Comme chaque mois de juin, nous venons d’affiner nos prévisions économiques pour l’année en cours Et, malheureusement, ces dernières sont à l’image des étiquettes des magasins hexagonaux depuis quelques jours : en soldes.
Certes, la croissance mondiale devrait rester appréciable et avoisiner les 3,2 % en 2018. Néanmoins, si ce niveau semblait être un plancher peu probable il y a encore quelques semaines, il apparaît désormais comme un plafond. Un tel résultat serait donc notablement inférieur aux 3,8 % de 2017, mais aussi au niveau annuel moyen enregistré entre 1980 et 2017, à savoir 3,5 %. Il confirmerait donc qu’après le rebond de l’an passé, l’heure est dorénavant au net ralentissement. Autre problème : après une phase de convergence en 2016-2017, l’évolution du PIB mondial redeviendrait particulièrement disparate, avec des pays émergents toujours en tête, mais avec de fortes amplitudes, des Etats-Unis résistants et une zone euro de nouveau à la traîne.
Comme cela s’observe depuis 2008, le monde dit « émergent » devrait donc continuer de dominer la planète économique en affichant des performances certes ralenties, mais toujours très appréciables. Comme d’habitude, la Chine donnera le « la » et engagera une décélération volontaire, afin d’éviter la surchauffe. En effet, grâce à un yuan régulièrement apprécié (+ 10 % entre le début 2017 et avril 2018, certes suivi d’une dépréciation de 4 % depuis) et à un taux d’intérêt directeur de la Banque Centrale de 4,35 % depuis octobre 2015, la croissance chinoise devrait se stabiliser autour des 6,5 % en 2018, contre 6,9 % en 2017 et une moyenne annuelle de 8,7 % depuis 1995. Ce résultat constituerait même un plus bas depuis 1990. Ce « soft landing » permettra notamment de contenir l’inflation chinoise et de réduire la demande de matières premières, limitant par là même les cours de ces dernières. Ces deux évolutions se traduiront par un apaisement des tensions inflationnistes à travers le monde, pérennisant ainsi une progression du PIB international autour des 3 % sans dérapage inflationniste.
Parallèlement, la croissance annuelle moyenne du PIB indien devrait avoisiner les 6,2 % en 2018, contre 6,3 % en 2017 et 7,8 % en 2015 et 2016. Rien de dramatique, mais la décélération prolongée de la deuxième locomotive de la croissance mondiale (après la Chine) aura forcément des conséquences notables sur l’activité de la région et de la planète. Une situation analogue s’observera au Brésil. Avec une croissance d’environ 1 %, soit un niveau identique à celui de 2017, mais avec un net ralentissement par rapport au glissement annuel de 2,2 % du quatrième trimestre 2017.
Du côté des pays développés, les différences de performances seront également de taille. En fait, seul un pays devrait connaître une augmentation de sa croissance annuelle en 2018, en l’occurrence les Etats-Unis, avec un résultat de 2,5 %, contre 2,3 % l’an passé.
A l’inverse, la croissance japonaise devrait passer de 1,7 % en 2017 à 1 % cette année. De même, après avoir rebondi à 2,6 % en 2017, la croissance de la zone euro devrait repartir en nette baisse en 2018, avec une « performance » d’au mieux 1,9 %. Et ce, d’autant que les crises politiques et sociétales dans la plupart des membres de l’UEM risquent de s’intensifier, engendrant une véritable crise de confiance quant à la capacité de la zone euro à se renforcer voire à perdurer en l’état.
De telles craintes ne manqueront évidemment pas de « titiller » les taux d’intérêt des obligations d’Etat à la hausse, notamment dans les pays du Sud mais aussi en France. Celui des obligations du Trésor français à dix ans pourrait ainsi avoisiner les 1,5 % d’ici l’automne prochain. Une telle tension se traduira notamment par une baisse de 5 à 10 % des prix des logements anciens et par un fort ralentissement de l’investissement des entreprises. Le taux de chômage se stabilisera aux alentours des 9,2 %, limitant les dépenses de consommation déjà bien affaiblies. Dans ces conditions, après avoir atteint 2,3 % en 2017, la croissance hexagonale se repliera vers les 1,5 % en 2018.
A l’échelle de la zone euro, des « performances » similaires seraient obtenues. Certes, l’Allemagne conserverait son leadership, mais elle ralentirait également, réalisant une croissance de 1,9 % l’an prochain, après 2,5 % en 2017. Quant aux autres pays de la zone, tout dépendra de l’étendue de l’instabilité politique et de l’ampleur de réactivation de la crise de la dette publique. Pour autant, même en supposant un apaisement de ces dangers et en faisant l’hypothèse d’un repli de l’euro sous les 1,15 dollar, la croissance ralentira nettement dans tous les pays du Sud de l’Europe.
Ainsi, après un rebond de 1,6 % en 2017, le PIB italien ne progresserait que de 1 % en 2018. Quant à la croissance du PIB espagnol, elle continuerait son ralentissement entamé depuis le sommet de 3,4 % enregistré en 2015, puisqu’après avoir atteint 3,3 % en 2016, puis 3,1 % en 2017, elle devrait retomber à 2,6 % cette année. Une performance à peine supérieure à celle du voisin portugais, dont la croissance devrait reculer à 2 %, contre 2,7 % l’an passé. Quant à la Grèce, elle restera convalescente, avec une croissance équivalente à celle de 2017, autour de 1,3 %.
En d’autres termes, comme en 2017, l’économie eurolandaise restera relativement homogène, mais cette fois-ci vers le bas. Dans ce cadre, à l’instar des évolutions internationales des quinze dernières années (à l’exception notable de 2017), l’UEM et le Japon resteront les lanternes rouges de la croissance mondiale tant en 2018 qu’en 2019 d’ailleurs.
Les soldes auront donc bien lieu sur le front de la croissance mondiale, mais pas de manière uniforme. C’est bien là le problème : bien souvent les soldes portent sur des produits de faible et moyenne qualité, tandis que les biens haut de gamme et/ou fortement appréciés sont généralement peu concernés…
Marc Touati