Economie, Bourses, France : quels sont les risques ? (E&S n°274)

Humeur :

Economie et bourses : quels sont les risques ?

Même si l’année est loin d’être terminée et pourrait encore réserver quelques mauvaises surprises, 2013 est d’ores et déjà un bon cru économique et boursier. En effet, grâce à une croissance mondiale d’environ 3,6 %, à des cours des matières premières particulièrement sages et surtout, à une manne monétaire exceptionnelle, les grands indices boursiers occidentaux devraient croître de 15 % à 20 % sur l’ensemble de cette année. La performance annuelle du Dax et du Dow Jones pourrait même dépasser les 25 %.

Depuis le point bas de mars 2009, ces deux indices affichent d’ores et déjà des progressions de respectivement 150 % et 144 %. Avec un rebond de 70 % depuis ce même plancher de mars 2009, le Cac 40 apparaît bien terne. Depuis 2000, cet écart est tout aussi édifiant puisque depuis leur plafond de 2000, le Dax et le Dow Jones affichent des hausses de 22 % et 36 %, contre une baisse de 38 % pour le Cac 40. De quoi rappeler que, généralement, les marchés boursiers reflètent aussi une certaine réalité économique.

En effet, l’Allemagne et les Etats-Unis ont réussi à sortir par le haut des crises qui se sont succédé depuis 2000, notamment en se réformant et en restaurant une croissance économique appréciable. A l’inverse, la France a été incapable d’engager de véritables réformes structurelles, s’est contentée d’augmenter maladivement sa dépense publique avec pour seul résultat une croissance annuelle moyenne inférieure à 1 % depuis 2000 et de 0 % au cours des six dernières années. De part ce différentiel de réalité économique, il est donc normal que les indices boursiers américains et allemands surperforment largement leur homologue français.

La question est alors de savoir si l’orientation des marchés boursiers va rester positive au cours des prochains trimestres et si le Cac 40 va réussir à combler son retard. La réponse est positive dans le premier cas, mais elle est négative dans le second. En effet, le socle économique des marchés boursiers internationaux va rester favorable en 2014 : la croissance mondiale devrait avoisiner les 4 %, les prix des matières premières devraient rester sages et les politiques monétaires toujours très accommodantes. Pour autant, à côté de cette réalité économique satisfaisante, les risques demeurent nombreux et nous empêchent de conseiller d’investir massivement et sans réserve sur les marchés boursiers. Selon nous, les principaux risques qui pèsent sur l’économie et les bourses mondiales sont au nombre de six.

Incontournable et dépassant par définition le cadre économique, le premier type de risques réside dans l’instabilité géopolitique. Qu’il s’agisse de la situation en Iran, en Syrie, en Egypte, des menaces d’attentats,… le degré de dangerosité demeure particulièrement élevé. Mais comme nous ne sommes pas devins, nous n’irons pas plus loin sur ce point. En revanche, les autres risques économiques et financiers doivent attirer toute notre attention.

A commencer par la « trappe à liquidités ». En effet, à force d’injecter pléthore de liquidités, les banques centrales ont mécaniquement réduit l’efficacité économique de ces dernières. Ainsi, elles ne soutiennent que faiblement, voire pas du tout, l’activité économique. Et pour cause : le cash « donné » par la Fed, la BCE et la BoJ est davantage utilisé pour acheter des obligations d’Etat, spéculer sur les marchés financiers et/ou alimenter l’épargne de précaution que pour financer l’investissement et l’emploi.

Le troisième risque s’inscrit dans le prolongement du deuxième puisqu’il s’agit de la déflation. En effet, compte tenu de la faiblesse des cours des matières premières, de la morosité de la demande et d’une concurrence de plus en plus acharnée, la tendance des prix est assurément baissière à travers le monde. Or, l’exemple du Japon nous a montré qu’un mouvement de déflation ne concerne pas seulement le prix des biens, mais aussi celui des actifs, qu’ils soient immobiliers ou boursiers.

Enfin, les trois derniers risques sont à mettre à l’actif (ou plutôt au passif) de la crise de la dette publique qui n’est toujours pas terminée. Ainsi, en risque 4, nous avons les dangers relatifs aux blocages budgétaires aux Etats-Unis et au « fiscal cliff ». Seul élément rassurant sur ce point : Obama ne pourra pas augmenter les dépenses publiques indéfiniment.

A l’inverse, cette garantie n’existe pas en Europe et en particulier en France. D’où notre cinquième risque d’une réactivation de la crise de la dette publique européenne. Selon nous, le risque premier dans ce domaine est relatif à l’Hexagone, puisque la France est le seul pays européen à refuser de réformer son économie et de réduire ses dépenses publiques, ce qui finira forcément par se payer cher. Dès lors, l’écart entre le Cac 40 et ses homologues occidentaux devraient perdurer.

Sixième et dernier risque, ce nouvel accès de fièvre en matière de dette publique ne manquera pas de susciter une remontée des taux longs, engendrant un nouveau ralentissement économique, voire le retour de la récession. Les indices PMI de novembre montrent d’ailleurs que ce dernier risque doit vraiment être pris au sérieux. Et ce, en particulier en France où ces indicateurs avancés de l’activité sont repassés nettement sous la barre des 50 dans les services et l’industrie, indiquant non seulement que la reprise a déjà disparu mais qu’elle pourrait bien laisser place très rapidement au recul de l’activité.

En conclusion, même si les marchés boursiers disposent encore d’un potentiel de hausse (16 500 pour le Dow Jones, 4 500 pour le Cac 40 selon nos prévisions), l’ensemble de ces risques doit nous rappeler qu’il faut rester prudent et faire des allers retours réguliers pour éviter de « rester collés »…

Marc Touati



Quid de l’économie et des marchés cette semaine :

La France va au Brésil mais reste fragile…


Cela faisait bien longtemps que les français ne s’étaient pas retrouvés spontanément sur les Champs-Elysées pour partager un moment de joie. La qualification de l’équipe de France de football pour le mondial 2014 a en effet engendré des scènes de liesse comparables à la victoire de 1998. Cette année-là pourtant, il s’agissait bien d’une victoire et non d’une simple qualification. Peu importe, il fallait une raison, un prétexte, voire même un alibi, pour, l’espace d’un instant, s’évader de la réalité…

 

L’arbitre a sifflé, la rue est à nous.

Ne ressentez-vous donc pas comme un vent d’insouciance ? Comme un air familier des années 1960 (certes légèrement modifié) qui serait en train de conquérir le cœur de tous les français ? « Donnes-moi ta main, et prends la mienne, mais oui mais oui, la crise est finie ». En obtenant son billet pour la coupe du monde de football 2014, l’équipe de France a fait plus en une soirée que le gouvernement en dix-huit mois. Rassemblement, espérance, optimisme et même fierté nationale, des sentiments que l’on pensait définitivement perdus.

En s’inclinant par deux buts au match aller, la France était pourtant en ballotage défavorable. Rares sont d’ailleurs ceux qui prédisaient un avenir brésilien à une équipe jusque-là très largement décriée. Mais, « impossible » ne semble néanmoins pas français si l’on en croit les banderoles de certains supporters. Parmi eux, un certain François Hollande. Un président « normal » qui, de retour de son voyage d’Israël, a décidé d’assister à une compétition sportive. Peut-être bien sa meilleure décision depuis le début du quinquennat.

Car à l’instar des Bleus, François Hollande et le gouvernement ne cessent d’essuyer les critiques depuis qu’ils sont en poste. Amateurisme, insolence et désorganisation, une véritable rengaine qui tend même à s’exporter au-delà de nos frontières. Mais la qualification de la France montre que même les situations les plus complexes peuvent finalement se dénouer. Oui, quand les français sont unis et y croient, tout est possible. Et cela n’a évidemment pas échappé au chef de l’Etat qui, au plus bas dans les sondages, en a profité pour inscrire un magnifique pénalty. « Un entraîneur, ça compte », parole authentique d’un président, patron d’une équipe gouvernementale souvent intenable.

Le gouvernement compte donc bien surfer sur cette vague d’optimisme qui a envahi la France ce mardi 20 novembre. L’euphorie actuelle des français parait en outre insatiable au fur et mesure que le mois de décembre approche. Un mois en effet synonyme de fêtes de fin d’année, de lumières et de magie. Et quand les plus chanceux partiront aux sports d’hiver, les autres profiteront de l’ambiance féerique des grandes villes. Autant d’éléments favorables à la consommation des français, qui généralement ne lésinent pas sur leur budget cadeau. De quoi faire pousser des ailes au gouvernement ? Certainement. Mais attention, à vouloir voler trop haut…

Les perspectives économiques demeurent pourtant faibles

Car la réalité n’est malheureusement jamais bien loin. Très rapidement en effet, le gouvernement devra faire face à ses responsabilités et assumer son triste bilan économique. Déficit public totalement déconnecté de l’objectif initial, dette souveraine dangereusement élevée, atonie de la croissance et une courbe du chômage qui ne veut décidément pas s’inverser. La France a beau se prévaloir d’être la deuxième puissance européenne, force est de constater qu’elle ne cesse de perdre du terrain. Sur certains points, elle fait d’ailleurs même moins bien que les pays dits du sud de l’Europe.

La trajectoire budgétaire française est par exemple des plus chaotiques. Pour mémoire, en octobre 2012, le gouvernement soutenait qu’il réduirait le déficit public à 3% du PIB d’ici la fin de l’année 2013. Un objectif clairement non crédible en ce sens qu’il constituait un effort historique (le déficit 2012 s’élevait à 4,8% du PIB). Très vite aussi, le gouvernement fut dans l’obligation de revoir sa copie et obtint les faveurs de Bruxelles. La Commission européenne fixa ainsi à la France un objectif de déficit de 3,9% du PIB. A nouveau pourtant, le gouvernement confessa que cette cible ne serait pas atteinte et qu’il fallait plutôt tabler sur 4,1%.

En réalité, il faudra compter sur un énième dérapage budgétaire. Bernard Cazeneuve, ministre délégué au budget, reconnait en effet d’ores et déjà un manque à gagner de 5,5 milliards d’euros sur les recettes fiscales de 2013. Et si Gilles Carrez, le président UMP de la commission des finances à l’Assemblée évoque pour sa part un trou de 11 milliards d’euros (on peut d’ailleurs s’interroger sur la méthode de calcul des deux parties), l’adage « trop d’impôt tue l’impôt » se matérialise concrètement. Le déficit public pourrait ainsi atteindre 4,3% du PIB tandis que l’endettement souverain semble se diriger vers les 2 000 milliards d’euros (soit quasiment 95% du PIB).

Par ailleurs, la reprise économique tant promue par le gouvernement n’est toujours pas au rendez-vous. Le rebond technique du deuxième trimestre (+0,5%) ne s’est effectivement pas confirmé au troisième trimestre et la France a enregistré un recul de 0,1% de son PIB. Pire, en retirant la contribution de la formation de stocks, variable relativement artificielle, la contraction du PIB s’établit en fait à 0,6%. En outre, pour le huitième trimestre consécutif, l’investissement s’est inscrit en baisse (-0,6%) ; un élément ô combien inquiétant quand on sait que cette variable constitue le réel moteur de la croissance économique et de l’emploi.

Si pour 2014, le gouvernement table sur une croissance du PIB de 0,9%, il est pour le moment difficile d’accorder du crédit à une telle prévision. Tout d’abord parce que l’acquis de croissance pour 2013 ne s’élève qu’à 0,1%, ce qui constitue un élan bien faible pour aller véritablement de l’avant. Mais surtout parce qu’en matière de compétitivité des entreprises, la France souffre d’un vrai déficit relativement à ses voisins. Un cruel manque de dynamisme qui au final ne devrait guère améliorer la situation sur le marché de l’emploi, élément notamment confirmé par le dernier communiqué de l’OCDE.

 

Une crise sociétale inévitable. A moins que…

Si les maux de la France ne se jouaient que sur le terrain économique, il ne fait aucun doute que les énarques de Bercy sortiraient aisément le pays du marasme actuel. Oui mais voilà, il se trouve que les français en ont « ras le bol » de la pression fiscale qu’ils jugent particulièrement lourde, surtout en ces temps de crise. La paralysie fiscale, c’est maintenant. La crise sociétale qui s’empare du pays se traduit ainsi par la création de mouvements protestataires prêts à en découdre. Ils sont aujourd’hui coiffés d’un bonnet rouge ou portent un gilet jaune et qui sait, peut-être bien des chaussettes blanches demain.

Faibles perspectives économique, impasse fiscale et fronde sociale, la France est assise sur une véritable bombe à retardement. Conséquence logique (et tardive), le pays a été dégradé par l’agence de notation Standard and Poor’s le 8 novembre dernier. Certes, sa note n’a diminué que d’un cran, passant de AA+ à AA, néanmoins, c’est bel et bien les difficultés actuelles de l’Etat à lever l’impôt qui ont été sanctionnées. Car si dans une démocratie le non consentement à l’impôt paraît inimaginable, il est généralement synonyme d’une imminente (r)évolution sociétale.

Bien que la paire d’as constitue la meilleure main possible au poker, les règles du jeu en matières économique et sociale sont nettement différentes. Fini le bluff, le président de la République et le gouvernement doivent absolument réagir, et vite. Au diable les déclarations démagogiques et les promesses vaines, il faut se mettre réellement au travail. Au diable également les réactions infantiles, à l’instar de ce tweet posté par Matignon (puis ensuite effacé) qui, évoquant le soutien de Paul Krugman quant à la dégradation de la note de la France, commençait par un délicat « In da face S&P ! ».

Le gouvernement dispose actuellement d’une fenêtre de tir intéressante qu’il faut absolument exploiter. L’approche des fêtes de fin d’année ainsi que la joie provoquée par la qualification de l’équipe de France pour le mondial 2014 constituent en effet une aubaine pour toute une classe politique à la dérive. Faire passer les bons messages, rivaliser d’habilité et oublier ses intérêts individuels au profit de ceux de la nation. Car le risque est d’assister à une nouvelle manifestation spontanée sur les Champs-Elysées beaucoup moins joyeuse que celle engendrée par la qualification des Bleus… à moins que ces derniers remportent la coupe du monde, mais ça, c’est encore une autre histoire.

 

 

Anthony Benhamou

 



Les évènements à suivre du 25 au 29 novembre :


France : confiance en baisse et chômage en hausse.


 

Calendrier complet des statistiques et évènements de la semaine :

Nos prévisions économiques et financières pour 2013-2014 :

Pour visualiser les tableaux et graphiques, merci de consulter le fichier pdf