La croissance chinoise se stabilise sur des plus bas depuis 1990.

Dans le prolongement de la tendance insufflée depuis le second semestre 2017, l’économie chinoise continue de ralentir progressivement, mais sûrement. Depuis la fin 2018, une nouvelle norme semble cependant s’imposer, avec une décélération de plus en plus marquée.

Bien entendu, après avoir enregistré une progression de son PIB réel (c’est-à-dire sans inflation) de 3 261 % de 1980 à 2019, un ralentissement de l’économie chinoise est tout à fait logique, voire salutaire.

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PIB chinois : les arbres ne montent pas au ciel…

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Sources : FMI, ACDEFI

De plus, avec un niveau d’encore 6,0 % au quatrième trimestre 2019, le glissement annuel du PIB chinois demeure appréciable.

De même, avec un tel niveau, la Chine demeure sans conteste la locomotive de la croissance mondiale, devant l’Inde et les Etats-Unis.

Ainsi, sur l’ensemble de l’année 2019, sur une croissance mondiale de l’ordre de 2,8 %, la Chine y a contribué à hauteur de 1,2 point, l’Inde de 0,5 point et les Etats-Unis de 0,4 point. Et ce, grâce à des progressions annuelles moyennes du PIB de respectivement 6,2 %, 5,1 % et 2,3 %, contre des performances 2018 de 6,6 %, 7,3 % et 2,9 %. Autrement dit, si le ralentissement est généralisé, la Chine est le pays qui décélère le moins en 2019. Soulignons néanmoins qu’avec un niveau de 6,2 %, la croissance annuelle moyenne chinoise atteint un plus bas depuis 1990.

Des résultats qui, comme nous le verrons plus loin, devraient être de la même veine pour l’année 2020, avec d’ailleurs une aggravation du ralentissement généralisé à l’ensemble de la planète.

 

La Chine reste la locomotive incontestée de la croissance mondiale, suivie tant bien que mal par l’Inde et les Etats-Unis.

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Sources : NBSC, BEA, Mospi, ACDEFI

Mais, la réalité est là : l’économie chinoise ne parvient plus à accélérer et doit se contenter d’un ralentissement en douceur inévitable.

S’il n’y a évidemment pas péril en la demeure, notamment parce que le taux de chômage se stabilise à 4,0 %, il faut néanmoins noter que la croissance de l’Empire du milieu est inférieure à celle qui prévalait en 2009 et que, parallèlement, l’inflation a flambé à 4,5 %, un plus haut depuis janvier 2012.

Chine : 6,0 % de croissance pour 4,5 % d’inflation.

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Sources : NBSC, ACDEFI

Plus problématique, le glissement annuel des prix à la production s’est effondré depuis un an, pour se maintenir en territoire négatif depuis juillet 2019.

Cette déflation des prix à la production confirme que l’industrie chinoise souffre dangereusement.

L’écart entre la déflation industrielle et la forte hausse des prix à la consommation reste inquiétante.

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Sources : NBSC, ACDEFI

De même, après un rebond correctif à l’automne 2018, l’excédent commercial chinois est reparti à la baisse, se stabilisant autour d’un niveau annuel de 450 milliards de dollars.

C’est certes mieux que les 356 milliards de dollars qui prévalait en février dernier, mais bien loin des sommets de 600 milliards qui prévalaient encore en 2015.

L’excédent commercial chinois sur douze mois se stabilise autour des 420 milliards de dollars, contre 600 milliards en 2015.

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Sources : NBSC, ACDEFI

De plus, en dépit d’une récente amélioration, les glissements annuels de la production industrielle et des ventes au détail sont restés relativement bas en décembre à respectivement 6,9 % et 8 %, contre 8 % et 10 % en moyenne au cours des trois années précédentes et autour des 15 % avant la crise de 2015.

La production industrielle et les ventes au détail résistent sans briller.

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Sources : NBSC, ACDEFI

En outre, comme nous l’évoquions la semaine dernière dans ces mêmes colonnes, les indicateurs avancés de la croissance chinoise (et notamment les indices Caixin des directeurs d’achat) confirment que cette dernière devrait continuer d’être freinée, en particulier à cause de l’atonie industrielle.

La poursuite du ralentissement chinois est inévitable.

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Sources : NBSC, Caixin, ACDEFI

Parallèlement, si l’activité dans les services résiste, la croissance chinoise aura néanmoins du mal à ne pas passer sous les 6 % d’ici l’été prochain.

Au total, si dans leur ensemble, les résultats de l’économie chinoise sont encore loin d’être catastrophiques, ils montrent que celle-ci est fragilisée. Conséquence logique de ces inquiétudes, après une forte dépréciation en 2018, puis une remontée temporaire depuis 2019, le yuan se stabilise autour des 6,90 pour un dollar.

A cet égard, rappelons que le niveau d’équilibre de la devise chinoise selon la parité des pouvoirs d’achat entre les Etats-Unis et la Chine est de 3,5 yuans pour un dollar. C’est dire l’ampleur de la sous-évaluation chronique du renminbi.

La dépréciation du yuan/dollar, meilleure arme protectionniste de l’Empire du milieu.

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Sources : NBSC, ACDEFI

En fait, la relative faiblesse du yuan constitue la meilleure arme protectionniste de la Chine.

Et si cela ne suffit pas, elle dispose d’une arme encore plus puissante. En l’occurrence, ses réserves de changes. Avec un niveau actuel de 3 095 milliards de dollars, l’Empire du milieu pourra donc de nouveau y puiser pour soutenir sa croissance économique (comme elle l’a d’ailleurs déjà fait avec succès en 2015).

Les réserves de change chinoises se stabilisent autour des 3 100 milliards de dollars.

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Sources : NBSC, ACDEFI

Pour autant, ne rêvons pas : en dépit des récents « accords » et des sourires de façade, la guerre commerciale internationale s’intensifiera inévitablement au cours des prochaines années.

Pour toutes ces raisons, nous confirmons nos prévisions d’une croissance chinoise de 6 % en moyenne sur l’ensemble de l’année 2020. Dans le même temps, celle de l’Inde devrait avoisiner 4,7 %. Quant à la croissance aux Etats-Unis et dans la zone euro, elle devrait atteindre respectivement 1,5 % et 0,9 %.

Dans ce cadre, il est clair que la croissance mondiale peinera à atteindre notre prévision de 2,4 % cette année.

De quoi rapidement calmer les ardeurs des marchés boursiers qui, depuis quelques mois recommencent à croire au Père Noël, c’est-à-dire à obérer les réalités économiques, politiques et financières internationales. Comme en février et à l’automne 2018 et a fortiori fin 2008 et début 2009, le réveil sera douloureux…

Marc Touati