidemment pas là d’évasion ou d’optimisation fiscale, mais d’argent de la mafia, de la drogue et de tous les trafics en tous genres. Plus besoin de sociétés écrans aux Bahamas ou ailleurs, un simple dépôt dans un bureau de change et l’argent sale est blanchi. D’ailleurs, on estime que 95 % de l’ensemble des bitcoins en circulation sont détenus par seulement 4 % des utilisateurs. Et cela ne choque personne ! C’est à se demander pourquoi les autorités monétaires et financières internationales mettent autant de temps avant de légiférer sur ce vide juridique qu’est le bitcoin. Là aussi, le jour où les institutions de contrôle vont faire leur travail et sonner la fin de la récré, les détenteurs de bitcoin pourront se mordre les doigts.
En outre, il paraîtrait que le bitcoin serait déjà dépassé : l’heure serait désormais au bitcoin cash, ou au bitcoin gold ou encore au B2X. Idem pour les technologies des cryptomonnaies comme le litecoin, l’ethereum ou le ripple. Bref, le capharnaüm se développe et il est certain qu’il y aura de la casse.
En conclusion, si, malgré toutes ces évidences, vous avez encore envie d’acheter des bitcoins, faites-le. Peut-être que sur quelques mois, vous gagnerez même quelques kopecks, en attendant de tout perdre. Car, ne l’oublions pas : si l’économie n’est pas une science exacte et peut, par là même, faire l’objet de toutes les interprétations, elle obéit néanmoins à une règle de base. A savoir : plus le rendement augmente, plus le risque augmente. Autrement dit, si vous voulez gagner beaucoup, il faut prendre des risques, voire être prêt à tout perdre. Les plus grands ingénieurs et mathématiciens du monde avaient essayé de transformer cette règle de bon sens lors de la titrisation des dettes subprimes, on connait la suite. Autrement dit, mieux vaut être traité de « has been », mais conserver son portefeuille, plutôt que de vouloir toucher le soleil et se retrouver ruiné.
Alors de grâce, la technologie et l’intelligence sont évidemment déterminantes, mais leur développement ne peut se faire au détriment du bon sens. Sinon, tôt ou tard, la « nature » prend sa revanche…
Marc Touati