Comme je l’explique dans ces mêmes colonnes depuis l’automne 2017 et comme je le développerai plus en détail dans mon nouveau livre « Un monde de bulles » qui sortira le 13 septembre prochain, nous sommes envahis par les bulles.
Bitcoin, bourse, marchés obligataires, immobilier et bien d’autres encore, les actifs affichant un écart cumulatif et auto-entretenu entre leur valeur financière et leur valeur réelle sont pléthore.
Néanmoins, depuis le début 2018, la psychologie des investisseurs a commencé à changer, passant de l’exubérance irrationnelle à un certain réalisme dubitatif.
En attendant que la rationalité reprenne complétement le dessus, il paraît opportun de faire le point sur ces principales bulles en nous appuyant sur quelques graphiques très illustratifs.
Commençons par la bulle la plus extravagante et qui a déjà le plus souffert, à savoir celle des bitcoins.
Après 3 000 dollars en juin 2017, 7 895 le 8 novembre dernier, 5 420 quatre jours plus tard et un sommet de 19 800 dollars le 17 décembre, le cours de cette « tulipe des temps modernes » est tombé à 5 850 dollars le 28 juin dernier (avec un plus bas de 5 829 dollars en séance). C’est encore très cher pour du vent, mais le bon sens semble enfin reprendre le dessus.
Voici le fichier pdf :
Bitcoin : la raison commence enfin à prendre le dessus.
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Source : ACDEFI
Deuxième bulle, la flambée boursière excessive de 2015-2017 a été stoppée en février dernier sur l’ensemble des grands indices internationaux, tels que le Dow Jones et le Cac 40. Et malgré quelques tentatives de rebond, la stagnation prévaut depuis le creux de février.
Pour autant, l’écart entre le Dow et la croissance mondiale montre que le dégonflement de la bulle est loin d’être terminée.
Le dégonflement de la bulle boursière ne fait que commencer.
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Sources : FMI, ACDEFI
Et ce d’autant que l’indice Nasdaq a atteint un nouveau sommet historique lors de la séance du 20 juin à 7 806 points. Depuis son plancher de mars 2009, l’indice des « valeurs de croissance » progressaient ainsi de 515 %. Encore plus fort, depuis son sommet historique de la « bulle Internet » de mars 2012, le Nasdaq enregistrait une hausse de 54 %.
Le Nasdaq 54 % au-dessus de son sommet de la bulle Internet de 2000.
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Source : ACDEFI
Une envolée évidemment engendrée par la flambée des Gafam qui, elle aussi, n’en finit plus. Même l’action Facebook, par qui le scandale est arrivé, a renoué avec les records historiques.
Et pour cause : après avoir dévissé de 21,2 % entre le 1er février 2018 et le 27 mars, celle-ci a ensuite remonté de 33,3 %, atteignant un nouveau sommet historique de 203 dollars lors de la séance du 20 juin, soit une hausse de 782 % depuis 2013.
L’action Facebook 782 % plus chère qu’en 2013.
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Source : ACDEFI
Même si la bulle des Gafam est moins irrationnelle que celle du bitcoin et des cryptomonnaies, il faudra bien, là aussi, se réveiller un jour, évidemment avec la « gueule de bois ». D’ailleurs, depuis le sommet du 20 juin, le Nasdaq a baissé de 3,9 % et l’action Facebook de 3,3 %.
Le réveil risque d’être tout aussi douloureux sur le front des marchés obligataires. La récente tempête italienne a ainsi rappelé que les ajustements seront forcément brutaux.
En effet, entre le 4 et le 30 mai, le taux de rendement de la dette publique italienne est passé de 1,7 % à 3,4 % ! S’il a certes reculé dès le lendemain, il s’est néanmoins stabilisé entre 2,6 % et 3,1 %. Des niveaux encore largement sous-évalués au regard des risques qui menacent l’Italie et l’ensemble de la zone euro.
Souvenons-nous qu’au plus fort de la crise grecque, c’est-à-dire en mars 2012, le taux d’intérêt à dix ans des obligations de l’Etat hellène est monté à 40 %. Encore plus fort : le taux d’intérêt à deux ans se hissait à 377 % le 7 mars 2012.
A la même époque, le taux d’intérêt à dix ans de la dette italienne avoisinait les 7 %. C’est dire ce qui nous attend lorsque les marchés obligataires reviendront à leur « juste prix »…
Les taux d’intérêt des obligations italiennes ont augmenté mais restent encore relativement faibles.
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Source : ACDEFI
La France n’est évidemment pas immunisée contre de tels risques et continuent de bénéficier d’une bulle de la dette, c’est-à-dire de taux d’intérêt des obligations d’Etat excessivement bas au regard des niveaux de la dette publique hexagonale. Au premier trimestre 2018, celle-ci a d’ailleurs atteint un nouveau record historique de 2 255,3 milliards d’euros, soit 97,6 % du PIB.
Plus la dette publique française augmente, plus les taux des obligations d’Etat baisse : Cherchez l’erreur….
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Sources : INSEE, ACDEFI
De plus, dans la mesure où les déficits publics français vont repartir à la hausse dès cette année, une remontée des taux obligataires français apparaît inévitable, ce qui pèsera immanquablement sur les crédits, puis sur les cours de l’immobilier.
Et ce d’autant que les mesures gouvernementales (et notamment l’IFI) devraient encore fragiliser le marché immobilier et précipiter la baisse des prix, ce qui constituera finalement un mouvement de normalisation.
Car, ne l’oublions jamais : l’augmentation des prix immobiliers est vertueuse si elle est à l’aune de celle des revenus des ménages. Dans le cas où elle dépasse largement cette dernière, elle devient dangereuse. Or c’est exactement ce qui s’observe depuis quelques années.
En effet, de 1965 à 2000, l’indice du prix des logements rapporté au revenu disponible par ménages (en base 1 en 2000) a oscillé autour de 0,95. Il est actuellement de 1,72. C’est certes légèrement moins que le sommet de 1,80 atteint en 2012, mais toujours beaucoup trop élevé.
A ce jeu des excès, il faut d’ailleurs souligner que le ratio parisien a dépassé son sommet de 2012, atteignant un nouveau pic historique de 2,62 (contre, rappelons-le, un niveau « normal » de 1). A l’inverse, celui relatif aux prix de la province, qui avait atteint un sommet de 1,72 en 2007, a reculé à 1,57 en 2017 et 2018, un plancher depuis 2005.
Immobilier à Paris : Cher, trop cher !
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Sources : CGEDD, ACDEFI
Certes, au premier trimestre 2018, les prix des logements anciens ont continué d’augmenter à Paris, notamment par le biais de ce que certains appellent un « effet Macron ». Seulement voilà, cette bulle aussi commence à se dégonfler comme en témoigne la forte baisse de l’indice INSEE de confiance des ménages français depuis la fin 2017.
La « bulle Macron » se dégonfle aussi.
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Sources : INSEE, ACDEFI
Celui-ci a ainsi perdu 11 points en un an. Il se situe désormais à un niveau de 97, soit 3 points de moins que son niveau moyen de long terme et surtout un plus bas depuis août 2016, à une époque où le glissement annuel du PIB français était de 0,9 %. A l’évidence, la bulle de la croissance française de 2017 est bien en train de désenfler.
Autrement dit, qu’elles soient boursières, obligataires, « bitcoiniennes », immobilières, politiques ou encore économiques, les bulles qui se sont formées et/ou ont exagérément gonflé ces derniers trimestres sont en voie de dégonflement simultané. Attention les yeux !
Marc Touati