Flambée boursière excessive des deux côtés de l’Atlantique, valorisation extravagante de nombreuses entreprises du numérique n’ayant jamais réalisé le moindre profit, taux d’intérêt obligataires anormalement bas, explosion de la dette privée en Chine et de la dette publique en Europe et aux Etats-Unis, engouement écervelé pour le bitcoin et les cryptomonnaies, cours immobiliers historiquement élevés, notamment à Paris… A l’évidence, les anomalies financières ne manquent pas.
Pourtant, en dépit du bon sens, des avertissements et des règles de base de l’économie, la quasi-totalité des investisseurs, des régulateurs, des économistes et des observateurs en tout genre des marchés financiers trouve cela tout à fait normal et se refuse à parler de « bulles ».
Et ce, tout juste dix ans après la dernière grave crise économico-financière qui a failli plonger le monde dans une dépression au moins aussi grave que celle de 1929. A croire que la cupidité et l’oubli sont plus forts que le réalisme et l’apprentissage des catastrophes du passé.
De plus, que ce soit aux Etats-Unis, au Japon, en Europe et en France, l’augmentation des dépenses publiques n’est pas parvenue à relancer fortement la croissance. Une relation inversée semble même s’être imposée, puisque plus les premières ont progressé, plus la seconde est devenue molle.
C’est en cela que les relances budgétaires pléthoriques et les « planches à billets » démentielles des banques centrales à travers la planète (plus de 4 000 milliards de dollars aux Etats-Unis et de 3 000 milliards d’euros dans la zone euro) sont devenues dangereuses. En effet, ces gabegies n’ont pas réussi à instaurer une croissance forte, mais ont créé une multitude de nouvelles bulles financières à travers la planète.
Encore plus grave, par peur de susciter une rechute, les banques centrales et les Etats n’ont toujours pas le courage de siffler la fin de la récré et de provoquer un dégonflement en douceur de ces bulles. La France va encore plus loin, puisqu’elle est l’un des rares pays de l’OCDE, pour ne pas dire le seul, à continuer d’augmenter sa dépense publique, en dépit de l’inefficacité criante d’une grande partie de cette dernière. Dès lors, elle prend le risque d’un violent retour de bâton, lorsque les investisseurs reprendront leurs esprits.
C’est d’ailleurs en cela que la reprise de l’économie française de 2017 ne pouvait être que temporaire. En effet, ce rebond de croissance n’était qu’un effet de correction de la faiblesse passée, associé à un « alignement des planètes » exceptionnel. Lorsque les planètes ont commencé à se désaligner (notamment via l’augmentation des cours des matières premières et de l’euro), la réalité structurelle a rapidement repris le dessus : trop de pression fiscale, trop de rigidités, un manque criant de modernisation du modèle économique et social hexagonal. Autant de handicaps qui ont engendré un net ralentissement de la croissance française, qui ne fait d’ailleurs que commencer.
Cependant, en dépit de ces évidences, les marchés obligataires et boursiers sont restés aveugles et sourds. De plus, les bulles ne sont pas seulement financières. Elles peuvent aussi être économiques, politiques et médiatiques. A tel point que nous sommes désormais envahis par une multitude de bulles en tous genres.
D’où une question simple : jusqu’à quand ?
C’est là tout le problème avec les bulles : c’est lorsqu’elles approchent de leurs fins qu’elles deviennent les plus extravagantes. Autrement dit, il est très probable que l’exubérance irrationnelle des marchés continue encore quelques mois. Seulement voilà, plus les bulles iront loin, plus leur dégonflement, ou plutôt leur éclatement, sera violent, avec tous les désagréments que cela entraînera sur l’activité et l’emploi.
Actions, obligations, immobilier, bitcoin et cryptomonnaies en tout genre : nous ne devons plus faire face à une seule bulle à la fois comme en 1637 avec la tulipe, en 1929 avec les marchés boursiers, en 2000 avec les « .com », en 2007 avec les « subprimes » ou en 2008 avec les matières premières, mais nous sommes confrontés à plusieurs bulles en même temps. Il s’agit là d’une première historique.
Dans ce cadre, il faut être honnête et réaliste, face à un tel déchainement d’irrationalités, nous ne savons pas comment nous allons sortir de ce patchwork de bulles. Et ce, d’autant que les autorités monétaires et budgétaires nationales et internationales ont déjà utilisé toutes leurs cartouches. Autrement dit, en cas de krach, elles ne pourront pas relancer la machine.
Le pire serait que toutes ces bulles éclatent en même temps. La panique pourrait alors rapidement s’installer. Ce faisant, les investisseurs risquent de « jeter le bébé avec l’eau du bain », en déclenchant quatre krachs à la fois. D’ores et déjà, les taux d’intérêt des obligations d’Etat et de nombreuses entreprises commencent à remonter. Si ce mouvement se poursuit, les cours immobiliers repartiront très vite à la baisse et la croissance économique reculera nettement, suscitant immanquablement une chute des cours boursiers.
Plus que jamais, il est donc impératif de dénoncer l’aveuglement collectif ambiant et d’alerter le grand public : oui, nous vivons malheureusement dans un « monde de bulles ». Il ne faut pas forcément en avoir peur, mais le comprendre et le diffuser, pour ne plus être des « dindons de la farce ». Sachons donc éviter les pièges, ce qui nous permettra de sortir par le haut des crises passées, actuelles et à venir. Tel est l’un des buts principaux de mon nouveau livre « Un monde de bulles » qui sort le 5 septembre. J’espère qu’il vous plaira et que j’aurai le plaisir de vous le dédicacer prochainement.
Marc Touati