Après un premier mini-krach en février dernier, les marchés financiers connaissent une nouvelle tempête depuis une dizaine de jours. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : entre le 29 janvier et le 8 février 2018, le Dow Jones a plongé de 10,4 %, atteignant un plus bas depuis le 28 novembre dernier. Du 23 janvier au 9 février, le Cac 40 a chuté de 8,4 %, tombant, cette fois-ci, à un plancher depuis le 30 août 2017.
Pareillement, après un printemps-été d’accalmie, l’automne 2018 a particulièrement mal commencé : entre le 3 et le 11 octobre, le Dow Jones a plongé de 6,6 %. Encore plus fort, entre le 25 septembre et le 11 octobre, le Cac 40 a dégringolé de 7,8 %, quasiment autant que lors du mini-krach de février dernier. Avec un niveau de 5 106, il retrouve d’ailleurs un plus bas depuis son précédent plancher du 9 février.
Parallèlement, du côté des marchés obligataires, le taux d’intérêt des obligations à dix ans de l’Etat américain est passé de 2,12 % le 31 août 2017 à 2,86 % le 8 février 2018, puis 3,1 % mi-mai, et enfin 3,26 % le 10 octobre, un plus haut depuis le 2 mai 2011. Celui de l’Etat français a augmenté de 0,61 % le 2 décembre à 1 % le 2 février et atteint 0,9 % actuellement. Rappelons que celui-ci était encore de 0,1 % fin septembre 2016. Même le taux dix ans allemand n’a pas été épargné, puisqu’il est passé d’un plus bas historique de – 0,2 % le 5 juillet 2016 à 0,3 % en décembre dernier pour atteindre près de 0,8 % début février, un point haut depuis juillet 2015. Grâce à un excédent public de près de 2 % du PIB, l’Allemagne continue néanmoins de bénéficier d’un « flight to quality », le taux à dix ans du Bund restant relativement faible à 0,5 %.
Bien loin de cette modération, les taux d’intérêt des obligations de l’Etat italien ont littéralement flambé, passant de 1,5 % il y a un an à 3,6 % aujourd’hui, un plafond depuis février 2014.
C’est d’ailleurs en cela que l’ouragan financier qui est en train de commencer est beaucoup plus dangereux que celui de février et pourrait bien sonner définitivement le glas de toutes les bulles qui ont gonflé démesurément depuis quelques trimestres.
En effet, en février dernier, seuls les marchés boursiers ont dévissé, suscitant une sorte de « flight to quality » vers les marchés obligataires, ce qui a notamment permis de réduire une nouvelle fois les taux d’intérêt des obligations d’Etat, autorisant ensuite une nouvelle phase d’accalmie, ou plutôt d’aveuglement, sur les marchés boursiers, qui ont donc atteint de nouveaux sommets, en particulier aux Etats-Unis.
Cette fois-ci, la douche est beaucoup plus froide. En effet, la tempête n’a pas commencé sur les marchés actions mais sur celui des obligations d’Etat. Or, si les taux d’intérêt de ces dernières augmentent, ceux des crédits aux entreprises et aux particuliers suivent le mouvement, ce qui se traduira inévitablement par un net ralentissement économique, qui a d’ailleurs déjà commencé depuis le début 2018. Dans ce cadre, si la croissance du PIB recule à travers la planète, les résultats des entreprises en pâtiront, ce qui pèsera négativement sur les dividendes et les cours boursiers.
De plus, si la croissance économique se replie, le chômage et les déficits publics augmenteront, suscitant mécaniquement une augmentation de la dette publique, déjà stratosphérique, engendrant par là même une nouvelle phase de remontée des taux d’intérêt obligataires… et le cercle pernicieux continuera…
Comme je l’ai écrit à maintes reprises depuis deux ans et notamment dans mon nouveau livre « Un monde de bulles », la bulle la plus dangereuse est celle de la dette publique, dans la mesure où son dégonflement, et a fortiori son éclatement engendrera mécaniquement la fin de toutes les autres bulles. A commencer par celles des actions, comme nous venons de l’expliquer, mais aussi la bulle immobilière. Car, ne nous leurrons pas, l’augmentation des taux d’intérêt obligataires réduira inévitablement les crédits hypothécaires, faisant ensuite baisser les cours immobiliers, ce qui suscitera un effet de richesse négatif majeur chez les ménages mais aussi les entreprises, réduisant encore la croissance, donc l’emploi, alimentant de nouveau le chômage et les déficits publics, puis la dette, donc la remontée des taux longs et ainsi de suite…
C’est en cela qu’il est possible de dire que les krachs obligataire et boursier ne font que commencer…
Ce qui était anormal était justement la situation précédente dans laquelle les taux d’intérêt des obligations d’Etat étaient proches de zéro, voire négatifs et les indices boursiers stratosphériques.
Là où le bât blesse c’est qu’en cas de krach durable, les autorités monétaires et budgétaires mondiales n’ont aucune marge de manœuvre pour relancer la machine. Seuls trois grands pays paraissent susceptibles d’encaisser le choc : l’Allemagne, grâce à son excédent public, la Chine, grâce à ses réserves de changes de plus de 3 000 milliards de dollars et les Etats-Unis, grâce au plein-emploi et à la possibilité de baisser les taux monétaires. Partout ailleurs, le « barillet » est vide. Autrement dit, la fête est bien finie et la gueule de bois risque malheureusement de durer longtemps.
Il faut donc se préparer à des mouvements de fortes corrections baissières et de volatilité élevée des indices boursiers et des marchés obligataires. Dans la zone euro, ces mouvements seront de plus amplifiés par les risques politiques en Italie, en Grèce, en Espagne, mais aussi en France. Là aussi, en cas de crise majeure, une question s’impose : y-a-t-il un pilote dans l’avion ? Merkel est affaiblie, Macron est de moins en moins crédible, les Italiens et les Espagnols paraissent peu enclins à « faire le job ». Autrement dit, chaud devant !
Au total, nous sommes contraints d’anticiper une baisse d’environ 15 % des grands indices boursiers à l’horizon du début 2019. Rien d’insurmontable, mais mieux vaut prévenir que guérir…
Marc Touati