Toutes les bulles explosent en même temps…

Lorsqu’il y a encore quelques semaines, j’annonçais que le Cac 40 pouvait descendre à 4 800, voire 4 500 lors de l’éclatement prochain de la bulle, on me riait souvent au nez.

Et pourtant, il est tombé à 3 665 points au moment où j’écris ces lignes. Bien entendu, de la même façon que j’ai critiqué les Cassandre qui se félicitaient de la baisse des bourses mondiales au lendemain du 11 septembre 2001 en disant « nous vous l’avions bien dit ! », je ne vais pas me livrer maintenant à ce type de satisfecit déplacé.

Evidemment, tout comme les attentats du 11 septembre 2001, personne ne pouvait prévoir la pandémie de Coronavirus qui secoue actuellement la planète.

Pour autant, comme nous n’avons cessé de le rappeler depuis des mois, en se faisant souvent traiter de tous les noms, l’économie et les marchés obéissent à une règle de base indubitable : les arbres ne montent pas au ciel.

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EconomicWorld160320

Les arbres ne montent pas au ciel…

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Sources : NYSE, Euronext, ACDEFI

Ainsi, par une sorte de régulation naturelle, tous les dix ans environ, les marchés boursiers, tout comme l’économie mondiale d’ailleurs, connaissent une « remise des pendules à l’heure ».

Souvenons-nous : premier choc pétrolier de 1973, deuxième choc du même nom en 1980, première guerre du golfe en 1990-91, explosion de la bulle Internet et attentats du 11 septembre en 2000-2001, faillite de Lehman Brothers en 2008. A la suite de chacun de ces chocs, le monde est entré en crise et/ou en récession.

Or, depuis 2017, à une époque où la bulle commençait à devenir dangereuse, ce cycle apparaissait caduc pour la grande majorité des investisseurs et des observateurs.

A tel point que rien ne semblait pouvoir casser l’euphorie des marchés : que ce soit le capharnaüm autour du Brexit, les tensions géopolitiques avec l’Iran et la Corée du Nord, les attentats en Europe ou encore la guerre commerciale, le fort ralentissement de la croissance mondiale en 2019 et même le début de l’épidémie de Coronavirus en Chine, quasiment personne n’a voulu voir la réalité en face.

Les marchés boursiers ont ainsi continué de flamber en dépit du bon sens. L’argument était toujours le même : quoiqu’il arrive, les banques centrales seront là et déverseront leur opium monétaire pour permettre aux marchés de continuer de croître.

Quel manque de discernement et de lucidité ! Quel aveuglement collectif !

Comme d’habitude, certains économistes, dont je tairai le nom par charité, qui n’ont cessé d’annoncer la poursuite de la hausse boursière osent aujourd’hui prétendre qu’ils avaient prévu la bulle et son dégonflement. Heureusement que le ridicule ne tue pas…

Mais, bon, dans la mesure où nous ne sommes pas rancuniers et où il ne sert à rien de vivre dans le passé, rappelons simplement les faits.

Le 12 mars 2020, dans le sillage de la déception suscitée par la Présidente de la BCE Christine Lagarde (digne héritière de Jean-Claude Trichet), le Cac 40 s’est effondré de 12,3 % sur une seule journée. Du jamais vu !

Bien plus grave que lors des précédentes crises : – 9,6 % lors du krach d’octobre 1987, – 7,4 % le 11 septembre 2001 et – 9 % le 6 octobre 2008.

De quoi souligner que nous entrons dans l’Histoire, mais aussi dans l’inconnu…

D’ailleurs, depuis leur point haut de la mi-février 2020 (donc plus d’un mois après le début de l’épidémie en Chine, histoire de renforcer le caractère extrême de l’aveuglement collectif qui prévalait alors), le Dow Jones et le Cac 40 se sont écroulés de respectivement 29,2 % et 40 % (au 16 mars). Là aussi des chutes historiques en si peu de temps. Et ce, en dépit du soutien bazooka de la Réserve fédérale américaine.

Cac 40 et Dow Jones : des chutes historiques…

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Sources : NYSE, Euronext, ACDEFI

Dire qu’il y a encore quelques jours, certains « analystes » refusaient de parler de krach pour caractériser la situation actuelle des marchés boursiers. Encore du manque de discernement et de l’aveuglement…

Car, ne l’oublions pas, même si les marchés sur-réagissent face à l’incertitude massive engendrée par la pandémie, ils ne font finalement que se reconnecter à la réalité économique.

Rappelons-le : les indices boursiers doivent refléter une réalité économique : celle des profits des entreprises, qui dépend directement de la croissance mondiale. Si la planète tombe en récession, les résultats des entreprises seront négatifs, déprimant mécaniquement les valorisations boursières.

Les bulles boursières se dégonflent dans la douleur.

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Sources : FMI, NYSE, ACDEFI

De plus, et même s’il ne faut pas exagérer la valeur explicative d’une moyenne, rappelons que le niveau moyen du Cac 40 depuis 2002 est de 4 300 points… De quoi faire plaisir aux tenants de l’analyse technique…

Le Cac 40 retrouve son intervalle de long terme.

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Sources : Euronext, ACDEFI

Parallèlement et en toute logique, les fameuses « valeurs de croissance » ont également pris le bouillon. L’indice Nasdaq s’est ainsi effondré de 26,6 % en seulement 15 séances, restant néanmoins toujours très cher comparativement aux résultats à venir des entreprises du Nasdaq.

Le Nasdaq corrige une partie de ses excès.

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Sources : Nasdaq, ACDEFI

Mais l’effondrement de la bulle n’est pas seulement l’apanage des marchés boursiers. Il s’observe aussi sur le front des cryptomonnaies et notamment du bitcoin.

La bulle des cryptomonnaies explose également.

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Source : ACDEFI

De quoi rappeler qu’au contraire de ce qu’ont avancé certains, le bitcoin est très loin d’être une valeur refuge. Encore plus grave, la bulle obligataire est également en train de se dégonfler. Ainsi, les taux d’intérêt des obligations d’Etat sont repartis à la hausse, en particulier en Italie.

Le taux à dix ans de la dette publique italienne est ainsi passé de 0,9 % le 22 février à 2,0 % aujourd’hui, un plus haut depuis le 29 juin 2019. Dans le même temps, son homologue espagnol est passé de 0,2 % à 0,8 %.

La bulle de la dette publique se dégonfle aussi.

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Source : ACDEFI

La France aussi est touchée, puisque le taux d’intérêt de l’OAT à dix ans a augmenté de – 0,4 % le 9 mars à 0,09 % aujourd’hui. A titre de comparaison, le taux du Bund allemand à dix ans est passé de – 0,8 % à – 0,5 %.

Le spread de taux « France-Allemagne » s’élargit.

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Source : ACDEFI

Comme je l’ai souvent écrit dans ces mêmes colonnes et aussi dans mon dernier livre « Un monde de bulles », en espérant que cela ne se produirait pas, nous sommes bien en train d’assister au pire des scénarios, en l’occurrence celui du dégonflement de toutes les bulles en même temps. Faisons donc le dos rond et armons-nous de patience en attendant des jours meilleurs, qui finiront forcément par arriver.

Marc Touati