La France en 2014 : Formidable ?! (E&S n°277)

Humeur :

Formidable !

Mais quelle mouche a-t-elle bien pu piquer le Président François Hollande ? Lui, dont le grand ennemi était le « monde de la finance », lui qui soutenait qu’on était riche à partir de 4 000 euros de revenus mensuels, lui qui pensait qu’on pouvait faire baisser durablement le chômage simplement en créant des emplois aidés, semble désormais devenir le chantre du libéralisme ou du moins de l’entreprise.

En effet, plutôt que de vilipender les patrons et les faire passer pour des voyous cupides qui ne pensent qu’à licencier pour augmenter leur profit, le Président préfère désormais leur proposer un « pacte de responsabilité », qui allierait baisse des charges, investissements et créations d’emploi.

Dans un contexte de morosité économique et climatique, une telle décision a évidemment de quoi redonner du baume au cœur. « Formidable ! » aurait pu dire en son temps Jack Lang, relayé désormais par Stromae, chanteur à succès, mais qui paiera ses impôts en Belgique, non pas parce qu’il a fui l’Hexagone, mais tout simplement parce qu’il est de nationalité belge.

Blague à part, il faut reconnaître qu’en ce début d’année et malgré les dérives extrémistes qui polluent notre douce France, le revirement du Président pourrait donner envie d’y croire. Et si, après un an et demi de dogmatisme et de dérive, François Hollande devenait le Gerhard Schröder français ? Au début de son mandat, l’ex Chancelier allemand était aussi perçu comme « mou » et avec peu de volonté. Pourtant, alors que l’Allemagne replongeait dans la récession en 2002-2003 et semblait même au bord de l’asphyxie, c’est lui qui a mis son pays sur les bons rails des réformes structurelles, renforcées ensuite par Angela Merkel.

C’est donc en partie grâce à lui que l’économie allemande a pu repartir et reprendre le leadership de la croissance en Europe. Mieux, avec un taux de chômage de 5,2 %, des comptes publics à l’équilibre et une dette publique en repli, l’Allemagne est désormais le modèle à suivre.

La similitude avec la situation française actuelle paraît donc troublante et finalement réconfortante. Cependant, si nous avons tous envie d’y croire, il nous faut aussi être réaliste. Ainsi, la volonté politique de François Hollande apparaît très loin de celle de Gerhard Schröder, Les syndicats français ne sont pas ceux de l’Allemagne et sont beaucoup trop politisés. La culture économique des Français est bien plus pauvre et beaucoup plus idéologique que celle des Allemands. Si ces derniers sont animés par la recherche de la croissance et du consensus, celle des premiers est malheureusement mue par la lutte des classes. Enfin, le poids de la fonction publique dans la société allemande est bien moins élevé et bien plus efficace que dans l’Hexagone.

Autrement dit, même si nous aimerions annoncer un virage à 180 degrés de la politique économique française, nous sommes contraints d’admettre qu’il n’en sera rien.

En fait, si le Président Hollande a changé son discours, c’est surtout parce qu’il sait que la croissance forte ne sera pas au rendez-vous, que le chômage va continuer d’augmenter et que les déficits publics et la dette vont encore déraper. Dès lors, il sait que la note de la France va encore être dégradée, et pas seulement par Standard and Poor’s, qui a la gâchette facile, mais aussi par Moody’s. Cette dégradation devrait même intervenir dans les tout prochains jours.

Or, si le dernier abaissement de la note de la dette publique française a pu être apaisé par la baisse du taux refi de la BCE juste un jour avant, cette dernière n’a désormais plus de marge de manœuvre. De plus, les taux d’intérêt obligataires ont déjà repris le chemin de la hausse, bien sûr aux Etats-Unis, mais aussi dans la plupart des pays européens et notamment en France.

Dans ce cadre, le moindre « stress » aura des impacts massifs sur les taux d’intérêt des obligations de l’Etat français. Dès lors, une nouvelle vague de baisse de la croissance, de l’investissement, de la consommation et de l’emploi s’en suivra.

Le démarrage très décevant des soldes d’hiver confirme d’ailleurs que la morosité reste à l’ordre du jour. Certains ont beau avancer que la multiplication des périodes de rabais et de soldes privés limite mécaniquement la fièvre acheteuse, il n’en demeure pas moins que le probable échec des soldes de janvier ne fait que refléter les impacts négatifs de l’augmentation des impôts et de la faiblesse des revenus, elle-même liée à la baisse de l’emploi dans l’Hexagone.

En conclusion, même si nous souhaitons de tout cœur que les dirigeants français sortent de leur dogmatisme maladif et mettent le pays sur les rails du dynamisme économique, nous savons d’ores et déjà que le changement de cap du Président Hollande répond avant tout à une démarche marketing. Il s’agit d’une sorte de « coup de bluff », destiné à gagner du temps, à amadouer les agences de notations et les investisseurs et qui ne sera pas suivi d’effets concrets.

Alors oui, la France est un pays formidable, ses entreprises sont formidables, une partie de ses habitants l’est également. Mais, malheureusement, à force de tirer sur la corde, elle finit par se casser. A force d’alourdir la pression fiscale, d’augmenter les rigidités, notamment sur le marché du travail, mais aussi de pratiquer la méthode Coué, de mentir aux Français et de laisser les extrémismes s’installer, les dirigeants politiques ont, depuis plus de vingt ans, affaibli notre beau pays. Et cela, ce n’est pas là du pessimisme, mais du réalisme… Oui, nous étions formidables…

Marc Touati



Quid de l’économie et des marchés cette semaine :

La France en 2014 : quatre chantiers et un enterrement…


Tout juste débutée, l’année 2014 s’annonce déjà décisive pour la France. Après avoir raté le tournant de la reprise en 2013, le pays n’a en effet plus le droit à l’erreur, sous peine d’être relégué au rang de puissance économique d’antan. Bien heureusement, le président de la République et le gouvernement semblent (enfin) vouloir aller de l’avant, comme en témoigne l’annonce de la création d’un pacte de responsabilité. Mais plus que des mots, voici quatre chantiers qui peuvent véritablement favoriser le retour de la croissance en 2014. A une condition : il faudra aussi enterrer le dogmatisme maladif et récurrent des dirigeants français…

1- Travailler à fond !

« Je travaille autant que je peux, mais jamais autant que je voudrais ». Si cette formule d’Antoine de Rivarol date du XVIIIème siècle, elle est aujourd’hui clairement d’actualité. Le dernier trimestre 2013 a en effet été marqué par des décisions de justice imposant la fermeture de magasins le soir et le dimanche. Une pilule qui s’avère difficile à avaler, spécialement en période de crise. Car la contrainte touche non seulement de potentiels consommateurs, mais également les salariés, les entreprises et donc l’emploi.

La liberté de travailler, tout le temps, 24/24 et 7/7 se révèle pourtant être une condition nécessaire pour gagner la bataille de l’emploi. Aussi le 31 décembre 2013, le gouvernement a publié un décret autorisant les enseignes appartenant au secteur du bricolage à déroger au repos dominical jusqu’au 1er juillet 2015, date à laquelle est prévue une loi globale sur le sujet. D’ici là, des négociations portant sur les contreparties du travail du dimanche doivent être ouvertes entre le gouvernement et les partenaires sociaux. Mais déjà, la CGT et FO affirment qu’ils ne signeront aucun accord.

Pour autant, les choses vont dans le bon sens et une mini révolution est actuellement en marche. En effet, de nombreux salariés sont en total désaccord avec la position syndicale actuelle. Cet élément marque une réelle fracture entre ceux qui veulent travailler et ceux qui veulent faire du bruit. A titre d’information d’ailleurs, il convient de souligner que lorsqu’un syndicat attaque une enseigne qui ouvre le dimanche, et gagne, il bénéficie en tant que plaignant du montant des astreintes décidé par le tribunal. Un business fructueux… qui se fait au détriment des salariés.

Libéraliser le travail du dimanche pour les enseignes de bricolage est une bonne chose. Mais il faut aller encore plus loin et étendre cette autorisation à bien d’autres secteurs. À défaut de le faire au nom de la liberté individuelle, notion trop libérale pour le parti socialiste, il convient d’agir au nom de la croissance économique.

2- Promouvoir la concurrence.

La théorie économique définit la notion de concurrence comme un idéal vers lequel il est bon de tendre afin de garantir des relations économiques et sociales pérennes entre agents d’une même société. Dans les faits néanmoins, certains secteurs sont idéalement hermétiques à la concurrence pure et parfaite ; pharmacies, taxis, ou plus récemment la téléphonie mobile. Les situations de monopole ou d’oligopole sont dès lors dommageables aux consommateurs pour deux raisons. Premièrement, parce que ces derniers sont soumis à des tarifs qui ne résultent pas d’une stricte confrontation entre l’offre et la demande. Deuxièmement, et c’est probablement l’élément le plus probant, parce qu’en cas de mécontentement, les consommateurs ne disposent d’aucun pouvoir de sanction.

Les rapports ventant les bienfaits de la concurrence sont pourtant nombreux. Déjà en 1959, le plan Rueff-Armand préconisait l’ouverture à la concurrence de certains secteurs ainsi qu’une réforme des professions réglementées. Un rapport qui demeura malheureusement sans suite à l’instar de celui dirigé par la Commission Attali en 2007 dont les recommandations s’inspiraient… de celles du Comité Rueff-Armand. Mais les choses semblent bouger depuis peu. La Commission européenne a en effet soumis la France à un certain nombre de recommandations économiques, en échange d’un délai de deux années supplémentaires pour assainir sa trajectoire budgétaire. Au menu donc, libéralisation du secteur du rail (horizon 2019), et évolution des professions réglementées.

Certaines activités tendent donc à s’ouvrir à la concurrence, mais la manière est encore poussive tant l’hexagone est marqué par un corporatisme exacerbé. Aussi, quand les véhicules de tourisme avec chauffeur débarquent sur le marché afin de concurrencer les taxis, un délai minimal de quinze minutes entre la réservation et la prise en charge du client leur est imposé. De même, quand le gouvernement élargit les moyens de vendre des lunettes, notamment via Internet, il décide d’un statu quo sur la vente over the counter de médicaments (comprenez sans ordonnance), au grand dam de l’autorité de la concurrence. Si les positions semblent bouger, il faut cependant aller plus loin et plus vite sur ces sujets afin d’accroitre le pouvoir d’achat des français.

3- Lever la contrainte administrative.

Trouvez-vous normal qu’une entreprise qui souhaite investir ou qu’un entrepreneur qui désire mettre en place un projet, dépense plus d’énergie et de temps à élaborer un dossier administratif plutôt qu’à agir en faveur de son dessein initial ? La contrainte administrative en France est tellement forte qu’elle peut paraître dissuasive à toute action pour la croissance. La moindre démarche requiert en effet le remplissage d’une montagne de papiers ; attestations, agréments, preuves à établir etc., le tout, souvent en plusieurs exemplaires.

La France est atteinte d’une « sur-administration aigüe » qui agit comme un obstacle majeur à la prise de décision des entreprises, dont l’investissement constitue pourtant une variable essentielle à la croissance économique. Une étude menée par l’OCDE en 2013 montre ainsi que les lourdeurs administratives et réglementaires coûtent au pays l’équivalent d’environ 3,5% de son PIB par an. Un gaspillage de ressources tout bonnement inacceptable en ces temps d’atonie de l’activité.

En mars 2013, François Hollande a donc annoncé un choc de simplification administrative pour faciliter la vie de tous. Une volonté d’ailleurs réaffirmée par le président à l’occasion de la présentation de ses vœux aux français le 31 décembre dernier. Et c’est le 3 janvier 2014, à travers la publication au Journal Officiel de la loi de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises, qu’un premier pas a été effectué. Cette loi devrait en effet permettre le développement de la facturation électronique et l’allègement des obligations comptables pour les petites entreprises afin que les dirigeants tendent à méditer « plus à leur métier plutôt qu’à leur papiers ». Sur ce terrain toutefois, le chemin à parcourir est encore très long.

4- Eliminer la dépense publique inutile.

Depuis de nombreuses années, la France est sur le podium des pays européens dont la dépense publique est la plus élevée. En 2013 par exemple, celle-ci constituait 57,1% du PIB. Pour autant, la croissance française est en moyenne nulle sur les cinq dernières années, amenant ainsi à s’interroger sur l’efficacité du système hexagonal. Dans ce contexte, il convient de s’attaquer aux dépenses inutiles. Mas très vite cependant, certains pourront jouer sur les mots ; toutes les dépenses publiques sont en fait utiles à ceux qui en bénéficient, et couper dans ces dépenses reviendrait à tourner le dos à de futurs électeurs, ce qui demande un courage sans faille.

Soyons sérieux cependant l’espace d’un instant. Et posons-nous les bonnes questions. La présence de 30 ministres et secrétaires d’état, de 343 sénateurs et de 577 députés constitue-t-elle véritablement une garantie quant au bon fonctionnement de notre société ? Après tout, le nombre de députés présents à l’Assemblée nationale n’a-t-il pas varié entre 482 et 579 entre 1958 et 1986 ? Les coûts associés à ce découpage politique sont-ils réellement tous utiles ? Le même type de piste peut être exploré dès lors que l’on évoque le fameux « mille-feuilles institutionnel » ; par exemple, la fusion de départements au sein d’une même région ne permettrait-elle pas d’éliminer certains coûts administratifs ?

Au regard des dernières déclarations de François Hollande, il semblerait néanmoins que la France soit sur le point d’effectuer un virage historique sur le sujet de la dépense publique. Lors de ses vœux aux français, le président a en effet affirmé sa volonté de vouloir réduire la dépense en faisant des « économies partout où elles se trouvent ». Les coupes dans les dépenses constituent selon François Hollande une condition préalable à la baisse de la fiscalité sur les ménages et les entreprises. Quelle bonne nouvelle. Reste toutefois à savoir si l’intention du président est réelle ou bien s’il s’agit à nouveau d’une confusion volontaire entre la notion de diminution et celle de ralentissement de la hausse.

Un enterrement…

Les quatre chantiers évoqués ci-dessus tendent à montrer que nos dirigeants ont enfin compris qu’il était temps d’agir. Une bonne dose d’optimisme qui permet donc de bien commencer l’année et de croire au retour rapide de la croissance économique. Mais attention, de la même façon qu’un enfant ne sait pas lire s’il connait seulement les vingt-cinq premières lettres de l’alphabet, le président de la République et le gouvernement se devront d’aller jusqu’au bout de leurs ambitions et de ne reculer devant aucune pression pour réussir. Autrement dit, pour sauver la France, il faudra surtout enterrer le dogmatisme maladif et récurrent de ses dirigeants.

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les membres du gouvernement, c’est votre dernière chance ; veillez à ne pas la gâcher car le danger n’est pas loin……

 

Anthony Benhamou

 

 



Les évènements à suivre du 13 au 17 janvier :


La déflation menace, en particulier dans l’Hexagone.


 

Calendrier complet des statistiques et évènements de la semaine :

Nos prévisions économiques et financières 2014 :

Pour visualiser les tableaux et graphiques, merci de consulter le fichier pdf