Etats-Unis et marchés financiers : Risky business…

Pour le moment, tout va bien. Comme nous l’avons explicité dans notre « Humeur », Trump déjoue tous les pronostics : il a été élu Président alors que 99 % des sondages le donnaient perdant jusqu’au jour de l’élection, il n’a pas généré de panique boursière, comme on pouvait logiquement s’y attendre et il semble susciter l’adhésion des principaux dirigeants politiques de la planète, à l’exception de celui de la France.

Pour couronner le tout, il paraît prêt à adoucir ses mesures protectionnistes et miser surtout sur la baisse des impôts et le lancement de grands travaux pour relancer la croissance américaine, ce qui finira forcément par rejaillir sur l’ensemble de l’économie mondiale.

Le seul problème est que si Trump est très fort, il n’est pas pour autant magicien. Autrement dit, il va devoir composer avec les fondamentaux économiques des Etats-Unis qui ne sont pas formidables…

Tout d’abord, il ne faut pas oublier que le cycle de croissance américain est à bout de souffle. En effet, depuis la dernière récession, 35 trimestres se sont écoulés. Or, dans l’histoire économique contemporaine des Etats-Unis, le record de longévité d’un cycle est de 42 trimestres (du premier trimestre 1980 au deuxième de 1990, la fameuse « ère Reagan »).

En d’autres termes, la prochaine récession américaine aura vraisemblablement lieu avant deux ans.

 

Le cycle de croissance des Etats-Unis est déjà à bout de souffle.

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Sources : BEA, Calculs ACDEFI

D’ores et déjà, en dépit d’une légère amélioration au troisième trimestre 2016, la croissance américaine montre des signes de fragilité, notamment sur le front de l’investissement des entreprises. Le glissement annuel de ce dernier a même atteint – 1,2 % au troisième trimestre 2016, un plus bas depuis le premier trimestre 2010.

Or, si l’investissement des entreprises flanche, l’emploi ne tarde pas à régresser, entraînant les revenus et la consommation des ménages dans son sillage.

 

La croissance américaine apparaît fragile.

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Sources : BEA, ACDEFI

Ensuite, il est important de rappeler que les comptes publics de l’Oncle Sam sont loin d’être euphoriques. Et pour cause : le déficit public avoisine les 4 % du PIB et la dette publique les 106 %.

Cela signifie que la marge de manœuvre de relance budgétaire est particulièrement mince.

 

L’état des comptes publics ne permet pas d’engager une forte relance budgétaire.

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Sources : US Bureau of Public Debt, ACDEFI

Dès lors, si la croissance forte ne revient pas très vite, les relances fiscales et budgétaires de Trump risquent de générer une flambée du déficit et de la dette. Dans ce cadre, les investisseurs pourraient délaisser quelque peu les obligations d’Etat, dont les taux d’intérêt finiraient alors par nettement augmenter.

Cette tension ne manquera évidemment pas de peser à la baisse sur l’investissement et la consommation, donc d’affaiblir la croissance et l’emploi.

Certes, la Fed pourra agir pour éviter le pire. Mais là aussi, les marges de manœuvre sont exsangues. En effet, le taux objectif des federal funds n’est que de 0,5 %, et ce n’est pas en le ramenant à 0 % que la croissance pourra fortement remonter.

De même, si la Fed pourra certainement actionner de nouveau la « planche à billets », son impact économique risque de s’avérer limiter, comme l’a montré le faible soutien qu’à produit la dernière phase de « quantitative easing ».

 

La marge de manœuvre de la Fed reste particulièrement faible.

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Sources : BEA, ACDEFI

En fait, pour réussir son coup, Trump doit rapidement parvenir à redonner confiance aux Américains. Ce faisant, la baisse des impôts sur les entreprises et les ménages pourra très vite se transformer en croissance, alimentant les caisses de l’Etat et permettant de limiter le déficit public, rendant par là même plus aisé l’engagement de la politique de grands travaux.

La réussite de la relance de Trump est donc possible mais demeure difficile.

De plus, si le nouveau Président a pour le moment mis de côté ses velléités protectionnistes, rien ne dit qu’il ne reviendra pas rapidement sur ce chemin glissant.

En conclusion, dans la mesure où de nombreux risques menacent l’avenir de l’économie américaine et de la planète, il faut se préparer à une forte volatilité des marchés boursiers et obligataires.

 

Finalement, les marchés aiment Trump…

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Source : ACDEFI

De plus, dans le sillage de la relance Trump et du probable soutien de la Fed, le dollar risque de se déprécier, engendrant mécaniquement une appréciation excessive de l’euro. Cela ne manquera évidemment pas de freiner la croissance de la zone euro qui est déjà particulièrement fragile.

En d’autres termes et comme d’habitude, la zone euro risque de devenir le dindon de la farce… Et pas seulement pour Thanksgiving…

 

Marc Touati