Juppé, Fabius : les « technos vintage » ont la cote.

La vacuité des idées, le manque de conviction, la médiocrité des comportements à gauche comme à droite poussent aujourd’hui des anciens Premier ministres comme Alain Juppé et Laurent Fabius sur le devant de la scène. Alain Juppé tout d’abord a le vent en poupe, comme le montre la grande majorité des sondages d’opinion. Deux d’entre eux sont, à ce titre, significatifs : l’enquête IFOP-Paris Match (7-8 mars) le crédite de 62 % d’opinions positives contre 36 % de négatives, et le sondage IPSOS-Le Point (14-15 mars) le donne à 52% pour 35%. Il est aujourd’hui selon les sondages le mieux placé à droite pour 2017 après Nicolas Sarkozy et devant François Fillon. Qui l’eut cru… Parlons-nous bien du même Juppé froid et cassant, l’ancien Premier ministre extrêmement impopulaire dont la réforme des retraites de 1995 avait paralysé la France ? Son parcours politique avait pourtant bien commencé : parmi les pionniers du RPR, son destin fut étroitement lié à celui de Jacques Chirac. Ce dernier le considérait comme le « meilleur d’entre nous » et souhaitait ardemment le voir lui succéder à l’Elysée.

Enarque (Inspecteur des Finances), normalien et agrégé de lettres classiques, l’actuel maire de Bordeaux a longtemps incarné la technocratie. Mélange de suffisance et d’arrogance matinée d’un fort complexe de supériorité, il était comme on dit « imbuvable ». Outre le handicap de sa personnalité, la dissolution ratée de 1997 et l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris eurent raison de ses ambitions présidentielles. Paradoxalement, c’est son ancien rival Nicolas Sarkozy qui le remit en selle pour faire de lui le moins durable des ministres du Développement durable… Excellent Ministre de la défense du temps de Fillon, il apparaît aujourd’hui comme l’homme sage à droite, incarnant l’expérience, la compétence, la droiture et la sagesse. Sa personnalité s’est adoucie avec le temps et il est désormais considéré comme véritablement « présidentiable » en 2017.

A gauche, c’est Laurent Fabius qui tire son épingle du jeu, comme le montre son ascension dans la plupart des sondages. Parlons-nous bien du même Fabius, raide et arrogant répondant à une saillie de Chirac en 1985 par « vous oubliez que vous parlez au Premier ministre de la France ? » Son ascension fut en effet météorique : chef du gouvernement à trente-huit ans, il devait en toute logique « succéder » à François Mitterrand dont il était le favori. Malheureusement pour lui, l’affaire Greenpeace, celle du sang contaminé et les primaires socialistes eurent raison de ses ambitions présidentielles successives. Considéré comme extrêmement brillant, il a un profil similaire à celui de Juppé : Enarque (Conseiller d’Etat), normalien, agrégé de lettres, il est la quintessence même du technocrate. Comme Juppé après Matignon, il redevint « simple ministre » de l’Economie et des finances sous Jospin et aujourd’hui au Quai d’Orsay. Là aussi, c’est son ancien rival François Hollande qui le remit en selle selon le vieil adage politique : « mieux vaut l’avoir à l’intérieur qu’à l’extérieur». Performant et apprécié aux Affaires étrangères, il apparaît clairement comme un recours face à la médiocrité et l’amateurisme des membres du gouvernement et des ténors de gauche. Laurent Fabius sur le devant de la scène, c’est dire la vacuité qui prédomine à gauche.

Alors, ces deux ex-Premiers ministres ont-ils des chances sérieuses pour 2017 ? Si la réponse est clairement oui pour Juppé, Fabius en revanche semble hors course face à un Hollande candidat à sa propre succession. N’oublions cependant jamais qu’en politique tout est possible, ce n’est pas Chirac réélu avec plus de 80 % des voix en 2002 et Sarkozy donné pour « mort » en 1995 qui diront le contraire.

 

La phrase de la semaine :

« Ce n’est pas un extrait du merveilleux film La Vie des autres sur l’Allemagne de l’Est et les activités de la Stasi. Il s’agit de la France » de Nicolas Sarkozy à propos des écoutes téléphoniques dont il est l’objet.

rôme Boué