Souvenez-vous, c’était il y a un peu plus de deux ans et demi, précisément le 8 novembre 2016, lors de la victoire de Donald Trump aux Présidentielles américaines. Un consensus s’imposait alors, en particulier en Europe et en France, pour laisser croire qu’avec un tel Président à sa tête, la première puissance économique mondiale allait plonger dans un marasme sans nom. A l’époque, nous étions parmi les très rares à oser annoncer que le 45ème Président des Etats-Unis pouvait relancer la croissance américaine et même devenir une sorte de « nouveau Reagan ». Beaucoup nous riaient au nez. Et pourtant !
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : non seulement, l’économie de l’Oncle Sam a redémarré, connaissant désormais le cycle le plus long de son histoire contemporaine (45 trimestres), mais, en plus, le glissement annuel de son PIB a atteint 3,2 % au cours du premier trimestre 2019, contre par exemple 1,2 % dans la zone euro et 1,1 % en France. Rappelons au passage que l’écart de croissance cumulé entre les Etats-Unis et l’Union Economique et Monétaire (UEM) depuis 1995 atteint désormais 83,1 %, un nouveau record historique, qui est malheureusement voué à être battu pendant encore plusieurs trimestres au regard de l’évolution récente des indicateurs avancés de l’activité des deux côtés de l’Atlantique.
Parallèlement, grâce à ce dynamisme exceptionnel, les créations d’emploi ont accéléré, permettant au taux de chômage américain de tomber à 3,6 % en avril 2019, un plancher depuis décembre 1969. Même la révolution des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication n’avait pas réussi à faire mieux, puisqu’au plus bas, le taux de chômage avait atteint 3,8 % (en avril 2000 pour être précis).
Et pour les mauvaises langues qui se sont empressées d’avancer que cette statistique était truquée, rappelons simplement qu’il s’agit bien du taux de chômage harmonisé au sens du Bureau International du Travail, et qui est donc parfaitement comparable à ceux qui prévalent par exemple dans la zone euro ou en France, mais à respectivement 7,7 % et 8,8 % en mars 2019. A l’évidence, ça calme…
Encore plus fort, en dépit de ce plein-emploi et de la forte augmentation des salaires qu’elle a logiquement entraînée, pour le bien-être de tous (là aussi que d’écarts avec la zone euro et la France !), l’inflation américaine reste largement sous contrôle (notamment grâce à de forts gains de productivité), permettant donc au pouvoir d’achat des ménages de s’améliorer. Et donc, à leurs dépenses de consommation de continuer de croître.
Dans ce contexte de plein-emploi, de salaires en forte augmentation et de gains massifs de pouvoir d’achat, on comprend aisément pourquoi les indices de confiance des ménages restent sur des sommets, tout comme ceux décrivant la cote de popularité du Président américain. Là aussi, qui peut en dire autant sur le Vieux continent ?
Face à de tels succès, deux questions se posent : comment les Etats-Unis en sont-ils arrivés là ? Et surtout, est-ce durable ? La réponse à la première interrogation tient en deux mots : « bon sens ». En effet, bien lien des réflexions dogmatiques et technocratiques qui font par exemple tant de mal à notre « douce France » depuis des décennies, Donald Trump a simplement décidé de baisser les impôts massivement pour tous : les entreprises, les ménages, les favorisés, les moins favorisés. A tel point que le retour du cercle vertueux « investissement-emploi-consommation » ne s’est pas fait attendre.
Le pire, ou plutôt le mieux, c’est que le Président Trump a décidé de continuer sur sa lancée. D’où un premier élément de réponse à la deuxième question : oui, en dépit d’un inévitable ralentissement, la croissance américaine va rester soutenue au moins jusqu’en 2020. Et ce d’autant que la Réserve fédérale a décidé de maintenir durablement le statu quo monétaire.
Dans ce cadre, grâce à l’amélioration de la croissance, l’assiette fiscale a et va encore logiquement augmenter, permettant d’accroître les recettes fiscales et donc de réduire le déficit public. N’oublions effectivement pas que la meilleure arme pour diminuer ce dernier réside dans la croissance forte et la faiblesse du chômage. Deux ingrédients qui nous font tant défaut depuis des décennies en France et dans la zone euro.
Face à cette « success story », il y a néanmoins deux bémols non-négligeables. Premièrement, les risques de montée du protectionnisme international. Et pour cause : pour obtenir une croissance mondiale d’environ 3 %, le commerce mondial (c’est-à-dire le volume des échanges internationaux) doit augmenter de l’ordre de 7 à 10 %. Il est donc clair qu’une forte augmentation des barrières douanières à travers la planète « ruinerait » la dynamique mondiale de création de richesses. Ce qui nous amène à notre deuxième bémol, à savoir un effondrement des marchés boursiers qui pâtiront inévitablement d’un fort ralentissement de la croissance planétaire et a fortiori d’une récession mondiale.
C’est en cela que la magicien Trump pourrait devenir le fossoyeur des marchés boursiers et de la croissance internationale. Pour éviter d’en arriver là, il parait donc clair que le Président Donald va certes renégocier certains accords commerciaux, voire augmenter certains droits de douane, mais sans que ces derniers deviennent prohibitifs. Selon toutes vraisemblances, il parviendra même à trouver un accord avec la Chine, affaiblissant modérément cette dernière, mais laissant, une fois encore, la zone euro sur le bord du chemin.
C’est en cela que Donald Trump restera certainement dans l’histoire comme le digne héritier de Ronald Reagan. Ce dernier avait réussi à relancer l’économie américaine pour plusieurs décennies, tout en éliminant l’URSS et en affaiblissant définitivement le Japon. Trump est en train de faire la même chose pour les Etats-Unis, mais avec deux autres victimes : l’UEM et la Chine. Quand allons-nous enfin comprendre et nous réveiller ?
Marc Touati