Le 19 avril dernier, nous écrivions une « Humeur » intitulée : « M. Le Président, c’est maintenant ou jamais ! ». Malheureusement, et comme nous le craignons depuis des mois, nous n’avons pas été écoutés. Autrement dit, sans surprise d’ailleurs, le « grand débat national » a bien accouché d’une souris et M. Macron n’a pas souhaité engager la France dans un « grand soir fiscal » et encore moins dans la « thérapie de choc bienveillante » que nous réclamons depuis des années. En effet, plutôt que de regarder la réalité en face et notamment de tenir compte des conséquences négatives du trop-plein fiscal français, les impôts ne baisseront pas d’un point de vue macro-économique en 2019 et peut-être même que leur poids dans le PIB continuera d’augmenter. Et tout ça pourquoi ? Tout simplement parce que, comme cela s’observe depuis des décennies, les dirigeants actuels n’ont ni le courage ni la volonté de réduire les dépenses publiques…
Pourtant, depuis une trentaine d’années, il n’y a pas eu un Président de la République, un premier ministre, un ministre des finances ou un ministre du budget qui n’a pas osé affirmer au peuple français que les dépenses publiques allaient diminuer « l’an prochain ». Bien loin de ces « promesses d’ivrogne », les dépenses publiques n’ont cessé d’augmenter. Elles sont ainsi passées de 209,6 milliards d’euros en 1980 à 528 milliards en 1990, puis 764 milliards en 2000 et, enfin 1 318,5 milliards en 2018. En fait, depuis 1957 et le début des statistiques modernes de l’INSEE, les dépenses publiques françaises n’ont JAMAIS baissé. De 1990 à 2018, les dépenses publiques ont augmenté de 150 %. Sur la même période, les prix ont progressé de 53 % et le PIB en valeur (donc augmenté de l’inflation) a crû de 123 %. Et oui, vous ne rêvez pas, les dépenses publiques ont augmenté 3 fois plus que les prix et 1,2 fois plus que la richesse créée dans l’Hexagone.
Conséquence logique de cette gabegie de dépenses publiques, le poids de ces dernières dans le PIB est passé de 49,6 % en 1990 à près de 57 % de 2015 à 2018. Un niveau historique pour la France et l’un des plus élevés du monde. En 2018, sur les 194 pays recensés par le FMI, seuls six font « mieux » que nous : les îles Tuvalu (154 %), les îles Kiribati (143 %), l’île Nauru (92 %), la Libye (78 %), les îles Marshall (65 %) et la Micronésie (64 %). Même les pays scandinaves se sont éloignés de ce « club très select », avec des niveaux de 53 % pour la Finlande, 52 % pour le Danemark et 48 % pour la Suède.
A la rigueur, si cette hausse effrénée des dépenses publiques françaises avait engendré une croissance forte, on aurait pu s’exclamer « au diable l’avarice ». Malheureusement, nous en sommes très loin. Et pour cause : de 2002 à 2018, la croissance annuelle moyenne de la France n’a été que de 1,2 %, soit la 32ème performance sur les 39 pays de l’OCDE.
Mais ce n’est pas tout. En effet, si nos dirigeants reconnaissaient leurs erreurs et avouaient la réalité aux Français, on pourrait éventuellement leur pardonner. Or, non seulement ce n’est pas le cas, et, en plus, ils persévèrent dans leurs erreurs et leurs mensonges. Ainsi, comme cela s’était déjà observé sous François Hollande, mais aussi depuis une vingtaine d’années, le gouvernement Philippe avait annoncé une baisse de 16 milliards d’euros des dépenses publiques pour 2018 : « la plus forte depuis toujours ! » nous disait-on. Et pourtant, l’an passé, les dépenses publiques françaises ont augmenté de 24,5 milliards d’euros. C’est dire ce qui nous attend pour 2019, à présent que la réduction de la dépense publique est reléguée en arrière-plan…
Dans ce cadre, il faut être clair : comme cela s’observe depuis 1957, les dépenses publiques continueront de croître. Autrement dit, à cause de ce refus de baisser véritablement et significativement les dépenses, le gouvernement restera incapable de réduire massivement les impôts et de façon nette (c’est-à-dire sans compenser la baisse de certains impôts par l’augmentation d’autres), condition sine qua non pour relancer la croissance. Cela signifie donc que la progression du PIB restera molle, que le chômage continuera d’augmenter et que les déficits publics seront bien plus élevés que prévu. Ils seront d’au moins 3,0 % du PIB tant cette année que l’an prochain.
D’où un autre « mensonge d’Etat » : la baisse du ratio dette publique / PIB. Là aussi, nous faisons face à une erreur basique majeure : la dette n’est autre que le cumul des déficits. Dès lors, si l’on veut baisser le ratio dette/PIB, il faut, soit retrouver un excédent budgétaire, soit retrouver une croissance du PIB plus forte que celle de la dette, soit les deux. Or, aucun de ces scénarios n’est crédible à moyen terme. Autrement dit, après l’avoir déjà dépassé en 2017, la dette publique retrouvera bien la barre des 100 % du PIB en 2019.
« Et alors ? » diront certains. On pourrait même ajouter « la note de la France reste l’une des meilleures du monde et les taux d’intérêt des obligations d’Etat demeurent extrêmement bas, alors pourquoi se fatiguer à baisser les dépenses publiques, les déficits et la dette ? »
C’est bien là qu’est le drame. Car, ne l’oublions pas : de 2000 à 2008, en dépit d’une dette publique de plus de 100 % du PIB et de déficits publics chroniquement élevés, la Grèce aussi a bénéficié de taux d’intérêt historiquement bas. Et puis, un jour, les investisseurs se sont réveillés et la crise grecque a éclaté.
Il s’agit là d’un « aléa moral ». En effet, dans la mesure où la politique irresponsable de la France n’a pas été sanctionnée depuis des années, les différents gouvernements successifs n’ont pas été incités à engager une « thérapie de choc », indispensable pour guérir la France. Certes, quelques rares mesures prises dernièrement vont dans le bon sens. Pour autant, nous restons encore loin de cette thérapie et des réformes de fond. Pire, la « fuite en avant » est désormais relancée et tant les dépenses publiques que les impôts vont continuer d’augmenter. Le tout dans un climat sociétal de plus en plus explosif. Quelle tristesse et quel gâchis !
Marc Touati