C’était officieux, c’est désormais officiel, la rupture est consommée entre François Fillon et Nicolas Sarkozy. C’est le « JDD » qui a mis le feu aux poudres le 6 octobre suivi de l’hebdomadaire « Valeurs Actuelles » en relatant des propos off de Fillon qui se déchaine contre l’ancien président de la République. En substance, le député de la Sarthe tire à boulets rouges sur son « ex-patron » qui n’aurait pas mis en œuvre la fameuse rupture promise aux Français, et il s’estime mieux placé que lui pour l’emporter en 2017. Mais quelle mouche a bien pu piquer François Fillon pour qu’il déterre ainsi la hache de guerre ? Il y a bien sûr plusieurs explications.
Tout d’abord, le non-lieu de Nicolas Sarkozy dans l’affaire Bettencourt éclaircit l’horizon de l’ancien Président qui redevient une sérieuse menace pour 2017. Ensuite, Fillon qui estime que c’est désormais son tour, n’en peut plus de l’ambiguïté de la posture de Sarko: là sans être là, retiré de la vie politique mais toujours actif, prenant soit disant de la hauteur tout en portant des jugements sur la politique gouvernementale. Comme la majorité de ses prédécesseurs, Fillon pense à l’Elysée depuis qu’il a franchi le seuil de Matignon. Il n’a pas connu que des moments faciles rue de Varenne : humilié, rabaissé au rang de simple collaborateur par sa « Majesté » Sarkozy, court-circuité par Claude Guéant dit le cardinal Mazarin, accusé de mollesse et parfois même d’insignifiance, il a tenu bon contre vents et marées. Non pas pour la France ni pour Nicolas Sarkozy, mais pour servir ses futures ambitions présidentielles, diront les mauvaises langues. Le soir du 6 mai 2012, Fillon voit un destin national se profiler devant lui. Sarkozy était non seulement battu mais le désamour avec les Français était patent et profond. Seulement voilà, la déclaration post défaite de l’ex président fût très ambigüe. A l’inverse de Lionel Jospin qui annonça son retrait définitif de la vie politique française, Nicolas Sarkozy ne s’est en effet fermé aucune porte.
Par conséquent le « spectre » sarkozien est toujours là pour Fillon qui a besoin d’exister en faisant sortir l’ancien président du bois. Pour cela, il décide de cliver en se désolidarisant d’une grande partie du bilan de Sarkozy. Exercice pour le moins périlleux pour celui qui fut son premier ministre pendant cinq ans, un record sous la cinquième république. Tout y passe : les 35 heures qui auraient dû êtres abolies, le discours de Toulon qu’il accable, le virage droitier pris entre les deux tours de la présidentielle, la gestion de la dette et des déficits. Fillon estime que « quand on perd une élection, on a le devoir d’en analyser les raisons : on est obligé de se remettre en cause, sinon c’est un bras d’honneur aux Français. » A l’entendre, Nicolas Sarkozy aurait mieux fait de l’écouter.
Tout cela est bien gentil mais il y a un « hic »: si François Fillon était à ce point en désaccord avec la politique de Nicolas Sarkozy, il aurait dû démissionner. Comme l’affirme Sarkozy : « la lettre de démission de François Fillon, je l’attends toujours. » Rappelons-nous de Jacques Chirac qui en son temps, humilié par Valery Giscard d’ Estaing et en désaccord avec lui sur de nombreux points, démissionna avec fracas. A l’inverse Fillon s’est accroché « bec et ongles » à son poste de Premier Ministre, notamment quand il fut question de le remplacer par Borloo. Il fit une véritable crise et Sarkozy qui était à deux doigts de nommer Borloo a cédé. Ce qui fait dire à juste titre à Henri Guaino : « Quand on est resté cinq ans Premier Ministre, comment peut-on déverser une telle rancœur, une telle violence contre celui qui l’a nommé ? C’est indécent et cela porte préjudice à notre famille politique ».
Bien qu’il ait tout à fait le droit d’être candidat potentiel pour le pouvoir suprême, Fillon ne s’est pas grandi en procédant comme il l’a fait. Divisant encore plus son propre camp, il menace de remettre en marche la machine à perdre. L’ancien chef du gouvernement n’a fait que rajouter de la crise à la crise de l’UMP qui est déjà en panne de leadership. Alors que les élections municipales approchent, le FN qui n’en demandait pas tant peut se frotter les mains…
La phrase de la semaine :
«Je suis content de la dernière sortie de Fillon dans « Valeurs Actuelles ». Maintenant, on voit que c’est clairement lui l’agresseur. » De Nicolas Sarkozy.
Jérôme Boué