Même si l’année 2019 est loin d’être terminée et risque de nous réserver encore pas mal de soubresauts, il nous faut déjà penser à 2020. En effet, pour beaucoup de banques, d’entreprises et d’investisseurs au sens large, 2019 est presque du passé et toutes les inquiétudes sont portées sur 2020. D’autant que le récent yoyo des marchés financiers et la forte baisse des indicateurs avancés de la conjoncture internationale ont rappelé que les risques étaient élevés et que, par là même, la bonne santé de l’économie mondiale était menacée.
De plus, comme nous l’annoncions il y a un an et encore au début de cette année, un peu seuls contre tous, 2019 a bien consacré un net ralentissement de la croissance mondiale. Même l’OCDE et le FMI viennent de reconnaître leurs erreurs et ont revu leurs prévisions à la baisse tant pour 2019 que pour 2020.
Certes, comme nous l’anticipions également, l’année 2019 n’a pas été catastrophique. Et pour cause : la Chine et les Etats-Unis ne se sont pas (encore !) effondrés, comme beaucoup le prévoyaient, les pays émergents (à l’exception de l’Argentine, de la Turquie et de certains pays asiatiques) ont résisté, si bien que la croissance mondiale est restée appréciable. Pour autant, déjà amorcé en 2018, le ralentissement de la marche des affaires internationale s’est bien accentué en 2019. Même l’Oncle Sam, qui avait pourtant bien tiré son épingle du jeu en 2018 grâce à la forte baisse de la pression fiscale, commence à ralentir significativement. La croissance de l’économie américaine devrait ainsi passer de 2,9 % en 2018 à 2,2 % cette année.
Encore plus bas sur l’échelle du dynamisme économique, la progression du PIB de la zone euro devrait tomber à 1,0 % cette année, contre 1,9 % en 2018 et 2,6 % en 2017. Quant à celle du Japon, elle restera molle à environ 1,0 %, après 0,8 % en 2018. Même la croissance chinoise devrait continuer de reculer passant de 6,9 % en 2017 à 6,6 % en 2018 et 6,2 % cette année. Quant à celle de l’Inde, après être remonté à 7,3 % en 2018, elle devrait reculer vers 6,0 % en 2019.
Au total, après avoir atteint 3,8 % en 2017, un plus haut depuis 2011, puis 3,5 % en 2018, la croissance mondiale devrait reculer à 2,8 % cette année. Elle repassera donc nettement sous sa moyenne de long terme, en l’occurrence 3,5 %, et atteindra même un plus bas depuis 2009.
Le problème est que la situation ne va malheureusement pas s’arranger en 2020. Et pour cause : le fort ralentissement et a fortiori la baisse très probable du commerce mondial vont mécaniquement peser sur la marche des affaires internationales. Et ce d’autant que tous les moyens de politiques économiques ont déjà été utilisés, rendant presque impossible une relance à l’échelle planétaire, comme cela avait été pratiqué en 2009-2010.
Il n’y a guère que trois pays qui pourront limiter les dégâts. Primo, l’Allemagne qui, grâce à ses efforts des dernières années, dispose d’un excédent public et pourra ainsi relancer la machine. Secundo, les Etats-Unis, puisque la Fed pourra encore baisser son taux objectif des federal funds, qui est actuellement à 2 %, contre par exemple un taux refi de 0 % dans la zone euro. Tertio, la Chine, qui pourra puiser notamment dans ses 3 000 milliards de dollars de réserves de change pour éviter une récession.
Pour autant, ne rêvons pas : le retour de la croissance forte n’est ni pour demain, ni pour après-demain, y compris pour ces trois pays. Ainsi, compte tenu d’un manque de confiance criant et du ralentissement de l’économie internationale, l’économie allemande, qui est d’ailleurs en train d’entrer en récession, va continuer de souffrir. Après être déjà tombée de 2,8 % en 2017 à 1,6 % en 2018, sa croissance devrait encore chuter à 0,6 % en 2019, pour difficilement rebondir à 0,9 % en 2020.
Quant à la zone euro, sa croissance devrait également tomber à 0,9 % l’an prochain. Un résultat évidemment décevant, mais finalement logique lorsque l’on sait que son rythme structurel est d’environ 0,8 %. Autrement dit, la reprise de la « planche à billets » n’y changera rien. Comme le dit la sagesse populaire « on ne donne pas à boire à un animal qui n’a pas soif… ». Et ce d’autant que l’éclatement de nouvelles crises politiques reste très probable dans de nombreux pays de l’UEM, et notamment en Italie et en Espagne.
En ce qui concerne la France, après avoir évité le pire en 2018-2019, grâce à un dangereux dérapage de ses finances publiques, sa croissance devrait très vite repartir à la baisse, passant de 2,4 % en 2017, puis 1,7 % en 2018, à 1,1 % cette année et 0,9 % en 2020, soit exactement son niveau structurel.
Aux Etats-Unis, compte tenu de l’inévitable fin du cycle actuel, le plus long de l’histoire américaine, la progression annuelle du PIB devrait reculer vers 1,5 % en 2020. Du côté des pays émergents, la décélération sera également de mise. La progression du PIB devrait ainsi atteindre 6 %, voire légèrement moins, tant en Chine qu’en Inde. Et malheureusement, la croissance en Argentine et au Brésil restera molle, avec des niveaux de respectivement 0 % et 1,5 %.
Au total, après avoir nettement baissé en 2019, la croissance mondiale devrait encore reculer en 2020. Selon nos estimations, elle atteindra 2,5 %, un nouveau plus bas depuis 2009.
Des prévisions qui restent d’ailleurs optimistes, dans la mesure où elles supposent que de nouveaux risques ne viendront pas les contrecarrer. Parmi ceux-ci, citons notamment une nouvelle crise existentielle de la zone euro, des dérapages sociétaux en Italie, en Espagne et en France, ou encore une destitution de Donald Trump aux Etats-Unis. Dans le même temps, une crise de la dette privée en Chine, de nouveaux dérapages liés au Brexit ou encore et malheureusement, des risques d’attentats et de crises géopolitiques demeurent des dangers majeurs qui pourraient affaiblir la croissance mondiale. En conclusion, 2020 sera forcément bien plus difficile que 2019, qui est déjà bien moins favorable que 2018 et 2017.
Marc Touati