Même si l’année 2018 est loin d’être terminée et risque de nous réserver encore pas mal de soubresauts, il nous faut déjà penser à 2019.
En effet, pour beaucoup de banques, d’entreprises et d’investisseurs au sens large, 2018 est presque du passé et toutes les inquiétudes sont portées sur 2019.
D’autant que la nouvelle tempête financière a rappelé que les risques étaient élevés et que, par là même, la santé de l’économie mondiale pouvait en pâtir.
De plus, comme nous l’annoncions il y a un an et encore au début de cette année, un peu seuls contre tous, 2018 a bien consacré un net ralentissement de la croissance mondiale. Même le FMI vient de reconnaître son erreur et a revu ses prévisions à la baisse tant pour 2018 que pour 2019.
Certes, comme nous l’anticipions également, l’année 2018 n’a pas été catastrophique. Et pour cause : la Chine et les Etats-Unis ne se sont pas effondrés, comme beaucoup le prévoyaient, les pays émergents (Turquie exceptée) ont plutôt bien résisté, si bien que la croissance mondiale est restée appréciable.
Pour autant, déjà amorcé fin 2017, le ralentissement de la marche des affaires internationale s’est bien accentué en 2018. Seul l’Oncle Sam a tiré son épingle du jeu, grâce à la forte baisse de la pression fiscale.
Ainsi, seuls les Etats-Unis devraient enregistrer une croissance 2018 supérieure à celle de 2017, en l’occurrence 2,8 %, contre 2,2 % l’an passé.
Bien loin de cette performance, la croissance du PIB de la zone euro devrait tomber à 1,9 % cette année, contre 2,5 % en 2017. Quant à celle du Japon, elle resterait molle à 1,2 %, après 1,7 % en 2017.
Voici le fichier pdf :
En 2018, seuls les Etats-Unis font mieux qu’en 2017.
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Sources : BEA, Eurostat, BoJ, Prévisions ACDEFI
Même la croissance chinoise devrait reculer passant de 6,9 % l’an passé à 6,7 % en 2018.
Quant à celle de l’Inde, après avoir déjà régressé de 7,1 % en 2016 à 6,7 % en 2017, elle devrait se stabiliser autour de ce dernier niveau en 2018.
Au total, après avoir atteint 3,8 % en 2017, un plus haut depuis 2011, la croissance mondiale devrait reculer à 3,3 % cette année. Elle repassera donc sous sa moyenne de long terme, en l’occurrence 3,5 %.
La Chine et l’Inde ne peuvent plus tracter fortement la croissance mondiale.
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Sources : FMI, NBSC, Mospi, Prévisions ACDEFI
En fait, après l’euphorie des années 2000-2007, le monde est entré dans une phase de croissance structurelle plus modérée.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : De 2000 à 2007, la progression annuelle moyenne du PIB planétaire a été de 4,5 % (soit un point de plus que son niveau moyen depuis 1980). Mais de 2008 à 2017, celle-ci n’a été que de 3,4 %.
Et encore, cette dégringolade a été limitée grâce à la vigueur des pays émergents, dont la croissance annuelle moyenne est passée de 6,6 % sur la première période à 5,1 % sur la seconde.
Dans le même temps, celle des pays développés est passée de 2,7 % à 1,3 %. Avec une mention spéciale pour la zone euro qui a vu sa croissance moyenne chuter de 2,2 % à 0,6 %, la France faisant à peine mieux (2,2 % à 0,8 %).
Le plus inquiétant est que 2018 devait être (du moins selon les prévisionnistes adeptes de la pensée unique) l’année de la croissance forte pour la zone euro et la France. Que nenni !
En effet, en dépit des moyens colossaux déployés par la BCE, la croissance 2018 sera d’au mieux 1,9 % dans l’UEM et de 1,5 % en France.
Le pire est que la situation ne va malheureusement pas s’arranger en 2019. Et pour cause : tous les moyens de politiques économiques ont déjà été utilisés.
Il n’y a guère que l’Allemagne qui, grâce à ses efforts des dernières années, dispose d’un excédent public et pourra ainsi relancer la machine.
Mais, là aussi, ne rêvons pas : compte tenu d’un manque de confiance criant et du ralentissement de l’économie internationale, la croissance allemande devrait passer de 2,5 % en 2017, à 1,9 % en 2018, puis 1,4 % en 2018.
Quant à la zone euro, sa croissance devrait tomber à 1,4 % l’an prochain. Un résultat évidemment décevant, mais finalement logique lorsque l’on sait que son rythme structurel est d’environ 0,8 %.
La fin de la « planche à billets » et la remontée des taux longs, sans oublier la crise italienne agiront évidemment comme des freins, empêchant tout rebond significatif de la croissance.
Avec des taux 10 ans à 3,6 %, que va devenir la croissance italienne ?
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Sources : Eurostat, ACDEFI
Une fois encore, la France se distinguera par sa faiblesse économique, puisque sa croissance 2019 devrait tout juste atteindre 1 %, soit seulement 0,2 point de mieux que son niveau structurel.
En fait, tant que la pression fiscale ne sera pas fortement abaissée pour tous et que le marché du travail ne sera pas vraiment modernisé significativement, la croissance molle perdurera dans l’Hexagone.
La croissance française restera inférieure à celle de l’Allemagne et de la zone euro.
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Sources : Eurostat, Destatis, INSEE, Prévisions ACDEFI
Aux Etats-Unis, après un beau rebond cette année, la remontée des taux longs agira mécaniquement à la baisse sur la croissance, d’autant que le cycle actuel est d’ores et déjà le plus long de l’histoire américaine. Dans ce cadre, la progression annuelle du PIB devrait reculer vers 2,2 % en 2019.
La remontée des taux longs agira forcément à la baisse sur la croissance américaine.
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Sources : BEA, ACDEFI
Du côté des pays émergents, la décélération sera également de mise. La progression du PIB devrait ainsi atteindre 6 % tant en Chine qu’en Inde, contre respectivement 6,7 % et 6,9 % en 2018. Et malheureusement, la croissance en Argentine et au Brésil restera molle, avec des niveaux d’environ 1,5 %.
Au total, après avoir nettement baissé en 2018, la croissance mondiale devrait encore reculer en 2019. Selon nos estimations, elle atteindra 2,9 %, un plus bas depuis 2009.
Vers une croissance mondiale de 2,9 % en 2019, un plus bas depuis 2009.
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Sources : FMI, Prévisions ACDEFI
Des prévisions qui restent d’ailleurs optimistes, dans la mesure où elles supposent que de nouveaux risques ne viendront pas les contrecarrer. Parmi ceux-ci, citons notamment une nouvelle crise existentielle de la zone euro, des dérapages sociétaux en Italie, en Espagne et en France, ou encore une destitution de Donald Trump aux Etats-Unis.
Dans le même temps, une crise de la dette privée en Chine, de nouveaux dérapages liés au Brexit ou bien sûr et malheureusement, des risques d’attentats et de crises géopolitiques demeurent des dangers majeurs qui pourraient affaiblir la croissance mondiale.
En conclusion, comme la récente tempête financière le laisse anticiper, 2019 sera forcément bien plus difficile que 2018, qui est déjà bien moins favorable que 2017.
Marc Touati
Prévisions de croissance mondiale pour 2018-2019 :
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