Comme nous l’annoncions il y a un an et comme nous le confirmions la semaine dernière dans ces mêmes colonnes, l’année 2018 a bien été la plus difficile depuis 2009, tant pour la croissance mondiale que pour les marchés boursiers. Si la première a néanmoins résisté, les seconds se sont littéralement effondrés. Or, les marchés sont généralement de bons indicateurs avancés de la croissance économique. Dans ce cadre, il est malheureusement très probable que l’économie internationale continuera de ralentir en 2019.
En effet, selon nos estimations, après avoir rebondi à 3,8 % en 2017, puis reculé à environ 3,3 % en 2018, la croissance mondiale devrait tomber à 2,8 % cette année. Elle sera donc toujours appréciable, mais de plus en plus inférieure à sa moyenne de long terme (en l’occurrence 3,5 %) et constituera d’ailleurs un plus bas depuis 2009.
Une prévision qui, soulignons-le d’ores et déjà, est loin d’être pessimiste, dans la mesure où elle suppose que de nouveaux dangers ne viendront pas la contrecarrer. Parmi ceux-ci, citons notamment un nouveau krach boursier et obligataire mondial durable, une forte instabilité politique européenne, une exacerbation des populismes à travers l’Europe et notamment en France, ou encore une crise de la dette privée en Chine, de nouveaux dérapages liés au Brexit et bien sûr et malheureusement, des risques d’attentats et de crises géopolitiques. Bref, comme d’habitude et parfois en dépit des apparences, nous restons optimistes.
D’ailleurs, pour parvenir à notre prévision d’une croissance mondiale de 2,8 %, nous tablons notamment sur des performances toujours très honorables mais ralenties des pays « émergents ». En Chine, la progression du PIB devrait ainsi atteindre 6 %, contre 6,6 % en 2018 et 6,9 % en 2017. Quant à celle de l’Inde, après avoir rebondi à 7,3 % en 2018, contre 6,3 % en 2017, elle devrait avoisiner les 6,5 % en 2019. En vertu d’un effet de correction de la faiblesse passée, seuls l’Argentine et le Brésil devraient enregistrer une variation du PIB meilleure qu’en 2018. En l’occurrence et respectivement : 1,5 % et 1,6 % en 2019, contre – 0,9 % et 1,1 % en 2018.
En fait, les dangers et les ralentissements massifs se concentreront principalement sur le monde développé. A commencer par son leader, en l’occurrence les Etats-Unis. En effet, après avoir réussi l’exploit de relancer la croissance américaine en 2018 malgré un cycle en bout de course, le Président Trump aura du mal à rééditer cette performance cette année. En effet, compte tenu d’un déficit public et d’une dette fédérale déjà très élevés (respectivement 4,6 % et 108 % du PIB), les risques de nouveau dépassement du plafond autorisé pour la dette publique et de son corollaire, le « shutdown » (c’est-à-dire le blocage de l’administration américaine), sont particulièrement forts. Autrement dit, après avoir rebondi à 2,9 % en 2018, la croissance des Etats-Unis devrait de nouveau ralentir pour atteindre les 2,2 % en 2019. Rien de très flamboyant, mais beaucoup plus que ce qui s’observera dans la zone euro.
Car soyons clairs : le principal risque qui menace l’avenir de la sphère économico-financière internationale réside dans une instabilité politique, économique et sociétale de l’Europe dans son ensemble et de la zone euro en particulier. En effet, après avoir mangé son pain blanc en 2017, la croissance eurolandaise a déjà nettement ralenti en 2018. Et ce, en dépit des moyens colossaux déployés par la BCE. Ainsi, après avoir atteint 2,5 % en 2017, celle-ci est tombée à 1,8 % l’an passé.
Mais ce n’est malheureusement rien au regard de ce qui nous attend pour 2019. Et pour cause : tous les moyens de politiques économiques ont déjà été utilisés. Il n’y a guère que l’Allemagne qui, grâce à ses efforts des quinze dernières années, dispose d’un excédent public et pourra ainsi relancer la machine. Mais, là aussi, ne rêvons pas : compte tenu de l’affaiblissement d’Angela Merkel et des risques d’instabilité politique ou encore du ralentissement de l’économie internationale, la croissance allemande devrait passer de 2,5 % en 2017 à 1,6 % en 2018 pour encore tomber à 1,2 % cette année.
Une « performance » qui devrait d’ailleurs être identique pour l’ensemble de la zone euro. Du moins, si tout va bien, car si la situation italienne dégénère (cas malheureusement fort probable), il est clair qu’une nouvelle crise de la dette publique et in fine, une nouvelle crise existentielle de la zone euro s’imposeront, avec tous les coûts que cela suppose en termes de croissance économique et de chômage. De plus, si déjà la « planche à billets » pléthorique de la BCE de 2015 à 2018 n’a pas produit de miracle, son arrêt depuis le début 2019 n’arrangera évidemment pas les choses.
Enfin, encore un degré au-dessus sur l’échelle de la dangerosité économique, notre « douce France » devrait enregistrer une croissance annuelle légèrement supérieure à 1 %. Et, surtout, elle pourrait bien devenir le maillon faible de l’Europe par qui le « big one » arrive. En effet, alors qu’au lendemain des élections présidentielles de 2017, la France paraissait capable d’entrer enfin sur le chemin de la modernité, c’est malheureusement l’inverse qui s’est produit, si bien qu’en ce début 2019, l’économie française apparaît bloquée, sur le point d’entrer en récession et susceptible d’entraîner l’ensemble de la zone euro, voire du monde développé, dans son sillage.
Pour éviter d’en arriver là, nous ne voyons qu’une seule solution : un électrochoc fiscal, qui passera par une forte baisse et une profonde simplification de la pression fiscale pour tous, ainsi que par une réduction et une optimisation des dépenses publiques. Le tout ne pouvant être réalisé que grâce à un effort pédagogique sans précédent. Si nous y parvenons, alors la France retrouvera son rang et évitera au monde une crise dramatique. Sinon, il faut se préparer à une année 2019 plus que difficile, sur tous les fronts. Souhaitons donc que nos dirigeants et le peuple français sauront faire les bons choix.
Marc Touati