Au quatrième trimestre 2018, et comme cela s’était déjà observé sur l’ensemble de l’année passée, la croissance américaine a accéléré, tandis que celle de la zone euro et celle du Japon ont décéléré.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : après avoir déjà progressé de 1 % au deuxième trimestre 2018, puis de 0,8 % au suivant, le PIB des Etats-Unis a augmenté de 0,64 % (soit 2,6 % en rythme annualisé) au quatrième trimestre 2018.
De la sorte, son glissement annuel est passé de 2,5 % il y a un an à désormais 3,1 %, un plus haut depuis le deuxième trimestre 2015.
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Croissance américaine au quatrième trimestre 2018 : + 0,6 % sur un trimestre, + 3,1 % sur un an.
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Sources : BEA, ACDEFI
Autrement dit, la rechute et autres scénarii catastrophes tant annoncés pour les Etats-Unis (mais fort heureusement pas dans nos publications) n’ont pas eu lieu. Bien au contraire, la croissance est restée vigoureuse.
Certes, l’investissement logement a continué de reculer, confirmant que le secteur de la construction immobilière demeure fragile, d’autant qu’il a pâti de l’augmentation des taux d’intérêt monétaires, obligataires et hypothécaires.
Mais, à l’exception de ce bémol, les moteurs de la croissance américaine ont continué d’afficher une vigueur à toute épreuve. A commencer par la consommation des ménages, qui, après avoir déjà progressé de 0,9 % au cours des deux trimestres précédents, a encore augmenté de 0,7 % au quatrième trimestre 2018.
Si son glissement annuel recule très logiquement de 0,2 point après la flambée du troisième trimestre, il demeure néanmoins très appréciable à 2,7 %.
Deuxième moteur, après un inévitable ralentissement au troisième trimestre 2018, l’investissement productif des entreprises a accéléré au quatrième, augmentant de 1,5 %. Son glissement annuel remonte ainsi à 7,2 %, un plus haut depuis le troisième trimestre 2014.
S’il ne s’agit évidemment pas de sommets exceptionnels, que ce soit en matière de consommation ou d’investissement productif, ces performances confirment néanmoins que la dynamique de la demande intérieure est forte et que les baisses d’impôts continuent de bien fonctionner aux Etats-Unis.
Parallèlement, après avoir nettement augmenté au troisième trimestre 2018, la formation de stocks a fortement reculé au trimestre suivant, signifiant par là même que les marges d’amélioration de la croissance de l’Oncle Sam sont loin d’être épuisées.
La consommation des ménages et l’investissement des entreprises restent dynamiques.
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Sources : BEA, ACDEFI
Plus globalement, ces évolutions soulignent que le cercle vertueux « investissement-consommation-emploi » est bien installé outre-Atlantique.
Bien loin de ce dynamisme, et comme nous l’avons déjà détaillé il y a quinze jours, la croissance eurolandaise a continué de décélérer. Après avoir atteint 2,8 % au troisième trimestre 2017, le glissement annuel du PIB eurolandais est tombé à 1,2 % au quatrième trimestre 2018.
Croissances des Etats-Unis et de la zone euro : les « ciseaux » s’écartent de plus en plus.
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Sources : BEA, Eurostat, ACDEFI
Autrement dit, après une année 2017 de léger dépassement, la croissance eurolandaise est nettement et rapidement repassée sous celle des Etats-Unis. L’écart entre les deux glissements annuels du PIB est désormais remonté à 1,92 points à l’avantage de l’Oncle Sam, du jamais vu depuis le premier trimestre 2015.
Conséquence logique de cette « ouverture de ciseaux », l’écart de croissance depuis 1995 a encore progressé, atteignant désormais un niveau vertigineux de 81,3 points.
Ecart de croissance annuelle Etats-Unis / Zone euro : 81,3 points depuis 1995.
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Sources : BEA, Eurostat, Calculs ACDEFI
Piètre consolation, l’écart avec la croissance japonaise est encore plus grand. Et pour cause : le glissement annuel du PIB nippon est tombé à 0 % au quatrième trimestre 2018, un plus bas depuis le quatrième trimestre 2014.
Les Etats-Unis distancent la zone euro et encore plus le Japon.
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Sources : BEA, Eurostat, BoJ, ACDEFI
Le pire est que ces écarts risquent encore de s’aggraver au cours des prochains trimestres. En effet, alors que les indicateurs avancés de la croissance américaine ont continué de s’améliorer en février, ceux de la zone euro et du Japon ont poursuivi leur dégradation.
Ainsi, outre-Atlantique, à côté des indices des directeurs d’achat, l’indice du Conference Board de confiance des ménages a bondi de 9,7 points sur le seul mois de février.
Après un léger doute fin 2018, les ménages américains redeviennent euphoriques.
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Sources : BEA, Conference Board, ACDEFI
S’il reste encore inférieur à son sommet d’octobre dernier, il demeure néanmoins très proche des plafonds de la fin 2000 et montre que la consommation des ménages va rester dynamique au moins jusqu’à l’été 2019.
Bien loin de cet optimisme, l’indice de sentiment économique (qui synthétise la confiance des ménages et le climat des affaires) a continué de reculer dans la zone euro. En février, il a ainsi encore reculé de 0,2 point, ce qui porte à 9,7 points sa chute depuis janvier 2018.
Avec désormais un niveau de 106,1, il montre que la baisse de la croissance eurolandaise n’est malheureusement pas terminée. Le glissement annuel du PIB de la zone euro est bien en route vers le zéro pointé.
Zone euro : la baisse de la croissance se poursuit.
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Sources : Eurostat, ACDEFI
Une perspective largement confirmée par l’évolution des indices Markit des directeurs d’achat dans l’industrie de la zone euro.
Récession industrielle en Italie et en Allemagne.
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Sources : Markit, ACDEFI
En effet, après treize mois de baisse quasiment ininterrompue, l’indice Markit PMI de l’industrie de la zone euro est tombé sous la barre des 50 en février, à précisément 49,3, un plancher depuis juin 2013. Cette déconvenue est principalement le produit de la récession industrielle qui s’est imposée tant en Italie qu’en Allemagne. Avec des indices Markit PMI de respectivement 47,7 et 47,6 en février, il est clair que le climat industriel dans ces deux pays n’est pas près de s’améliorer.
Là aussi, piètre consolation, on pourra toujours noter que la situation japonaise est au moins aussi dramatique. En effet, la production industrielle nippone s’est effondrée de 3,7 % en janvier, l’indice de confiance des ménages a continué de régresser dangereusement en février et, enfin, l’indice Nikkei des directeurs d’achat dans l’industrie est tombé sous la barre des 50 en février, à précisément 48,9, un plus bas depuis juin 2016.
Le Japon retombe en récession industrielle.
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Sources : BoJ, Nikkei, ACDEFI
Autrement dit, après être tombé à zéro au quatrième trimestre 2018, le glissement annuel du PIB japonais est désormais appelé à devenir nettement négatif sur l’ensemble du premier semestre.
En conclusion, déjà très élevés, les écarts de croissance entre le Japon et la Zone Euro d’une part et les Etats-Unis d’autre part vont continuer d’augmenter au cours des prochains trimestres.
Plutôt que de se plaindre de la politique de Trump, il serait donc grand temps que les dirigeants eurolandais et japonais se décident enfin à agir dans le bon sens…
Marc Touati