Allons droit au but : notre épargne est actuellement menacée par les cinq grands dangers suivants : 1. Les arnaques des placements mirobolants. 2. Le prélèvement sur les comptes bancaires. 3. L’assurance limitée en cas de faillite bancaire. 4. L’augmentation des impôts sur l’épargne et le patrimoine. 5. La « finance folle ». Explications.
- Forex frauduleux, options binaires, placements en faux diamants, cryptomonnaies qui n’existent pas, les arnaques financières ne manquent pas. Avec le développement de l’informatique, d’internet et du numérique, les escrocs en placements financiers se sont même multipliés et ont gagné en ingéniosité. Avec la pandémie, les inquiétudes et les frustrations qu’elle a engendrées, la situation ne s’est évidemment pas améliorée. Plus que jamais, la prudence doit donc rester de mise. Pour éviter toute mauvaise surprise, il est donc indispensable de ne faire confiance à personne, à l’exception des professionnels agrées par les autorités officielles. Pour ce faire, l’AMF, l’Autorité des Marchés Financiers, a établi une liste rouge de toutes les fausses entreprises d’investissement et une liste verte des entreprises autorisées. A consulter sur le site amf-france.org.
- Depuis le 1er janvier 2016, la directive européenne relative au « redressement des banques et à la résolution de leurs défaillances » autorise le prélèvement sur les comptes. Celle-ci a d’ailleurs été transposée en France par ordonnance en toute discrétion courant 2015 et est entrée en vigueur le 1er janvier 2016. Ainsi, depuis cette date, les comptes des clients dotés de plus de 100 000 euros de dépôts pourront être prélevés pour contribuer au sauvetage de leur banque, en cas de besoin. Un précédent a d’ailleurs déjà eu lieu lors de la crise chypriote de 2013. A l’époque, le gouvernement chypriote, sous le haut patronage de l’Union européenne, a tout simplement spolié une grande partie des dépôts bancaires au-delà de 100 000 euros. Comme cela concernait principalement de nombreux comptes off-shore et souvent mafieux, l’opinion publique ne s’en est pas émue outre-mesure, mais la boîte de Pandore a bien été ouverte.
- Grâce à la garantie des dépôts, si votre banque fait faillite, vous récupérez votre argent mais, attention, seulement dans la limite de 100 000 euros par personne. Au-delà vous perdez tout, y compris sur tous vos supports d’épargne, à l’exception tout de même des Plans d’Epargne Entreprise et des Plans d’Epargne pour la Retraite, du moins si tout va bien. Car une fois que la brèche a été ouverte, tout devient possible.
- Comme nous l’avons expliqué la semaine dernière dans ces mêmes colonnes, l’épargne est également menacée par une hausse des impôts. En effet, dans son moniteur des finances publiques de janvier 2021, le FMI conseille aux Etats surendettés d’augmenter la fiscalité qui pèse sur le patrimoine et l’épargne au sens large. Tout un programme.
- Mais, en attendant de payer une partie de la facture de la crise engendrée par la pandémie, les épargnants sont d’ores et déjà menacés par la « finance folle », qui est d’ailleurs certainement le plus grand danger qui menace notre épargne, ainsi que la stabilité financière, économique et sociétale des économies développées et notamment de la France. Cette folie dépasse effectivement toutes les limites. Ainsi, en dépit de la pandémie, de la récession et des risques qui pèsent sur 2021, les marchés boursiers continuent de croître dans le vide. Qu’il s’agisse du Nasdaq ou du Dow Jones, de nouveaux sommets historiques ne cessent d’être dépassés. Depuis mars 2009, les flambées de ces deux indices défient l’entendement : respectivement + 380 % et + 1 004 %. Comme si la récession de 2020 n’avait pas eu lieu et que la pandémie n’avait jamais existé… Les bulles sont donc non seulement de retour, mais elles sont encore plus extravagantes qu’avant 2020.
Les exemples de cette folie sont pléthore : GAFAM, licornes du numérique valorisées des milliards de dollars en dépit de pertes abyssales et durables, et bien sûr Tesla, dont la valeur boursière est montée jusqu’à 805 milliards de dollars, avec 500 000 voitures vendues annuellement et un Price Earning Ratio de 1 600. Pour info, la capitalisation de Volkswagen est d’environ 100 milliards de dollars, pour 10,7 millions de voitures vendues l’an passé et un PER de 12. C’est bien beau de croire au père Noël, mais il faut tout de même redescendre sur terre de temps en temps.
Les récents dérapages observés avec Signal et GameStop montrent également que les évolutions boursières sont aux antipodes du bon sens. Il a par exemple suffi que le patron de Tesla, Elon Musk, écrive un tweet de deux mots « Use Signal » demandant de favoriser la plateforme Signal concurrente de Watsapp pour que le cours de l’action « Signal Advance » flambe de 11 560 % en 4 jours, passant de 0,60 dollars le 6 janvier à 70 dollars lors de la séance du 11 janvier ! Manque de pot, la plateforme de messagerie Signal n’est pas cotée en bourse. « Signal Advance » n’a donc rien à voir avec le concurrent de Watsapp et travaille dans le domaine de la santé… Son cours boursier s’est ensuite effondré de 97 % à 2 dollars.
Bis repétita avec GameStop, une entreprise de vente de jeux vidéos : de 17 dollars le 8 janvier 2021, son cours est monté jusqu’à 482 dollars lors de la séance du 27 janvier pour finir dans cette même journée à 193 dollars. Il est ensuite remonté à 325 dollars, le lendemain laissant croire temporairement que des groupes de « traders » individuels avaient eu la peau des Hedge Funds. Victoire de très courte durée, puisque l’action s’est ensuite effondrée, pour atteindre 50 dollars le 10 février. Une volatilité incroyable qui confirme que de trop nombreux investisseurs sont non seulement des moutons de Panurge mais manquent dramatiquement de discernement… Imaginez le père de famille qui achète du « Signal Advance » à 70 dollars ou du GameStop à 482 dollars !
L’épargne est trop sacrée, souvent accumulée après des années d’efforts, pour la détruire en quelques jours ! Plus que jamais, il faut donc avoir le courage de dire la vérité : la bourse est désormais complètement déconnectée de la réalité économique. Elle est tout simplement devenue un « Casino Royal », qui ressemble de plus en plus à la situation qui prévalait avant le krach de 1929 et qui finira donc par coûter très cher à notre épargne.
Marc Touati