Conformément à mon souci permanent de transparence et d’honnêteté, je dois avant tout vous avouer qu’en 25 ans de métier et de réalisation de prévisions, je n’ai jamais eu autant de mal à établir celles de 2021. Et ce, pour la bonne et simple raison que la situation sanitaire est tellement instable et imprévisible qu’il devient presqu’impossible de réaliser des prévisions fiables.
En effet, tout dépendra de l’efficacité des vaccins et de la rapidité de la sortie de la pandémie. Devant la triste situation de la France qui se paie le luxe d’être numéro un mondial des dépenses publiques, tout en étant bon dernier sur le front de la vaccination, il y a évidemment de quoi être inquiet.
Pour autant, si nous n’avons cessé de dénoncer l’amateurisme avec lequel de trop nombreux dirigeants à travers le monde et notamment en France ont géré et gèrent encore actuellement cette crise dramatique, il est primordial de garder l’espoir. Ainsi, en souhaitant que les vaccins fonctionneront bien, seront diffusés à l’ensemble des populations et que, ce faisant, nous sortirons progressivement et le plus rapidement possible de cette insupportable pandémie, il redevient envisageable d’établir des prévisions pour les économies de la planète et notamment pour celle de la France.
Tout d’abord, compte tenu de la chute du PIB enregistrée en 2020 dans la quasi-totalité des pays du globe, à l’exception notable de la Chine, et en supposant qu’une nouvelle pandémie sur laquelle les vaccins n’auraient pas prise sera évitée, un rebond technique et correctif est devenu presque mécanique.
Ainsi, après avoir baissé de 4,1 % l’an passé (sa plus mauvaise performance depuis la fin de la seconde Guerre Mondiale), le PIB planétaire devrait logiquement rebondir d’environ 5,4 % en 2021 selon nos prévisions.
Et cette année, sauf nouvelle catastrophe imprévue, tous les pays du globe (sauf de très rares exceptions non-significatives) devraient enregistrer une variation positive de leur PIB.
Cependant, comme en 2020 et comme cela s’observe d’ailleurs depuis une vingtaine d’années, la palme de la croissance internationale devrait revenir à la Chine. Son PIB devrait ainsi bondir de 9 % en moyenne sur 2021. Berceau de la pandémie, l’Empire du milieu confirmera donc son titre de grand gagnant de la crise. Il confortera également par la même occasion son rôle de première locomotive de l’économie mondiale, puisque sa contribution à la progression du PIB planétaire sera d’environ 1,7 point.
Habituellement troisième locomotive économique de la planète, les Etats-Unis devraient temporairement gagner une place en 2021. En effet, compte d’une croissance de 5,1 % (après – 3,6 % en 2020), leur contribution à la croissance mondiale devrait avoisiner 0,8 point.
L’Oncle Sam devrait être suivi par l’Inde et la zone euro, qui, avec des croissances de respectivement 7 % et 4,4 % devraient contribuer toutes deux à hauteur de 0,5 point à la progression du PIB planétaire.
La contribution des Dragons (Corée du Sud, Hong Kong, Singapour, Taïwan) et Tigres (Indonésie, Malaisie, Philippines, Thaïlande) d’Asie devrait être identique, grâce à une croissance globale de l’ordre de 6 %.
Avec une croissance de 4 %, l’Afrique devrait fournir une contribution de 0,4 point. Quant à l’Amérique Latine, elle devrait afficher des performances de respectivement 3 % et 0,2 point.
Enfin, comme d’habitude, le Japon fermera la marche, avec une contribution de seulement 0,1 point, obtenue grâce à une croissance de 3,3 %.
Face à ces reprises certes techniques, mais tout de même appréciables, il est clair que le caractère excessivement accommodant des politiques budgétaires et monétaires ne pourra plus être maintenu. Dès lors, compte tenu de l’énormité des dettes publiques dans la très grande majorité des pays, notamment dans le monde développé, une remontée des taux d’intérêt des obligations d’Etat deviendra inévitable, ce qui se traduira par un resserrement des conditions de crédits et une limitation du rythme de la croissance pour la fin 2021.
De plus, de par l’arrêt progressif des « planches à billets » des banques centrales et face au retour d’un certain « juste prix » en matière de taux d’intérêt des dettes publiques, les marchés boursiers devraient calmer leurs ardeurs des derniers mois.
En conclusion : Oui, en 2021, nous sortirons de la récession ! Mais ne rêvons pas : les excès passés et actuels tant en matière de dette publique que de « planches à billets » resteront lourds de conséquences et freineront la reprise. Dans ce cadre, pour retrouver le PIB d’avant-crise, cela prendra du temps, en particulier dans l’Hexagone.
Certes, en 2021, le PIB français devrait croître de 4,2 %. Mais cela sera évidemment hautement insuffisant pour compenser les – 9,6 % de 2020.
Aussi, selon nos estimations et dans le meilleur des cas (en l’occurrence un fort rebond au premier semestre 2021, puis une stabilisation de la croissance française autour des 2,5 %, hypothèse très optimiste lorsque l’on sait que la croissance structurelle nationale avoisine au mieux 1 %), le PIB français ne retrouvera son niveau d’avant-crise (c’est-à-dire du quatrième trimestre 2019) qu’en… 2024. Pour enfin sortir du tunnel, il faudra donc s’armer de patience…
Marc Touati