Vraisemblablement non satisfaite d’être déjà numéro un mondial de la pression fiscale et des dépenses publiques (avec des niveaux de respectivement 45 % et 56 % de son PIB), la France se paie désormais le triste « luxe » d’être « championne du monde » de la récession.
En effet, au premier trimestre 2020, qui ne comportait pourtant que 14 jours de confinement, le PIB français a chuté de 5,8 %. A titre de comparaison, dans les deux pays européens les plus gravement touchés par l’épidémie de coronavirus, en l’occurrence l’Italie et l’Espagne, le PIB a régressé de respectivement 4,7 % et 5,2 %. Parallèlement, dans l’ensemble de la zone euro, le PIB a reculé de 3,8 %, laissant envisager un repli trimestriel du PIB allemand d’au plus 3 %.
Aux Etats-Unis, la baisse du PIB sur le premier trimestre est encore moins forte, puisqu’elle n’a été que de 1,2 %. Pour trouver une chute plus élevée qu’en France, il faut se diriger vers la Chine, qui a enregistré un plongeon de son PIB de 9,8 % sur l’ensemble du premier trimestre 2020, mais avec quasiment deux mois et demi de confinement.
De quoi d’ailleurs nous donner une image de ce qui risque d’arriver à notre « douce France ». Car, si déjà avec seulement 14 jours de confinement, le PIB français a chuté de 5,8 % sur l’ensemble du premier trimestre, son plongeon devrait au moins atteindre 8 % au deuxième trimestre, en espérant que le confinement prendra effectivement fin en juin au plus tard.
Autrement dit, il ne faut pas se voiler la face : le PIB français va reculer d’au moins 13 % sur le premier semestre 2020.
Or, il faut savoir que, d’ores et déjà, compte tenu de la chute du premier trimestre 2020, le niveau actuel du PIB français est équivalent à celui de 2015. A la fin du premier semestre 2020, il devrait atteindre celui de la fin 2005 ! Oui, vous ne rêvez pas : un retour en arrière de 15 ans !
De plus, restons éveillés : l’économie française ne connaîtra pas de reprise en V. Son redressement sera lent et chaotique.
En effet, n’oublions pas que le déconfinement sera très progressif et que, malheureusement, de nombreux secteurs d’activité demeureront durablement en récession. A commencer par le tourisme, l’hôtellerie, la restauration, l’évènementiel, sans oublier le transport aérien, l’aéronautique, mais aussi le luxe ou encore l’automobile. Il est effectivement inévitable que les consommateurs mettront du temps avant de penser à acheter une nouvelle voiture, des biens de luxe, mais aussi à prendre l’avion ou à séjourner dans un hôtel. De même, avant de réinvestir massivement, les entreprises devront panser leurs plaies et reconstituer une partie de leur trésorerie, ce qui prendra du temps.
En outre, n’oublions pas que les secteurs phares de l’économie française sont justement le tourisme, le luxe, l’automobile et l’aéronautique. Heureusement que les secteurs de l’agro-alimentaire, de l’informatique et des services à la personne seront là pour limiter les dégâts, même s’ils ne pourront évidemment pas permettre le retour de la croissance forte.
Dans ce cadre, même en faisant l’hypothèse optimiste d’une croissance annuelle moyenne de 2 % à partir de 2021 (contre, rappelons-le, 1 % au cours des quinze dernières années), la France ne retrouvera son niveau de PIB de la fin 2019 qu’en… 2026.
D’ici là, le taux de chômage augmentera durablement vers des niveaux inconnus d’au moins 15 %. Pour mémoire, son sommet historique a été atteint au deuxième trimestre 1994 à 10,8 %. C’est dire l’ampleur de la crise sociale et sociétale qui nous attend.
Et ce d’autant plus que, dans le même temps, les déficits publics vont également flamber sur des cimes inconnues d’environ 15 % du PIB, ce qui amènera la dette publique vers des pics tout aussi inexplorés d’au moins 130 % du PIB.
Dès lors, en dépit de l’aide de la BCE, qui sera d’ailleurs de moins en moins efficace, les taux d’intérêt des obligations de l’Etat français se tendront fortement, cassant de facto la reprise et aggravant mécaniquement le chômage, les déficits et la dette, ce qui alimentera par là même un cercle pernicieux de plus en plus destructeur.
Malheureusement, la France est donc en train de tomber dans un scénario catastrophe a priori irréversible : déjà structurellement affaiblie par une croissance intrinsèquement molle, elle-même liée à un poids exorbitant des impôts et une dépense publique massive et peu efficace, la France a été frappée par une épidémie de coronavirus dramatiquement meurtrière, mais aussi très mal gérée, en particulier d’un point de vue sanitaire.
Tentant de rattraper son retard et sa gestion hasardeuse de la crise par un confinement extrême, elle est alors tombée dans une récession, puis une dépression historique, de laquelle elle sortira péniblement et encore plus affaiblie. De la sorte, elle est désormais menacée par une multiplicité de crises : sociales, politiques, financières et sociétales.
Face à cette « descente aux enfers » de notre beau pays, une question demeure : est-il encore possible d’inverser la vapeur et de sortir par le haut de cette spirale infernale ? Etant de nature optimiste (en dépit de certaines apparences), je dirai que c’est encore faisable si une prise de conscience nationale s’opère et qu’une sorte d’union sacrée s’impose tant au niveau de la classe politique que des partenaires sociaux et de la société française dans son ensemble.
Le problème est que cette dernière est tellement engoncée dans la culture de la « lutte des classes », dans l’absence de patriotisme et dans l’inculture économique que la probabilité d’une telle sortie de crise est particulièrement faible. En d’autres termes, nous risquons désormais de payer des décennies d’erreurs stratégiques et de déni de réalité.
Marc Touati