Croissance chinoise : le ralentissement se poursuit doucement mais sûrement.

Sans véritable surprise, la croissance chinoise a ralenti au deuxième trimestre 2018.

Certes, avec un niveau d’encore 6,7 %, le glissement annuel demeure appréciable, tout en étant également légèrement supérieur à notre prévision (en l’occurrence 6,5 %).

De même, avec un tel niveau, la Chine demeure sans conteste la locomotive de la croissance mondiale, devant l’Inde et les Etats-Unis, même si le glissement annuel du PIB indien a temporairement dépassé celui du PIB chinois au premier trimestre 2018, avant de repasser au-dessous vraisemblablement dès le deuxième trimestre.

Sur l’ensemble de l’année 2018, sur une croissance mondiale de l’ordre de 3,2 %, la Chine devrait contribuer à hauteur de 1,2 point, l’Inde de 0,5 point et les Etats-Unis de 0,4 point. Et ce, grâce à des progressions annuelles moyennes du PIB de respectivement 6,7 %, 6,3 % et 2,5 %.

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La Chine ralentit mais reste la locomotive de la croissance mondiale.

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Sources : NBSC, BEA, Mospi, ACDEFI

Pour autant, la réalité est là : l’économie chinoise ne parvient plus à accélérer et doit se contenter d’un ralentissement en douceur inévitable.

S’il n’y a évidemment pas péril en la demeure, notamment parce que l’inflation chinoise reste limitée à 1,9 % et que le taux de chômage se stabilise à 4,8 %, il faut néanmoins noter que la croissance de l’Empire du milieu a retrouvé les plus bas qui prévalaient en 2009.

Chine : 6,7 % de croissance pour 1,9 % d’inflation.

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Sources : NBSC, ACDEFI

De plus, le glissement annuel de la production industrielle est reparti en nette baisse, passant de 6,8 % en mai à 6 % en juin.

Parallèlement, le glissement annuel des ventes au détail a certes légèrement rebondi en juin (+ 0,5 point sur un mois), mais demeure encore relativement faible à 9 %, contre par exemple 10,1 % en mars dernier ou 11 % en juin 2017.

La production industrielle et les ventes au détail ne font plus de miracle.

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Sources : NBSC, ACDEFI

En outre, comme nous l’évoquions la semaine dernière dans ces mêmes colonnes, l’excédent commercial chinois sur douze mois ne cesse de reculer depuis 2016, atteignant un niveau toujours appréciable de 394,8 milliards de dollars en juin, soit cependant 223,3 milliards de dollars de moins que le sommet de juillet 2016 et un plancher depuis décembre 2014.

Les indicateurs avancés de la croissance chinoise (et notamment les indices Caixin des directeurs d’achat) confirment d’ailleurs que cette dernière devrait continuer d’être freinée par l’industrie.

A l’inverse, l’activité dans les services devrait lui permettre d’éviter le pire. De quoi confirmer qu’à l’instar des pays dits développés, l’économie chinoise s’émancipe de plus en plus de l’industrie et tire l’essentiel de sa croissance du dynamisme des services.

La croissance chinoise freinée par l’industrie, mais tractée par les services.

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Sources : NBSC, Caixin, ACDEFI

Au total, si dans leur ensemble, les résultats de l’économie chinoise sont encore loin d’être catastrophiques, ils montrent que celle-ci est fragilisée. Conséquence logique de ces inquiétudes, la tendance baissière du yuan, déjà entamée depuis le début 2018, a été aggravée.

Le renminbi a ainsi atteint 6,80 yuan pour un dollar lors de la séance du 19 juillet, soit son plus mauvais niveau depuis juillet 2017. Il n’est désormais plus qu’à 0,11 yuan du précédent sommet de mars 2017, qui était lui-même un plus haut (pour le dollar bien entendu, donc un plus bas pour le yuan) depuis le printemps 2008.

A cet égard, rappelons que le niveau d’équilibre de la devise chinoise selon la parité des pouvoirs d’achat entre les Etats-Unis et la Chine est de 3,5 yuans pour un dollar. C’est dire l’ampleur de la sous-évaluation du renminbi.

La dépréciation du yuan/dollar, meilleure arme protectionniste de l’Empire du milieu.

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Sources : NBSC, ACDEFI

En fait, cette dépréciation constitue certainement la meilleure réponse des autorités chinoises à l’augmentation des droits de douanes des Etats-Unis sur les produits exportés par la République populaire. Néanmoins, elle montre aussi que cette dernière demeure soucieuse quant à l’avenir de sa croissance dans un monde moins ouvert et a fortiori en ralentissement.

Plus globalement, si la guerre commerciale internationale devait encore s’intensifier (cas malheureusement de plus en plus probable), il est clair que la croissance mondiale aura beaucoup de mal à atteindre notre prévision de 3,2 % cette année (que dire alors des prévisions euphoriques du FMI à 3,9 % ?!) et sera encore nettement ralentie en 2019.

Marc Touati