Lorsqu’il y a presqu’un an, le 3 janvier 2020 précisément, je présentais dans ces même colonnes mes prévisions et celle des équipes d’ACDEFI pour l’année à venir en titrant mon « Humeur » : « 2020, l’année de tous les dangers… », nous étions toutes et tous très loin d’imaginer que la réalité serait pire qu’un cauchemar. De même, lorsque le 24 janvier, à l’approche du nouvel an chinois, j’écrivais « L’année du rat de métal risque de faire mal… », j’étais encore loin du compte… A l’époque, le « Coronavirus de Wuhan » commençait tout juste à faire parler de lui et j’annonçais qu’il pourrait enlever quelques dixièmes de point à la croissance mondiale, attirant parfois des critiques sarcastiques…
Et pourtant ! Non seulement cette « grosse grippe », comme l’appelaient alors certains médecins et spécialistes, est devenue une pandémie mondiale, tuant officiellement 1,805 million de personnes à travers la planète (au 30 décembre 2020), mais, en plus, elle a entraîné une dépression économique internationale sans précédent depuis la seconde guerre mondiale. Le drame est que le plongeon du PIB n’est pas un simple chiffre, il se traduit immanquablement par des faillites d’entreprises, des destructions d’emplois massives et une flambée du chômage.
Parallèlement, pour essayer d’éteindre l’incendie, les dirigeants politiques et monétaires de la planète ont engagé une relance exceptionnelle tant par sa rapidité que par son ampleur. Le problème est qu’avant même le début de la pandémie, la « planche à billets » avait déjà été utilisée excessivement et les dettes publiques atteignaient déjà des niveaux stratosphériques (à part dans certains et rares pays tels que les Pays-Bas et l’Allemagne). Dès lors, il ne faut pas se leurrer : cette débauche de moyens ne constitue qu’une « fuite en avant », destinée à sauver les meubles, mais incapable d’engendrer une croissance forte et durable, principalement dans les pays déjà anesthésiés depuis des années par une dette publique et un soutien monétaire autant pléthoriques qu’inefficaces.
Mais malheureusement, comme disait feu Jacques Chirac, « les problèmes (ou plutôt les « emmerdes » pour reprendre l’expression exacte) c’est comme les oiseaux migrateurs, ça vole toujours en escadrille ». Ainsi, en plus de la pandémie, de la mauvaise gestion sanitaire de cette dernière qui a notamment débouché sur deux confinements extrêmes, qui ont eux-mêmes alimenté une récession historique, qui, à son tour, est en train de susciter de nombreuses faillites d’entreprises et un chômage massif, l’année 2020 a aussi été marquée par des émeutes sociales et des attentats, notamment dans notre « douce France », ce qui n’a évidemment pas arrangé l’activité économique.
En résumé, en 2020, en dépit des moyens pléthoriques déployés par les Etats et les banques centrales, la quasi-totalité des pays de la planète a subi une chute historique du PIB : – 3,6 % aux Etats-Unis, – 6,3 % au Japon, – 6,5 % en Allemagne, – 7,5 % en Inde, – 8,0 % pour l’ensemble de la zone euro, – 9,6 % en France, – 10,2 % en Italie, – 11,2 % au Royaume-Uni et – 12,5 % en Espagne.
Compte tenu de ces récessions dramatiques, les taux de chômage, les déficits publics et les ratios dettes publiques / PIB ont flambé. Pour la France, ils ont vraisemblablement atteint fin 2020 des niveaux affolants de respectivement 10 %, 12 % et 125 %.
En fait, en 2020, seul un grand pays du globe n’a pas subi de baisse annuelle de son PIB. Et non des moindres puisqu’il s’agit de celui par lequel tout a commencé, en l’occurrence la Chine. « L’Empire du milieu » s’est ainsi payé le double luxe d’afficher une croissance économique annuelle d’environ 2 % et de réaliser un record historique d’excédent commercial à 75,4 milliards de dollars sur le seul mois de novembre 2020. Autrement dit, la Chine est d’ores et déjà la grande gagnante de la crise.
C’est d’ailleurs grâce à elle que la baisse annuelle du PIB mondial n’a été « que » de 4,1 % en 2020. Grâce à ce « moindre mal » et aux « planches à billets » excessives des banques centrales à travers le monde, les marchés boursiers font également partie des relatifs gagnants de l’année 2020, avec en tête de pont, les GAFAM et les valeurs du numérique au sens large. Entre son plancher de mars et son sommet de septembre, le cours de l’action Amazon a par exemple bondi de 115 %. Sur l’ensemble de l’année 2020, en dépit de prises de bénéfices logiques en fin d’année, il affiche une progression de 77,8 %, ce qui porte son ascension à 1 600 % depuis 2012…
La palme de l’augmentation annuelle des GAFAM revient néanmoins à Apple, avec une flambée de 82,2 % et une capitalisation boursière de 2 270 milliards de dollars, soit environ 170 milliards de dollars de plus que la valeur boursière de toutes les entreprises du Cac40.
Mais il y a encore plus fou : sur l’ensemble de l’année 2020, le cours de Tesla a effectivement explosé de 730 %. La capitalisation boursière de l’entreprise d’Elon Musk atteint désormais 659 milliards de dollars et son Price Earning Ratio est de 1 376 !
Autrement dit, 2020 n’a pas été un « an foiré » pour tout le monde…
Le problème fondamental est que la crise de 2020 n’a pas éradiqué les excès des années précédentes, mais les a au contraire renforcés : hégémonie grandissante de la Chine, surpuissance des GAFAM, regonflement des bulles boursières et obligataires, explosion des dettes publiques sans retour de la croissance forte et durable à la clé, augmentation de la pauvreté, réduction des libertés…
Il ne reste donc plus qu’à souhaiter qu’après tous ces dérages lourds de conséquences malheureusement durables, un RESET positif se produira en 2021. Mais ne rêvons pas : le « jeu » qui s’offre à nous sera difficile et nous imposera d’être encore plus combatif. Comme le dit le proverbe danois : « La vie ne consiste pas simplement à avoir un bon jeu. La vie, c’est parfois de bien jouer malgré un mauvais jeu ». Espérons donc que si 2020 a été un an foiré, 2021 sera un an joué…
Marc Touati