L’année 2017 n’est pas encore terminée qu’il nous faut déjà penser à 2018. En effet, pour beaucoup de banques, d’entreprises et d’investisseurs au sens large, 2017 est presque du passé et tous les espoirs, mais aussi toutes les inquiétudes sont portés sur 2018. Certes, comme nous l’annoncions il y a un an et encore au début de cette année, 2017 a été une année « correcte ». Et pour cause : la Chine ne s’est pas effondrée, comme beaucoup le prévoyaient, les pays émergents ont retrouvé des couleurs, notamment en Amérique Latine, les Etats-Unis et la zone euro ont bien résisté. A tel point que la croissance mondiale a gagné quelques dixièmes de point.
En effet, selon nos estimations, après avoir légèrement reculé à 3,2 % en 2016, cette dernière devrait atteindre 3,4 % cette année. Elle sera donc appréciable, mais encore inférieure à sa moyenne de long terme (en l’occurrence 3,5 %). Pour y parvenir, elle sera notamment aidée par les performances honorables mais toujours non-euphoriques des Etats-Unis et de la zone euro, à savoir 2,1 %, contre respectivement 1,5 % et 1,8 % en 2016.
En fait, après l’euphorie des années 2000-2007, le monde est entré dans une phase de croissance structurelle plus modérée. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : De 2000 à 2007, la progression annuelle moyenne du PIB planétaire a été de 4,5 % (soit un point de plus que son niveau moyen depuis 1980). Mais de 2008 à 2016, celle-ci n’a été que de 3,3 %.
Et encore, cette dégringolade a été limitée grâce à la vigueur des pays émergents, dont la croissance moyenne est passée de 6,6 % sur la première période à 5,1 % sur la seconde. Dans le même temps, celle des pays développés est passée de 2,6 % à 1,1 %. Avec une mention spéciale pour la zone euro qui a vu sa croissance moyenne chuter de 2,3 % à 0,4 %, à peine moins bien que la France (2,1 % à 0,6 %).
Le plus inquiétant est que 2017 devait être (du moins selon les prévisionnistes adeptes de la pensée unique) l’année de la forte reprise pour la zone euro et la France. Que nenni ! En effet, en dépit des moyens colossaux déployés par la BCE, la croissance 2017 sera d’au mieux 2,1 % dans l’UEM et de 1,5 % en France.
Et malheureusement, il s’agissait là de la meilleure année de la décennie, puisqu’après avoir mangé son pain blanc, la croissance va logiquement ralentir en 2018. Et pour cause : tous les moyens de politiques économiques ont déjà été utilisés. Il n’y a guère que l’Allemagne qui, grâce à ses efforts des quinze dernières années, dispose d’un excédent public et pourra ainsi relancer la machine. Mais, là aussi, ne rêvons pas : compte tenu des risques récents d’instabilité politique et du ralentissement de l’économie internationale, la croissance allemande devrait passer de 2,1 % en 2017 à 1,9 % en 2018. Cela permettra à la zone euro de croître également de 1,9 %, soit tout de même 0,2 point de moins que son niveau de 2017. Des prévisions qui restent d’ailleurs « optimistes » puisque si déjà la « planche à billets » pléthorique de la BCE n’a pas produit de miracle au cours des dernières années, sa fin progressive n’arrangera évidemment pas la situation.
De ce point de vue, la France fera d’ailleurs encore « mieux », puisque sa croissance devrait retomber à 1,3 % en 2018. Ce résultat sera évidemment conditionné par la politique économique à venir. Et si, pour le moment, cette dernière va dans le bon sens (à l’exception notable de la hausse de la CSG et de la poursuite des gaspillages publics), il ne faut pas oublier que tant que la pression fiscale ne sera pas fortement abaissée pour tous et que le marché du travail ne sera pas modernisé significativement, la croissance molle perdurera.
Une incertitude similaire pèse sur l’économie américaine. Quelles seront les prochaines décisions du Président Trump ? Réussira-t-il à réaliser son programme fiscal et budgétaire et surtout à le financer ? Une chose est sûre : compte tenu d’un déficit public et d’une dette fédérale déjà très élevés (respectivement 4 % et 108 % du PIB), les risques de dépassement du plafond autorisé pour la dette publique et de son corollaire, le « shutdown » (c’est-à-dire le blocage de l’administration américaine), sont particulièrement forts. Autrement dit, après avoir rebondi à 2,1 % en 2017, la croissance des Etats-Unis devrait de nouveau ralentir pour difficilement atteindre les 2,0 % en 2018. Rien de très flamboyant.
Du côté des pays émergents, la décélération sera également de mise. En Chine, la progression du PIB devrait ainsi atteindre 6,3 %, contre 6,9 % en 2017. Quant à celle de l’Inde, elle devrait se stabiliser vers les 6,0 %. En fait, en vertu d’un effet de correction de la faiblesse passée, seuls l’Argentine et le Brésil devraient enregistrer une variation du PIB meilleure qu’en 2017. En l’occurrence et respectivement : 2,7 % et 1,5 % en 2018, contre 2,5 % et 0,5 % cette année. Cela sera néanmoins insuffisant pour permettre à la croissance mondiale de dépasser son niveau de 2017. Selon nos estimations, elle atteindra 3,1 %, un plus bas depuis 2009.
Des prévisions qui, soulignons-le encore, restent optimistes, dans la mesure où elles supposent que de nouveaux risques ne viendront pas les contrecarrer. Parmi ceux-ci, citons notamment un conflit avec la Corée du Nord, un krach boursier et obligataire mondial, une forte instabilité politique européenne, qui pourrait notamment être provoquée par une issue défavorable des élections législatives italiennes, mais aussi par un capharnaüm sociétal en Catalogne et par là même dans l’Espagne entière, sans oublier les risques de dérapages sociaux toujours présents dans l’Hexagone.
Dans le même temps, une crise de la dette privée en Chine, de nouveaux dérapages liés au Brexit et bien sûr et malheureusement, des risques d’attentats et de crises géopolitiques demeurent des dangers majeurs qui pourraient affaiblir la croissance mondiale. En conclusion, n’en déplaise aux marchés boursiers qui continuent de se voiler la face, 2018 sera forcément bien plus difficile que 2017.
Marc Touati