Lorsqu’il y a un peu plus d’un an, nous annoncions que les cours du bitcoin allaient s’effondrer, que les bourses mondiales étaient dans une bulle qui allait inévitablement se dégonfler ou encore que la « planche à billets » de la BCE ne servait pas à grand-chose et devait s’arrêtait d’ici la fin 2018, on nous riait souvent au nez, parfois même avec animosité. Et pourtant !
Aujourd’hui, les faits sont là : entre son plafond du 17 décembre 2017 et son point bas du 7 décembre 2018, la « valeur » du bitcoin s’est effondrée de 83,5 % ; entre le plus haut du 21 mai 2018 et le plus bas du 10 décembre, le Cac 40 a chuté de 16,4 % ; enfin, le glissement annuel du PIB de la zone euro est passé de 2,8 % au troisième trimestre 2017 à 1,6 % au troisième trimestre 2018 et certainement moins de 1 % au quatrième.
Face à cet échec, la BCE vient d’ailleurs de confirmer qu’elle mettait fin à son « Quantitative Easing ». Celui-ci a certes permis à la zone euro d’éviter la déflation en 2015, mais a été incapable de la relancer sur le chemin de la croissance forte et durable. Et ce, malgré un montant total de cette fameuse « planche à billets » de plus de 2 600 milliards d’euros.
Après ces déconvenues cuisantes, mais logiques, une double question s’impose : et maintenant ? La purge est-elle terminée ou la « descente aux enfers » ne fait-elle que commencer ?
Malheureusement, la deuxième hypothèse semble devoir s’imposer. Tout d’abord sur le bitcoin et les cryptomonnaies au sens large, qui constituent une bulle presque aussi folle et dévastatrice que celle des tulipes hollandaises au 17ème siècle. Rappelons qu’au plus fort de cette bulle, le bulbe de tulipe valait l’équivalent d’un hôtel particulier à Amsterdam pour retomber à quelques forints après l’explosion de la bulle. De même, il n’existe aucune valeur économiquement justifiée pour les cryptomonnaies. Il n’y a donc aucune limite à la baisse de leur cours.
Un jour certainement, les cryptomonnaies seront encadrées et légiférées (les banques centrales ont d’ailleurs commencé à s’y employer). On pourra alors peut-être y voir plus clair. Mais, en attendant, il faut continuer de les fuir.
Il n’en est évidemment pas de même des placements boursiers, qui, ne l’oublions pas, sont normalement basés sur une réalité économique, en l’occurrence les résultats des entreprises. Pour autant, comme cela s’observe régulièrement et notamment en 2016-2017, ils peuvent faire l’objet de bulles spéculatives. Fort heureusement, tôt ou tard, la réalité économique reprend le dessus et la valeur des actions se reconnecte à cette dernière. C’est exactement ce que nous vivons depuis quelques mois.
Le seul problème est que, comme nous l’avons souvent expliqué dans ces mêmes colonnes, les marchés ne connaissent pas la mesure. Autrement dit, de la même façon que les grands indices boursiers ont exagérément flambé jusqu’au printemps 2018, ils pourraient tout aussi excessivement chuter au cours des prochains trimestres.
Les arguments pour tomber dans ce « Bear market » sont d’ailleurs nombreux : ralentissement de la croissance mondiale, prolongement du resserrement monétaire aux Etats-Unis, récession dans de nombreux pays émergents, et notamment en Turquie, à Singapour, en Afrique du Sud et peut-être bientôt en Pologne, crises multiples à travers la zone euro, et plus particulièrement en Italie et en France, concrétisation difficile du Brexit, risques toujours élevés de guerre commerciale et d’augmentation du protectionnisme à l’échelle de la planète, menaces géopolitiques et d’attentats à travers le monde…
Dans ce cadre, même si des mouvements de rebonds temporaires se produiront, il est fort probable que les marchés boursiers iront encore plus bas que nos objectifs à six mois, en l’occurrence 21 500 points pour le Dow Jones et 4 500 points pour le Cac 40. La prudence devra donc rester durablement de mise.
Et ce d’autant qu’avec la fin du « Quantitative Easing » de la BCE, les taux d’intérêt des obligations d’Etat vont forcément retrouver des niveaux plus normaux, c’est-à-dire bien plus élevés que ceux qui prévalent artificiellement depuis 2015.
Dès lors, la croissance de la quasi-totalité des pays de l’Union Economique et Monétaire va continuer de souffrir. D’ores et déjà, notamment à cause de l’augmentation des taux d’intérêt à dix ans des obligations de l’Etat italien, l’économie transalpine est tombée en récession au troisième trimestre 2018, sa troisième en dix ans. Du jamais vu dans l’histoire contemporaine des pays développés.
Parallèlement, avant même l’inévitable remontée des taux d’intérêt des obligations de l’Etat français, le PIB hexagonal est sur le point de reculer sur l’ensemble du quatrième trimestre 2018.
Or, si la croissance flanche, le chômage augmentera de nouveau et le déficit public en fera de même. Dans ce cadre, la dette publique continuera inévitablement de s’aggraver, alimentant les tensions sur les taux d’intérêt des obligations d’Etat, ce qui affaiblira encore la croissance et le cercle pernicieux continuera.
En conclusion, que ce soit sur le front du bitcoin, des marchés boursiers ou de la morphine distribuée par la BCE qui maintenait les marchés obligataires dans un « paradis artificiel », la fête est bien définitivement terminée.
Qu’à cela ne tienne, il faut bien finir par retrouver le chemin du bon sens pour pouvoir repartir sur des bases assainies, sachant que, ne l’oublions jamais : les crises sont toujours des phases d’opportunités.
Marc Touati