En mars 2012, je terminais mon livre « Quand la zone euro explosera » (Editions du Moment) par un épilogue en forme de cauchemar qui annonçait un triste avenir pour notre « douce France ». En voici un extrait :
« En raison du chômage grandissant, les émeutes se multiplièrent. D’abord concentrées dans les cités du 93 et du 94, elles se répandirent dans toute la France. Le 8 mai, alors que la commémoration de la fin de la Seconde Guerre mondiale battait son plein, des milliers de casseurs « défilèrent » sur les Champs-Élysées. Tous les symboles de l’opulence furent vandalisés, la boutique Louis Vuitton pillée, le Fouquet’s incendié. Il n’y avait pas là que des jeunes de banlieue, mais aussi des familles en colère, des chômeurs, de nouveaux pauvres, des désespérés.
En quelques mois la France avait basculé dans une ambiance de guerre civile. À chaque instant le pays risquait d’imploser. La population ne faisait plus confiance aux politiques, aux journalistes, aux médias, aux banquiers, aux économistes, à eux-mêmes. Ils attendaient l’homme providentiel.
Ils attendirent longtemps… »
Je vous rassure tout de suite, je ne suis pas devin et je n’ai pas de boule de cristal. Seulement voilà, ces phrases que j’avaient écrites il y a sept ans en espérant qu’elles ne se réaliseraient jamais sont devenues réalités.
D’où une question à la fois simple et glaçante : comment en est-on arrivé là ? La réponse est malheureusement tout aussi simple et glaçante : en dépit des nombreux avertissements qui ont été régulièrement envoyés aux dirigeants du pays, notamment par votre serviteur, mais aussi par quelques autres, rien ou quasiment n’a été fait pour sortir la France de l’ornière et lui éviter de tomber dans le chaos.
Depuis plus de trente ans, le déni de réalité a été érigé en bannière inébranlable et les mêmes politiques inefficaces ont été appliquées : toujours plus d’impôts et toujours plus de dépenses publiques mal orientées. Et le tout, avec, bien entendu, les mêmes résultats, encore et toujours : de moins en moins de croissance, et, très logiquement, de plus en plus de chômage, de déficit et de dette publique.
Le pire est qu’en dépit de ces trois décennies d’échecs cuisants, les récents dérapages semblent avoir suscité les mêmes réponses : plus d’impôts et de dépenses publiques. Mais quand allons-nous enfin nous réveiller ? Quand allons-nous enfin comprendre que cette fuite en avant n’a pas de sens et compromet l’avenir de notre société tout entière ?
Nous n’avons malheureusement pas la réponse à ces deux questions. Nous devons donc continuer de faire ce que nous faisons depuis des années, en l’occurrence réclamer simplement du bon sens : moins d’impôts pour tous (les entreprises et les ménages), moins de dépenses publiques inefficaces, moins de gaspillages publics et plus d’efficacité de nos services publics.
C’est ce que je ne cesse d’appeler depuis des années « une thérapie de choc bienveillante », qui allie paix sociale et efficacité publique. C’est d’ailleurs ce qu’ont mis en pratique nos partenaires européens, dans leur quasi-totalité, et notamment nos amis allemands, néerlandais, irlandais, espagnols ou encore portugais. Et ça marche !
Comme nous sommes Français, que nous sommes de ce fait, exceptionnels et que, malheureusement, la situation a empiré au cours des derniers trimestres, il faudra également ajouter deux mesures phares pour permettre que cette révolution soit créatrice et pas destructrice. A savoir, d’une part un effort d’explication et de pédagogie à grande échelle. D’autre part, une tolérance zéro pour tous ceux qui refuseraient de participer au sauvetage de la France.
Si les dirigeants et le peuple français se réveillent et choisissent de se retrousser les manches, en engageant la France sur le chemin de la modernité et du bon sens, alors oui, le retour de la croissance forte sera rapide et durable. Dans quelques années, la croissance structurelle de l’économie hexagonale pourra alors retrouver la barre des 2,5 %. Dans ce cadre, le solde des comptes publics se rapprochera de l’équilibre, se dirigeant même vers un léger excédent pour 2022. Le premier excédent depuis 1974 ! Parallèlement, le ratio dette publique/PIB reculera significativement sous les 80 %. Les taux d’intérêt des obligations d’État demeureront faibles, soutenant par là même la croissance et l’investissement.
Mieux, compte tenu de la baisse de la pression fiscale, les exilés fiscaux d’hier reviendront très vite sur leur terre d’origine et la France deviendra l’une des premières terres d’accueil des investissements étrangers. À tel point qu’elle se permettra de refuser des fonds jugés insuffisamment éthiques. De par ce retour en grâce de la croissance et de l’investissement, les créations d’emploi repartiront à la hausse et le chômage chutera, glissant progressivement vers son niveau de plein-emploi, en l’occurrence 6 %. Une augmentation massive des revenus et du pouvoir d’achat s’ensuivra, permettant à la consommation de retrouver son rôle de moteur puissant et inébranlable de l’économie nationale.
Sur la scène internationale, l’image de la France sera redorée. Elle apparaîtra effectivement comme un pays courageux, capable d’engager des réformes structurelles difficiles, tout en reprenant rapidement la voie de la croissance forte et du chômage faible. Elle retrouvera alors son rôle de locomotive économique et politique au sein de l’Europe, reléguant les Allemands et les Anglais au rang de spectateurs admiratifs…
Non s’il vous plaît, ne me réveillez pas, ce rêve est trop beau…
Espérons simplement qu’il deviendra rapidement réalité, car, comme disait l’homme d’État et poète Constantin Huygens, « la vie est un rêve, mais rêver n’est pas vivre »…
Marc Touati