Nous y sommes. Le 15 mars, le marathon électoral européen va commencer avec les élections législatives aux Pays-Bas. Selon les derniers sondages (qui ne veulent certes pas dire grand-chose), le parti d’extrême droite de Geert Wilders est au coude à coude avec celui du Premier ministre centriste démocrate Mark Rutte. Si la probabilité qu’il puisse former un gouvernement reste faible, cette percée pourrait néanmoins bien marquer le début de fortes turbulences sur les marchés et in fine sur l’économie de la zone euro.
Ce qui est a priori paradoxal c’est qu’Aux Pays-Bas, comme d’ailleurs au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, la croissance est forte et le plein-emploi s’est installé. Autrement dit, ce n’est pas la misère économique ni le chômage de masse qui soutiennent la volonté de renverser la table, mais tout simplement le souhait de changer de monde.
De ce point de vue, la situation est encore bien plus périlleuse dans l’Hexagone, puisqu’à côté d’un ras-le-bol généralisé, les Français souffrent d’une croissance moribonde depuis 2008 et sont affectés par un chômage dramatique depuis tout aussi longtemps.
C’est en cela qu’à côté du test néerlandais et avant les élections allemandes d’octobre, les Présidentielles françaises pourraient vraiment susciter une forte tempête sur les marchés obligataires et boursiers, produisant par là même des réactions en chaînes sur l’économie et l’existence même de la zone euro.
Considérons ainsi les programmes des cinq principaux candidats à l’élection présidentielle et essayons de mesurer l’impact d’une victoire de chacun de ces derniers, sans parti pris politicien mais uniquement sur la base du bon sens économique. Avant tout, il faut être clair : quelle que soit l’issue des Présidentielles, le taux d’intérêt à dix ans des obligations de l’Etat français remonteront et le Cac 40 reculera d’ici l’été prochain. Reste donc à savoir quel choix sera le moins « coûteux ».
Comme je l’ai déjà écrit dans « La fin d’un monde » et avant même qu’il gagne les primaires de la droite et du centre, François Fillon reste le seul à proposer une thérapie de choc pour l’économie française, avec réformes structurelles et assainissement budgétaire, garants d’une croissance durablement plus forte.
Sur le plan de la fiscalité, la réduction envisagée du taux d’impôt sur les sociétés améliorerait les marges des entreprises, soutenant ainsi le marché des actions. En revanche, le relèvement envisagé du taux de TVA ne manquera pas de jouer négativement sur l’activité et in fine sur les finances publiques, dont l’assainissement se sera pas si fort qu’escompté. Au final, le taux d’intérêt de l’OAT 10 ans devrait avoisiner 1,5 % d’ici la fin 2017, contre près de 1% actuellement. Quant au Cac 40, il reculera d’environ 10 % d’ici l’automne, mais plus pour des raisons de dégonflement de bulle qu’en lien avec la politique française.
Quelques degrés au-dessus sur l’échelle des coûts financiers et économiques, l’élection d’Emmanuel Macron risque de susciter un océan de déceptions. D’ores et déjà, pour ceux qui refusent l’aveuglement collectif, les mesures envisagées par le leader d’En Marche sont des « réformettes ». Autrement dit, il s’agit d’un programme « camomille » qui s’apparentera à du « Hollande bis », visant à “améliorer à la marge le système sans bouger les lignes. Sur les entreprises, il ne propose d’ailleurs pas grand-chose et demeure très flou sur la réforme des retraites et leur financement. Avec lui, il n’y aura ni rebond de la croissance, ni assainissement budgétaire. La fuite en avant continuera, avec des déficits publics et une dette qui resteront élevés. Du coup, les taux d’intérêt pourraient se hisser à 2 %, voire 2,5% d’ici le début 2018, ce qui affectera nettement les marchés d’actions.
La punition sera évidemment plus salée en cas de victoire de Benoît Hamon. Ce dernier demeure certes attaché à la construction européenne, mais n’est pas vraiment en faveur de la libre entreprise et souhaite d’ailleurs une pression fiscale accrue sur les sociétés, ce qui rognera évidemment leurs marges. Par ailleurs, le revenu universel envisagé, qui aura un coût, non financé, d’au moins 350 milliards d’euros, creuserait de façon spectaculaire le déficit public. Son accession au pouvoir ferait perdre au moins 15 % au Cac 40 en quelques semaines. Sur la durée, les taux d’intérêt à dix ans pourraient grimper à plus de 3 %, avec un impact négatif sur la croissance économique et l’emploi à la clé.
Mais ce ne serait encore pas grand-chose à côté d’une victoire de Marine Le Pen ou de Jean-Luc Mélenchon. Fini la protection de la zone euro pour maintenir les taux d’intérêt au plus bas, sans parler du saut dans l’inconnu, de l’augmentation d’une pression fiscale déjà historiquement élevée, et bien sûr de la fuite des capitaux. Le Cac 40 pourrait rapidement dévisser de 20 %, et bien davantage à moyen terme. Les taux d’intérêt à dix ans pourraient grimper à 8 %, voire au-delà de 10 %, avec un impact très négatif sur les finances des ménages et des entreprises, donc un effondrement de la consommation, de l’investissement et de l’emploi.
Et arguer du peu de conséquences négatives (pour l’instant) du vote en faveur du Brexit et de la victoire de Trump pour défendre qu’un Fraxit ne produirait pas de cataclysme est une gageure. Et pour cause : le Royaume-Uni et les Etats-Unis resteront une entité à part entière quoiqu’il arrive. Et ce d’autant qu’ils bénéficient d’une croissance structurelle soutenue (environ 2,5 %) et d’une situation de plein-emploi. De même, avec ou sans Trump, les Etats-Unis, et dans une moindre mesure le Royaume-Uni, continueront de disposer d’une monnaie crédible qui n’est pas près de disparaître.
Des réalités qui sont loin d’être celles de la France et de la zone euro, qui, de ce fait, auront énormément de mal à digérer les prochaines échéances électorales. Bonne chance !
Marc Touati