C’est tout de même à y perdre son latin, ou encore son français et surtout son bon sens : alors que la France est au bord de la récession, qu’elle pâtit d’une pression fiscale confiscatoire et d’une économie ultra-rigide, les rares idées économiques qui semblent émerger du fameux « grand débat national » s’orientent principalement vers une suppression des niches fiscales et de nouvelles augmentations des impôts.
Il faudrait quand même redescendre sur terre et retrouver enfin le chemin du bon sens : supprimer les niches fiscales n’a effectivement de sens que si l’on baisse massivement les impôts pour tous (entreprises et ménages). Sinon, cela reviendra à augmenter encore le poids de la pression fiscale sur le PIB, qui est déjà numéro un mondial.
Nous touchons là au cœur du problème. En l’occurrence, l’énormité de la pression fiscale française, qui, elle-même est le produit de décennies de « fuite en avant ». C’est d’ailleurs certainement LE « mal français » par excellence : à chaque fois qu’une difficulté économique apparaît, on crée un impôt pour tenter de la résorber. Ensuite, conscients que la difficulté en question perdure et que cet impôt est inefficace, on met en place une niche fiscale pour essayer d’en limiter les effets négatifs sur la croissance et l’emploi. Voilà pourquoi, la fiscalité en France est l’une des plus pesantes du monde mais aussi l’une des plus compliquées.
Les chiffres d’Eurostat parlent d’eux-mêmes : en 2017, le taux de prélèvements obligatoires français a atteint 48,4 % de la richesse créée (c’est-à-dire du PIB), contre un niveau de 30 % en 1960 ou encore 41,2 % en 2009. La France se paie ainsi le luxe d’être le pays de l’OCDE dans lequel la pression fiscale est la plus forte, nettement devant la Belgique (47,3 %), le Danemark (46,5 %), la moyenne de l’Union européenne se situant à 40,2 % et celle de l’OCDE à 34,3 % (26 % aux États-Unis).
Quant à l’ensemble des recettes publiques (qui dépassent les seuls impôts), sa part dans le PIB français est de 53,8 % (selon les calculs du FMI). En clair, chaque année, plus de la moitié de la richesse créée dans l’Hexagone est absorbée par l’Etat. Du jamais vu dans l’Histoire de France (à part lors des guerres) et un niveau seulement dépassé par six pays sur les 193 recensés par le FMI. En l’occurrence, le Koweït (58,1 %), les îles Marshall (68,0 %), la Micronésie (69,1 %), l’île Nauru (115,8 %), les Kiribati (121,8 %) et les Tuvalu (122,2 %). Mais que fait la France dans ce « club très select » ?
Ce trop-plein fiscal ne s’est évidemment pas fait en un jour. Et pour cause : les années passent, les gouvernements changent, mais malheureusement, les erreurs restent les mêmes. À chaque fois, c’est la même ritournelle : on crée un impôt, souvent présenté comme temporaire, pour colmater une brèche, mais le temporaire devient du permanent et de nouvelles brèches apparaissent…
Or, l’obstination à vouloir augmenter sans cesse les impôts casse la croissance, ce qui finit par réduire l’assiette fiscale et limite de facto les recettes de l’Etat. Conséquence logique de ce manque de clairvoyance et de ce dogmatisme maladif, les déficits publics n’ont cessé de croître, entraînant la dette vers des niveaux inadmissibles. Le plus drôle (du moins pour les amateurs d’humour noir) est que les gouvernements successifs, et notamment depuis 2012, mettent justement en avant la nécessité de réduire les déficits pour justifier leurs augmentations d’impôts. La boucle est donc bouclée, mais dans le mauvais sens.
Jusqu’à la fin des années 1960, lorsque le taux de prélèvements obligataires oscillait autour de 32 % du PIB, la croissance française sur dix ans (qui peut s’apparenter à une sorte de croissance structurelle) était de l’ordre de 5,5 %. Dans les années 1980, alors que le premier a flambé à 42 %, la seconde a reculé à 2 %. Enfin, depuis les années 2010, alors que le ratio de prélèvements obligatoires a encore augmenté au-delà de 45 %, la croissance de long terme s’est encore affaissée à 0,8 %. Cherchez l’erreur…
Arrêtons donc de nous voiler la face : le seul moyen de sortir la France du marasme économique est de réduire massivement les prélèvements obligatoires qui pèsent sur les ménages et les entreprises. Le problème fiscal de la France est global : seul un « grand soir » fiscal pourra permettre de moderniser l’économie hexagonale et de la rendre plus féconde en emplois.
Celui-ci pourrait passer par six mesures principales :
- Réduire le niveau des prélèvements obligatoires au niveau de la moyenne de la zone euro, soit une baisse d’environ 100 milliards d’euros.
- Simplifier le code des impôts.
- Supprimer l’essentiel des niches fiscales tout en réduisant les impôts auxquels elles se rapportent.
- Réduire l’impôt sur les sociétés à 20 %.
- Abaisser de 3 points le taux de CSG.
- Fusionner la CSG, la CRDS et l’IRPP.
Malheureusement, lorsque l’on voit les dérives du « grand débat national » qui risquent de déboucher sur une nouvelle hausse de la pression fiscale, il y a de quoi s’inquiéter. Alors, s’il vous plaît Mesdames et Messieurs les dirigeants du pays : ne cédez pas aux sirènes de la facilité, retrouver enfin le chemin du bon sens. Merci d’avance.
Marc Touati