Alors que le pays est traversé par une crise économique profonde et durable, que le chômage explose et que le risque d’embrasement social n’a jamais été aussi fort, l’affaire Leonarda a monopolisé l’appareil d’Etat à son plus haut niveau et ce pendant plusieurs semaines. Ce qui au départ aurait dû être une expulsion « classique » d’une jeune fille et de sa famille en situation irrégulière a provoqué une tempête médiatique ainsi que de nombreuses manifestations étudiantes de soutien… Il est vrai que l’interpellation de l’étudiante de quinze ans dans un contexte scolaire fut pour le moins maladroite, et comme le conclut le rapport de l’IGA (Inspection Générale de l’Administration), les forces de l’ordre ont effectivement singulièrement manqué de discernement. Mais si le principe de sanctuarisation de l’école est juste dans notre douce France, la disproportion des réactions à cette expulsion n’en est pas moins un excellent indicateur de la température actuelle. Pour la petite histoire, il faut rappeler qu’à l’origine, le premier réflexe du capitaine de gendarmerie était d’envoyer une patrouille à l’école. Nous aurions eu alors une véritable révolution.
Déjà sous le feu nourri des critiques d’une partie de son camp depuis quelque temps, Manuel Valls en a pris pour son grade de premier flic de France. Jean-Luc Mélenchon a demandé ni plus ni moins la démission du ministre de l’Intérieur, Vincent Placé et EELV ont tiré à boulets rouges sur le locataire de la place Beauvau en encourageant notamment les manifestations étudiantes, Claude Bartolone, président de l’Assemblée Nationale et quatrième personnage de l’Etat, a manifesté une vive indignation, au même titre que Vincent Peillon qui a prêché pour sa paroisse, sans oublier bien sûr les « agitateurs publics professionnels » Harlem Désir et Cécile Duflot. En d’autres termes, un bien triste spectacle mettant en relief les divisions profondes existant au sein du « peuple de gauche.» Mais l’apothéose, le feu d’artifice, fut sans conteste l’intervention télévisée du chef de L’Etat qui a cru bon « descendre dans l’arène » afin d’éteindre un incendie qui se propageait à la vitesse de la lumière. Malheureusement, son intervention qui elle, ne fut pas vraiment lumineuse, le discrédita encore un peu plus aux yeux de l’opinion. Il faut dire que résoudre l’équation dite « Leonarda Vinci Code » relevait de la gageure.
En effet, le pompier président n’avait le choix qu’entre de biens mauvaises options : s’opposer au retour en France de l’étudiante et de ses parents ou bien leur accorder le droit d’asile, ce qui était contraire à la loi. Tentant comme à son habitude de ménager la chèvre et le chou, François Hollande opta pour une troisième solution plus baroque : accepter le retour de Leonarda mais seule… Au final, le premier personnage de l’Etat tentant de ménager Ayrault (pour un retour de toute la famille), Valls (farouchement contre un retour et prêt à démissionner), et Peillon (scandalisé par l’atteinte à la sanctuarisation de l’école), a totalement raté l’opération de sortie de crise. Celui qui devait incarner les institutions et rester au-dessus de la mêlée en prenant de la hauteur s’est ridiculisé et a abaissé sa fonction en intervenant personnellement. Rappelons qu’avant le président de la République, la chaine hiérarchique est longue : le secrétaire général de la préfecture du Doubs, le préfet de département, le préfet de région, le ministre de l’Intérieur et enfin le Premier ministre… Voilà de quoi alimenter les critiques récurrentes sur l’amateurisme de Hollande et de son gouvernement.
Ensuite, comment imaginer sérieusement une seconde qu’une adolescente de quinze ans va revenir sans sa famille en France pour poursuivre sa scolarité. Voilà une « proposition de Gascon » indigne d’un chef d’Etat qui de surcroit prétend être un président normal. De plus, alors que le préfet conforté a bien agi conformément à la loi comme le confirme l’enquête de l’IGA, de quel droit le président de la République autorise-t-il un retour sur le territoire d’une personne en situation irrégulière ? Plus globalement, avec 620 000 demandes annuelles incluant les réexamens, la question de la réforme du droit d’asile actuellement complexe et chronophage se pose sérieusement. Last but not least, Hollande a été humilié par l’étudiante qui, à l’instar de son père, lui a infligé une fin de non recevoir assortie de commentaires désobligeants. Le tout bénéficiant d’une sur-couverture médiatique.
En résumé, nous avons donc de l’amateurisme, un problème d’autorité, un problème de communication et une incapacité à prendre des décisions. Alors que Hollande souffre toujours d’une impopularité-record (77% selon L’IFOP pour le JDD), cet épisode ne va pas contribuer à redorer son blason. Le désastre est tel que président de la République, qui verse d’ordinaire dans la méthode Coué et l’autosatisfaction, reconnait qu’il y a eu un problème de communication, c’est dire… A tous ceux qui dénoncent le « Hollande Bashing » il faut rappeler que ce dernier est loin d’être une victime. En effet, un chef de l’Etat qui sème le vent dans tous les sens du terme récolte logiquement la tempête. Comme l’affirmait récemment l’humoriste Christophe Alévêque pas vraiment classé à droite : « les socialistes nous surprendront toujours. Avec Hollande et son gouvernement on ne s’attendait à rien. Et bien il a quand même réussi à nous décevoir ! »
La phrase de la semaine :
« A l’évidence, c’est le président de la République qui est le plus atteint, et, collectivement, nous tous. Les Français doivent se dire qu’on est une bande d’incapables, qui ne savent même pas gouverner, qui ne sont pas d’accord entre eux et qui font tout pour dézinguer le ministre de l’Intérieur. Tout ça est désastreux. » De Manuel Valls à propos de l’affaire Leonarda.
Jérôme Boué