Soyons-en convaincus : nous allons sortir prochainement de la pandémie de Covid-19. Et le plus tôt sera bien sûr le mieux. Une question demeure néanmoins sans réponse : dans quel état ? Lors d’un tsunami, c’est effectivement lorsque l’eau se retire que l’on peut mesurer l’ampleur des dégâts.
Et, dans le cas présent, ces derniers seront forcément énormes. Tout d’abord d’un point de vue humanitaire compte tenu du nombre élevé de vies perdues prématurément. Pour autant, il serait erroné de croire que les conséquences négatives du Coronavirus s’arrêteront lorsque les décès des malades cesseront. Celles-ci seront malheureusement nombreuses et durables. Une sorte de « reset » (réinitialisation en français) devrait effectivement avoir lieu. Certes, comme toujours, le monde s’en relèvera, mais cela prendra des années.
Nous ne sommes évidemment pas devins et ne pouvons pas savoir avec précision quand et comment l’Humanité sortira de cette crise, mais nous pouvons néanmoins d’ores et déjà esquisser quelques évolutions économiques et financières probables pour l’après-crise.
Première conséquence, la Chine devrait tomber de son piédestal et connaître une phase durable de croissance molle. En effet, le monde ne lui pardonnera pas de sitôt d’avoir été à l’origine de la plus grande pandémie depuis la grippe espagnole de 1918. Dans ce cadre, il est clair que les commandes internationales vers la Chine vont nettement se réduire, si bien que l’Empire du milieu perdra progressivement son statut d’usine du monde. Or, n’oublions pas que, pour parvenir à ce niveau, la Chine s’est considérablement endettée et a investi massivement. Si la demande s’effondre et si, par là même, le retour sur investissement n’est pas au rendez-vous, un contrecoup économico-financier apparaît inévitable.
Certes, dans la mesure où sa banque centrale dispose encore d’environ 3 000 milliards de dollars de réserves de changes, la Chine ne s’écroulera pas complétement et immédiatement. Pour autant, sa croissance économique va devenir structurellement plus molle. Or, dans la mesure où, depuis une quinzaine d’années, la Chine réalise directement près de 40 % de la croissance mondiale, il est clair que cette dernière va aussi s’affaiblir structurellement.
Bien entendu, des mouvements de relocalisation de la production vers les pays développés permettront de limiter les dégâts. Mais, ne rêvons pas, cette réorganisation du système productif international prendra du temps et comportera de nombreux coûts. Dans ce cadre, une nette augmentation de l’inflation planétaire est envisageable, réduisant de facto la progression de l’activité mondiale.
Parallèlement, de nombreux secteurs d’activité vont être fortement affectés par la pandémie, y compris lorsque cette dernière sera terminée. Il s’agit bien sûr du tourisme, de l’hôtellerie, de l’aéronautique, mais aussi du luxe, dont 60 % de la croissance depuis dix ans provient de Chine. Même si un effet de rattrapage de la faiblesse passée devrait se produire, il est clair que l’engouement des dernières années pour les voyages touristiques, les déplacements en avion ou encore les produits de luxe ne sera plus le même pour une longue période.
En outre, la mondialisation constituant le bouc émissaire idéel de la pandémie, un mouvement de « repli sur soi » risque de se produire à travers la planète, ce qui réduira nettement les échanges internationaux et par là même la progression de l’activité internationale.
Conséquence logique de cette décélération mondiale, les Etats-Unis et l’Europe, déjà en croissance molle et en récession cette année, connaîtront également une phase d’atonie économique durable.
C’est d’ailleurs ce que préfigure déjà le krach boursier mondial, qui n’est pas près de se terminer. En effet, après avoir purgé leur bulle des dernières années, les marchés boursiers internationaux sont tombés dans un puit sans fond, pour la simple raison que l’incertitude née de la pandémie est telle que les normes et les échelles de valeur habituelles ont volé en éclat. Dès lors, la valse des milliards des banques centrales ne sert pas à grand-chose et est incapable de stopper la chute des marchés, qui devraient dont être mis, comme tout le monde, en quarantaine.
Et là aussi, une fois que la crise sera finie, de nombreuses plaies resteront ouvertes durablement. Du moins jusqu’à la prochaine bulle…
En attendant, en plus du krach boursier, nous sommes également en train d’entrer dans un krach obligataire durable. En effet, l’autre valse des milliards, en l’occurrence celle des Etats, va mécaniquement creuser les déficits et les dettes de ces derniers. Or, si jusqu’à présent les investisseurs restaient aveuglés par l’opium des banques centrales, ils comprennent désormais avec pertes et fracas que les risques qui entourent les dettes publiques sont devenus dramatiquement élevés. Si bien qu’après la crise, certains Etats, y compris dans le monde développé, pourraient tout simplement faire défaut. Autrement dit, en dépit de la récession et de la faiblesse des taux d’intérêt monétaires, les taux d’intérêt des obligations d’Etat sont entrés dans une phase de forte augmentation.
Le drame est que, comme nous l’avons souvent expliqué, ce krach obligataire va renchérir les crédits, affaiblissant encore une activité économique déjà très mal en point. En outre, cette tension des taux longs va aussi susciter l’explosion des bulles immobilières, en particulier en France.
En conclusion, à toute chose malheur est bon : oui la pandémie de Covid-19 sera douloureuse pour toutes et tous, mais elle se traduira par un « reset » de l’économie et des marchés à travers le monde, qui pourront alors repartir, espérons-le, sur des bases plus saines. Ne soyons donc pas défaitistes, oui, nous remonterons la pente pour nous diriger vers un monde moins exubérant et, par là même, meilleur…
Marc Touati