Il y a parfois des années où nous préférerions que nos prévisions ne se réalisent pas. Comme en 2008-2009 ou en 2018, nous nous trouvons dans cette situation pour l’année 2020. Avec peut-être un degré supplémentaire d’inquiétude, dans la mesure où les dirigeants politiques et monétaires de la planète ne disposent plus de marge de manœuvre en matière de relance budgétaire et monétaire.
Ainsi, à la différence de la crise de 2008-2009 qui a pu être circonscrite en partie grâce à une relance mondiale pharaonique, celle qui a commencé en 2018, qui a marqué un temps d’arrêt en 2019 et reprendra de plus belle en 2020 ne pourra pas être contrecarrée par une telle débauche de moyens.
Et pour cause : les taux monétaires sont déjà à zéro, la « planche à billets » a déjà été utilisée, avec le peu de résultats que l’on sait, notamment dans la zone euro, et les dettes publiques sont stratosphériques.
Dans ce contexte difficile, seuls les pays disposant de réserves de changes et/ou budgétaires et/ou monétaires conséquentes (en fait, principalement la Chine et, dans une moindre mesure, l’Allemagne et les Etats-Unis) pourront tirer leur épingle du jeu.
Pour toutes ces raisons, nous sommes donc contraints d’annoncer que l’année 2020 sera plus difficile que 2019. En fait, elle sera la plus compliquée depuis 2009. Car, si la récession mondiale sera vraisemblablement évitée, tous les pays du globe ralentiront nettement. Et ce, tant dans le monde « émergent » que pour les pays dits développés.
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Chine, Inde, Amérique Latine, ralentissement pour tout le monde émergent…
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Sources : FMI, Prévisions ACDEFI
Pour 2020, nous tablons ainsi sur une croissance annuelle de 6 % en Chine, 4,7 % en Inde 1 % pour l’ensemble de l’Afrique et du Moyen-Orient et 0,1 % pour l’Amérique Latine. Des prévisions qui, au regard des dernières évolutions politiques et sociétales, notamment en Argentine, en Inde ou encore à Hong-Kong, sont plutôt de nature optimiste.
Autrement dit, ne nous berçons pas d’illusions, l’accentuation du ralentissement de la croissance mondiale, entamé en 2019, est inévitable en 2020. C’est d’ailleurs ce qu’ont encore confirmé les enquêtes des directeurs d’achat à travers la planète pour le mois de décembre.
L’industrie mondiale toujours en souffrance.
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Sources : Markit, ACDEFI
Même si tous les indices de décembre n’ont pas encore été publiés, la messe est déjà dite : la récession industrielle s’impose dans de plus en plus de pays, à la fois dans le monde émergent et au sein des pays développés.
Autrement dit, en 2020 et comme cela s’observe d’ailleurs depuis une quinzaine d’années, ces derniers seront incapables de prendre le relais des pays émergents dans la tractation de la croissance mondiale vers le haut.
Certes, il sera toujours possible de consacrer des taux directeurs négatifs ou encore d’engager de nouvelles phases de « quantitative easing », mais dans un contexte de « trappe à liquidités », cela ne servira pas à grand-chose.
A la rigueur, aux Etats-Unis, la Fed pourra encore abaisser son taux objectif des federal funds. Cela sera tout juste suffisant pour faire de l’économie américaine la locomotive du monde développé, mais hautement insuffisant pour lui éviter une nouvelle année de ralentissement. Après avoir atteint 2,9 % en 2018, puis 2,3 % en 2019, la croissance américaine devrait reculer vers 1,5 % en 2020.
La Fed ne pourra pas éviter le ralentissement de la croissance américaine.
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Sources : BEA, Fed, ACDEFI
Piètre consolation pour les Etats-Unis, ils ne sont pas les seuls à subir ce manque d’efficacité. Ainsi, en dépit du soutien massif de la BCE, la croissance de la zone euro est et restera encore plus faible que celle de l’Oncle Sam.
Elle tombera effectivement de 1,9 % en 2018 à 1,1 % en 2019 et 0,9 % en 2020.
Un résultat qui sera tout juste supérieur à celui du Japon. En effet, en dépit d’une énième relance budgétaire, qui sera d’ailleurs tout aussi inefficace que les précédentes, l’économie nipponne devrait rester proche de la récession et de la déflation.
Elle enregistrera ainsi une croissance d’environ 0,7 % en 2020, après 1 % en 2019, avec une inflation de respectivement 0,3 % et 0,4 %, contre par exemple 1 % en 2018.
La zone euro et le Japon resteront les lanternes rouges du monde développé.
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Sources : BEA, Eurostat, BoJ, Prévisions ACDEFI
Le ralentissement de la zone euro sera généralisé à l’ensemble de ses Etats membres.
A commencer par ses trois premières économiques, en l’occurrence, l’Allemagne, la France et l’Italie. Après une année 2019 déjà très difficile (en particulier outre-Rhin et au-delà des Alpes, la France n’ayant limité les dégâts que grâce au dérapage de son déficit public), 2020 se présente effectivement sous de bien mauvais auspices. Selon nos prévisions, la croissance devrait atteindre 0,5 % en Italie, 0,7 % en Allemagne et 0,8 % en France.
Des anticipations qui sont, là aussi, optimistes dans la mesure où elles font l’hypothèse (forte !) que l’instabilité sociétale ne sera pas plus forte cette année qu’en 2019…
L’Allemagne, l’Italie et la France au bord de la récession en 2020.
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Sources : Eurostat, INSEE, Destatis, Prévisions ACDEFI
D’ores et déjà, les enquêtes des directeurs d’achat des six derniers mois et a fortiori celles de décembre ont été catastrophiques pour les principales industries de l’UEM. A l’exception de la Grèce, tous les pays de la zone euro sont en récession industrielle ou la frontière. Et ce, y compris les anciennes locomotives telles que les Pays-Bas, l’Autriche, l’Irlande ou encore l’Espagne.
L’Allemagne et l’Italie continuent de s’engoncer dans le marasme industriel. Quant à la France, après un mois de novembre de répit, elle retrouve également le chemin de la baisse de l’activité industrielle.
La récession industrielle perdure dans la zone euro.
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Sources : Markit, ACDEFI
Au total, nous révisons notre prévision de croissance mondiale pour 2020 à 2,4 %, soit 0,1 point de moins que lors de notre première estimation d’octobre dernier.
Dans ce cadre, en dépit d’un léger rebond correctif, les cours des matières premières demeureront modérés. Quant au baril de brent, il devrait se stabiliser entre 65 et 70 dollars sur l’ensemble de l’année, avec certainement des pics vers les 80 dollars liés aux inévitables soubresauts autour des pays du Golfe persique.
Vers une stabilisation des cours du brent entre 65 et 70 dollars le baril, avec des pics vers les 80.
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Sources : FMI, prévisions ACDEFI
Ce relatif calme des cours des matières premières permettra d’éviter un effondrement de la croissance, notamment dans les pays développés, mais alimentera la morosité de l’activité dans les pays producteurs de ces « commodities », en particulier dans le monde émergent.
Au total, compte tenu du ralentissement de la croissance mondial et des nombreux risques environnants, il est clair que les marchés boursiers resteront très chahutés.
Vers une nette correction des marchés boursiers.
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Sources : FMI, prévisions ACDEFI
La politique ultra-accommodante des banques centrales permettra certainement d’éviter le pire, mais la volatilité restera forte, avec, au creux de la vague (c’est-à-dire d’ici l’été), une baisse d’environ 20 % des grands indices boursiers occidentaux.
La bulle obligataire va-t-elle enfin se dégonfler ?
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Sources : Eurostat, ACDEFI
Une correction qui pourra se transformer en krach si, après tant d’années d’aveuglement, les investisseurs se rendent enfin compte de la dangerosité de l’augmentation des dettes publiques à travers le monde et consacrent des taux d’intérêt des obligations d’Etat plus normaux, donc bien plus élevés qu’actuellement…
Marc Touati
Prévisions de croissance mondiale et risques pour 2020 :
De 2,8 % en 2019 à 2,4 % en 2020.
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Sources : FMI, Prévisions ACDEFI
Les risques n’ont jamais été aussi élevés depuis 2009.
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Source : ACDEFI