Il y a encore quelques mois, il ne s’agissait que d’une prévision que nous établissions un peu seuls contre tous. Aujourd’hui, c’est malheureusement devenu une réalité : l’industrie mondiale est tombée en zone de récession.
C’est du moins ce qu’indique l’évolution des indices PMI des directeurs d’achat à travers la planète. Et pour cause : en mai, l’indice PMI de l’industrie mondiale est tombé sous la barre des 50, à 49,8 précisément, un plus bas depuis octobre 2012.
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35 pays en récession industrielle ou à la frontière.
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Sources : Markit, ACDEFI
On recense désormais 21 pays en récession industrielle, 11 tout juste à la frontière, c’est-à-dire avec des indices PMI inférieurs à 51 et 3 autres qui en sont tout proches. Non, vous ne rêvez pas : 35 pays sont actuellement en grave difficulté industrielle.
Parmi les grands pays, c’est-à-dire ceux qui contribuent significativement à la croissance mondiale, seul un a connu une amélioration de son activité industrielle en mai. Il s’agit de l’Inde, dont l’indice Nikkei PMI « Industrie » a progressé de 0,9 point en mai. Cependant, avec un niveau de 52,7, il reste encore inférieur de 1,6 point à celui de février dernier.
Inde : l’industrie résiste, mais les services replongent vers la récession.
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Sources : Mospi, Nikkei, ACDEFI
Beaucoup plus inquiétant, l’indice Nikkei « Services » a encore baissé de 0,8 point en mai. Depuis novembre dernier, il subit ainsi une chute de 3,5 points. Avec un niveau de 50,2, il se rapproche dangereusement de la zone de récession et atteint désormais un plus bas depuis mai 2018. Autrement dit, après avoir déjà nettement reculé depuis le troisième trimestre 2018, le glissement annuel du PIB indien devrait encore régresser pour avoisiner les 6 % sur l’ensemble de l’année 2019.
Il n’y a certes rien de dramatique, mais, l’Inde étant la deuxième locomotive de la croissance mondiale, derrière la Chine, il est clair que ce net ralentissement produira des effets négatifs non seulement en Asie, mais également sur l’ensemble de l’activité internationale. Pour ne rien arranger, la Chine a également connu un mois de mai assez difficile sur le front des indicateurs des directeurs d’achat.
Chine : le ralentissement se poursuit.
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Sources : NBSC, Caixin, ACDEFI
En effet, l’indice Caixin PMI a stagné à 50,2 dans l’industrie et a reculé de 1,8 point dans les services, à 52,7. Là aussi, rien de catastrophique, mais des évolutions qui confirment que la croissance chinoise devrait également se stabiliser autour des 6 % cette année.
Et il y a malheureusement bien pire. Ainsi, en mai, les indices PMI des directeurs d’achat ont fortement régressé au Brésil. Avec des niveaux de 50,2 dans l’industrie et 47,8 dans les services, ils montrent que l’embellie de 2017-2018 est déjà terminée.
Brésil : l’embellie de 2017-2018 est déjà terminée.
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Sources : IBGE, Markit, ACDEFI
Après avoir déjà reculé à 0,5 % au premier trimestre 2019 (contre encore 2,3 % au quatrième trimestre 2017), le glissement annuel du PIB brésilien pourrait ainsi tomber à 0 % d’ici l’été prochain.
Mais il n’y a pas que les « pays émergents » qui souffrent. De nombreux « pays développés » connaissent aussi une forte décélération de leur activité. A commencer par leur locomotive, en l’occurrence les Etats-Unis. Et pour cause : en mai, les indices Markit PMI des directeurs d’achat ont chuté de 2,1 points tant dans l’industrie que dans les services. Avec des niveaux de respectivement 50,5 et 50,9, ils atteignent des planchers depuis juillet 2009 et février 2016.
Vers une nette baisse de la croissance américaine au cours des prochains trimestres.
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Sources : BEA, ACDEFI
Autrement dit, après être remonté à 3,2 % au premier trimestre 2019, le glissement annuel du PIB américain devrait retomber vers 1,5 % d’ici le troisième trimestre 2019.
Une décélération néanmoins tout à fait logique compte tenu de la longueur historique de l’actuel cycle économique des Etats-Unis (en l’occurrence 45 trimestres). Et même si Donald Trump baisse encore les impôts et que la Réserve fédérale décide d’assouplir prématurément sa politique monétaire, le ralentissement de la croissance américaine ne pourra être évité. Gageons néanmoins qu’il restera limité au moins jusqu’aux élections de 2020.
En attendant, la deuxième grande économie anglo-saxonne, en l’occurrence le Royaume-Uni, connaît également un net ralentissement de son activité. En effet, en mai, les indices Markit des directeurs d’achat britanniques ont atteint 49,4 dans l’industrie, 48,6 dans la construction et 51 dans les services, qui, une fois encore, devraient permettre de sauver les meubles.
Toujours est-il que, comme le montre le graphique ci-après, ces évolutions confirment que le glissement annuel du PIB britannique devrait retomber vers 1 % d’ici l’automne prochaine.
Vers une croissance britannique d’environ 1 % d’ici l’automne 2019.
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Sources : ONS, Markit, ACDEFI
Une situation qui, contrairement à ce que l’on entend ici ou là, restera meilleure que celle de la zone euro.
Comme le montre le tableau ci-dessous, les principaux pays de l’UEM sont soit en récession industrielle, soit proche d’y entrer, à l’exception notable de la Grèce, qui ne fait que rattraper une petite partie du retard accumulé depuis 2008.
L’industrie de la zone euro en grave difficulté.
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Sources : Markit, ACDEFI
Il est ainsi illustratif de noter que même les anciens champions de la croissance eurolandaise, et notamment l’Irlande, l’Autriche et l’Espagne, sombrent dans une forte décélération industrielle. La palme de la récession revenant tout de même à l’industrie allemande.
Au total, même si la résistance de l’activité dans les services contrecarre quelque peu le marasme industriel, l’indice Markit composite de la zone euro demeure particulièrement faible à 51,8.
Il indique ainsi que le glissement annuel du PIB de l’UEM devrait bien descendre vers 0,5 % d’ici le troisième trimestre 2019.
Le glissement annuel du PIB de la zone euro devrait avoisiner 0,5 % d’ici le troisième trimestre 2019.
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Sources : Eurostat, Markit, ACDEFI
La résistance appréciable des services mais qui demeure insuffisante pour effacer les contre-performances industrielles est un « phénomène » qui s’observe également au niveau mondial.
En effet, en mai, l’indice PMI composite « monde » a baisse de 0,9 point, à 51,2. Il atteint ainsi un plus bas depuis juin 2016 et confirme notre prévision d’une croissance mondiale d’au mieux 2,8 % en moyenne sur l’ensemble de l’année 2019.
Un résultat inférieur de 0,7 point à la croissance annuelle moyenne des trente dernières années et aussi un plus bas depuis 2009.
Des perspectives de plus en plus inévitables, mais que les marchés boursiers continuent d’ignorer…
Marc Touati